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Magazine PROF n°30

 

Droit de regard 

Marco Martiniello: « L’école doit être une fabrique de citoyenneté »

Article publié le 01 / 06 / 2016.

Sociologue et docteur en sciences politiques et sociales, Marco Martiniello est spécialiste des questions de politiques migratoires, de citoyenneté, de multiculturalisme. Pour lui, l’école a plus que jamais un rôle clé à jouer dans la socialisation des élèves.

PROF : Les récents attentats ont-ils accentué le risque d’amalgame entre radicalisme et immigration ?
Marco Martiniello :
Ce qui a créé ces amalgames, ce ne sont pas les attentats eux-mêmes, mais l’analyse qu’en ont faite les médias, traditionnels et nouveaux, et certains responsables politiques. Car on observe ces mêmes amalgames dans des pays qui n’ont pas connu d’attentats. En outre, ceux-ci ont été commis par des personnes issues de l’immigration, mais pas immigrées elles-mêmes car nées en Europe.

Marco Martiniello : « Ce n’est évidemment pas à l’école seule d’endosser la responsabilité de la réaction au radicalisme, mais les élèves y passent tout de même sept ou huit heures par jour…»
Marco Martiniello : « Ce n’est évidemment pas à l’école seule d’endosser la responsabilité de la réaction au radicalisme, mais les élèves y passent tout de même sept ou huit heures par jour…»
© ULg

N’ont-ils pas également accentué le risque de repli sur soi ?
C’est sûr. Plus précisément, deux replis sur soi qui s’opposent : celui des communautés musulmanes qui se sont senties visées, stigmatisées ; et celui d’une frange de la population belgo-belge, attisée par certains propos nationalistes.

Face au radicalisme, que peut faire l’école ?
Je précise d’abord qu’il peut y avoir du radicalisme dans toutes les religions et aussi en politique, à droite et à gauche. Sans doute ne prépare-t-on pas suffisamment les acteurs de première ligne que sont les enseignants, les éducateurs, à gérer des classes de plus en plus multiculturelles et avec une grande diversité religieuse.

Ce n’est évidemment pas à l’école seule d’endosser la responsabilité de la réaction au radicalisme, mais les élèves y passent tout de même sept ou huit heures par jour…

Je pense aussi que l’école parvient de moins en moins à jouer son rôle de réducteur des inégalités sociales. Ce n’est évidemment pas la faute des enseignants qui se trouvent dans un système qu’ils n’ont pas construit. Plus les jeunes sont défavorisés économiquement, plus ils sont écartés. Il faut que l’école revienne à sa mission de socialisation, qu’elle inclue les jeunes dans la société.

L’école est malheureusement le reflet de notre société où on n’existe pas en-dehors de l’argent. Clairement, on a mal à notre jeunesse ; on n’est plus en mesure de lui donner du sens, de l’espoir. Cela crée un terreau dans lequel certains adolescents, en quête d’identité, peuvent être tentés par des positions tranchées, des expériences extrêmes qui, selon eux, donnent du sens à leur vie.

Je veux croire au rôle que peut jouer la culture dans la construction du sens. Et je hurle quand j’entends que dans certains pays, on veut réduire ou supprimer le cours d’histoire ou d’autres matières non « monnayables  sur le marché ».

Concrètement, que peuvent faire les enseignants confrontés, dans leurs cours, aux questions des élèves, voire à certains parti-pris ?
Difficile de réagir, par exemple face à des élèves refusant de respecter une minute de silence en mémoire des victimes des attentats. Au-delà de la sanction – indispensable -, je pense que c’est important de tenter de comprendre ce qui pousse des jeunes à s’orienter vers le rejet, la haine de notre société. Et d’essayer de maintenir le dialogue à tout prix, en créant des temps, des espaces d’échanges d’idées. Surtout si on n’est pas d’accord. Quand il n’y a plus de dialogue, chacun s’enfonce dans ses certitudes.

Le cours de citoyenneté vous parait-il être une voie intéressante ?
Pourquoi pas ? C’est sûrement un cours très important pour apprendre aux jeunes à se sentir reconnus, traités de la même manière, respectés dans leurs droits et leurs devoirs quels que soient leur origine, leur milieu, leur orientation sexuelle. Mais a-t-on besoin pour cela d’un cours à part ? Ne peut-on pas développer une approche citoyenne dans tous les cours ?

Le Centre d’Études des Ethnicités et des Migrations que vous dirigez a réalisé une étude de faisabilité sur la création d’un institut public d’études de l’islam (1). Ensuite, une commission chargée de faire des propositions au Gouvernement a recommandé notamment une formation obligatoire pour les professeurs de religion islamique (2). Va-t-on dans le bon sens ?
Bien sûr ! Si on confie les cours à des enseignants qui n’ont aucune connaissance de la réalité sociologique belge, leur discours est en porte-à-faux. Il faut former ici les professeurs de religion islamique, même si cela ne plaira pas à certains États qui souhaitent maintenir une forme de contrôle. Les jeunes musulmans qui ont grandi ici n’ont pas tous la même perception de l’islam et de la place de cette religion dans la société. Le cours doit refléter cette diversité.

Un souvenir d’école qui vous a marqué ?
Mes parents, ouvriers d’origine italienne, m’ont toujours encouragé à aller plus loin qu’eux. Pourtant, les tests d’orientation en 6primaire, à l’athénée, me dirigeaient vers l’école technique en tant que « manuel » alors que j’étais premier de classe. Sans l’acharnement de mes parents, j’aurais aveuglément suivi cette voie et je serais devenu quelqu’un d’autre. Cela me renvoie l’idée que selon l’origine sociale, on n’a pas tous les mêmes chances…

Propos recueillis par
Catherine MOREAU

(1) http://bit.ly/1YumsxT
(2) Le rapport de la commission : http://bit.ly/1XtNF5y

Pour lutter contre le radicalisme

• Films. Laplateforme.be et la Cinémathèque ont sélectionné la captation de Djihad, la pièce de théâtre d’Ismaël Saïdi (http://bit.ly/1ONIrjk), mais aussi des œuvres de Roger Beeckmans, Une si longue histoire, et son tryptique L’école de la toléranceUne école en terre d’accueil - L’école de la vie. Ces outils sont à votre disposition gratuitement sur http://www.laplateforme.be pour une vision préparatoire et disponibles en dvd via cinematheque@cfwb.be.

• Collabeur, court-métrage de Fahem Abes, met en scène l’inspecteur de police Farid, belge d’origine marocaine, et Rachid, un jeune lycéen qui considère Farid comme un traitre, un « collabeur ». Ce cinéaste est inscrit dans l’opération Cinéastes en classe, qui sera lancée en septembre. Infos : fabesbel@gmail.com – 0486 / 968 363.

• Vivre ensemble. Parmi les nouveautés de cette rubrique de {lien_externe|http://www.enseignement.be, on notera « Que dire à mon enfant après l’école ce 22 mars ? », du Ligueur ;  « Attentats - Quelques pistes pédagogiques pour en parler avec nos enfants... », de Yapaka ; « Bruxelles 22 mars 2016 - Tenir bon et se mobiliser », du Conseil supérieur de l’Éducation aux Médias ; et « Attentats de Bruxelles », de Démocratie ou barbarie. (> S’outiller, http://bit.ly/1NzV8Oa et > S’informer, http://bit.ly/1RaBtiD)

• Numéro vert. La Fédération Wallonie-Bruxelles a mis à disposition en juin 2015 le numéro vert 0800/20.000 pour offrir aux familles une écoute ainsi qu'une aide juridique confidentielle en matière de radicalisme. Elle a reçu une cinquantaine d'appels depuis son ouverture.

• Beit Project. Pendant deux jours et par petits groupes, des 10-14 ans issus de deux écoles différentes apprennent à collaborer, à s’approprier les lieux, à repérer les traces historiques et à les connecter à un thème contemporain mais également à débattre avec les habitants en les filmant lors d’interviews. Infos : http://thebeitproject.org/frinfo@thebeitproject.org – circulaire 5687.

• L’Observatoire. Le n° 86 de L’Observatoire s’intitule « Radicalisme violent ». Il vise à « comprendre pour désamorcer, prévenir, construire une société plus inclusive ». http://www.revueobservatoire.be/

• Klasse, notre homologue néerlandophone a réalisé un dossier multimedia sur la radicalisation (en néerlandais) : « Radicalisering ». http://bit.ly/1TlPX1v

• Mesures gouvernementales. Le 23 mars, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles décidait de consacrer 90 000 € pour mettre en place des mesures selon quatre axes : formation, coaching, construction d’une pièce de théâtre, création d’outils pédagogiques. D’autre part, il s’agit aussi d’effectuer un relevé des problèmes de terrain, de renforcer le maillage, les actions positives en milieu urbain et les animation jeunesse. À plus long terme, il prévoit d’organiser une formation obligatoire des cadres du secteur Jeunesse. http://bit.ly/1suO5wv. Des groupes de travail ont été créés à cet effet, et on compte une première réalisation : http://www.bienvenuedansmatribu.be. Cette plateforme interactive permet de s’informer sur les articles de la Charte de la Citoyenneté, à partir de vidéos et d’y réagir en ligne. Des outils destinés aux professionnels sont également référencés.

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