Magazine PROF n°2
Dossier À l’école de la citoyenneté
Faut-il créer un cours de philosophie ?
Article publié le 01 / 06 / 2009.
La réflexion philosophique contribue à la formation des citoyens. Pourtant, il n’existe pas de cours spécifique de philosophie dans nos programmes. Cette discipline n’est-elle pas enseignée dans nos écoles ?
On parle beaucoup de créer un cours de philosophie. L’idée remonte aux années ‘90 au moins. Une commission préconisa la création d’un cours spécifique de philosophie, obligatoire pour tous les élèves dans le secondaire supérieur. Une enquête de l’Unesco, clôturée par la Déclaration de Paris, recommanda en 1995 de généraliser l’enseignement de la philosophie.
Des débats
En 2000, une proposition d’introduire un cours de philosophie et d’étude comparée des religions en remplacement des cours philosophiques dans le troisième degré suscita un débat parlementaire agité. Un comité de promotion des cours philosophiques rédigea une pétition et un manifeste pour la coexistence des cours de morale et de religion dans l’enseignement officiel. Il voyait dans le cours de philosophie une menace pour les cours dits "philosophiques ».
D’autres idées furent suggérées par la suite, comme de rendre les cours philosophiques facultatifs, mais de créer un cours de « questions essentielles » obligatoire dès l’enseignement primaire. Plus récemment, en 2004 et en 2006, sont revenues sur la table les idées de créer un cours de philosophie et d’histoire culturelle des religions, ou que tous les élèves des 2e et 3e degrés de l’enseignement officiel reçoivent une initiation aux convictions de la morale et des religions. Sans succès.
Un cours de philosophie, qui pourrait s’y opposer pourtant ? Si l’on ne touche pas aux cours philosophiques, la création d’un cours de philosophie pose d’emblée deux problèmes majeurs : soit on réduit un autre cours dans le programme, et la question se pose de savoir lequel ; soit on ajoute un cours de philosophie au programme, et la question se pose alors de savoir avec quels moyens ? Par ailleurs, les programmes ne sont-ils pas déjà suffisamment chargés ? Comme on le voit, la question n’est pas simple.
Ne pourrait-on alors intégrer la philosophie dans des cours existants où ils trouveraient « naturellement » leur place ? Une étude systématique des idées philosophiques - et idéologiques - contribuerait à la formation intellectuelle de nos élèves. Mais, là aussi, on se heurte aux mêmes problèmes récurrents : quels cours, et que va-t-on supprimer dans ces cours déjà bien chargés ? À trop charger la barque, elle coule !
Ne serait-il pas plus simple de remplacer alors les cours philosophiques par un cours d’éducation à la citoyenneté, commun à tous et obligatoire, incluant une approche critique des idées philosophiques et religieuses ? Mais l’idée suscite une levée de boucliers d’autant plus vigoureuse que tous les élèves ont le droit constitutionnel à une éducation morale ou religieuse (art. 24) ! À défaut de supprimer la religion à l’école, qui relève de la sphère privée, ne pourraiton au moins enseigner à tous les élèves les valeurs de chacune d’elles, en y intégrant une approche des idées philosophiques. Sans prosélytisme. C’est l’idée sur la table en ce moment. Défendue en vain.
La réflexion philosophique
Pourtant, il est possible de philosopher en classe sans cours spécifique. Des ateliers philosophiques pour les enfants peuvent être organisés dans les écoles primaires, selon la méthode Lipman, trop peu connue chez nous (lire en page 17). Mais la réflexion philosophique ne prendrait-elle pas un sens accru si elle était pratiquée dans l’ensemble des cours, et non dans un seul en particulier. Et cette compétence transversale ne passe-t-elle pas fondamentalement par le développement de l’esprit critique et logique sur lequel repose notre enseignement ? Cette capacité de juger en argumentant, de poser des choix éthiques raisonnés et d’agir en citoyen responsable n’est-elle pas plus importante que la connaissance des grandes philosophies ? De fait, cette connaissance est utile mais non suffisante, car elle ne garantit nullement la sagesse ! On se souviendra peut-être que Goebbels était docteur en philosophie. On connait la suite…
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