Magazine PROF n°34

L'acteur 

À La Petite École, y a d’la joie !

Article publié le 01 / 06 / 2017.
Article paru en ligne uniquement.

Depuis l’été 2015, La Petite École, à Bruxelles, fonctionne comme une étape éventuelle pour scolariser de jeunes immigrés. PROF a rencontré sa coordinatrice.

Juliette Pirlet ⁽¹⁾ est professeure de français et d’histoire dans le secondaire depuis 17 ans. Sa passion pour l’enseignement déborde sur ses loisirs : c’est elle qui coordonne bénévolement la Petite École et elle a co-fondé le Red/Laboratoire pédagogique, un collectif d’enseignants-chercheurs.

PROF. Que fait La Petite École ?
Juliette Pirlet : Elle prend le temps de mettre en confiance des 6-12 ans déscolarisés du fait d’un voyage migratoire. Elle vise à leur apprendre le français d’une part, via des activités artistiques. Et d’autre part, nos codes sociaux et scolaires. Mais elle reste un projet-pilote : ses acteurs sont en recherche continue ⁽²⁾.

Une première mouture, l’École éphémère, est née durant l’été 2015…
Le déclic ? Une rencontre avec des immigrés syriens qui fréquentent le parc de la Rosée à Anderlecht. Leurs enfants – certains sont déjà en Belgique depuis l’été 2014 – ne sont pas scolarisés. Selon les parents, par manque de places scolaires. Ajoutez à cela la précarité de leur installation. Ils nous sollicitent, moi et quelques amis, pour les encadrer, le temps des vacances d’été. À la rentrée, Infor Jeunes les inscrit dans des écoles. Pour aller plus loin, nous créons une Petite École dans un local prêté par le Collectif Garcia Lorca, avec une tournante de vingt volontaires. À la rentrée suivante, une trentaine de nos élèves sont scolarisés de manière plus structurée : un membre du groupe faisant l’interface entre familles et acteurs scolaires.

Cette année-ci, l’encadrement a changé ?
Des fonds privés nous permettent de louer un autre local et les ministères de l’Aide à la Jeunesse et de l’Éducation nous détachent chacun un enseignant à mi-temps : Marie Pierrard et Mélanie Cortembos, des collègues de mon école. Cela permet un encadrement plus professionnel, plus stable, en n’éludant pas la différenciation.

Le public est-il resté le même ?
Il s’étend et est plus hétérogène en raison du bouche-à-oreille et du fait que les Antennes scolaires communales nous connaissent. C’est plus facile : on sort de la dimension clanique. Et on rencontre alors les difficultés et les richesses du multiculturel.

Pas facile de coordonner La Petite École en sus de votre métier ?
Ma frontière entre travail et loisir est très perméable. Dans les deux cas je retrouve ma passion. Le plus difficile, c’est d’aller frapper à toutes les portes et d’enchainer réunions et négociations. Le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Fondation Roi Baudouin (Fonds Schepers-Germaine Lijnen et André) nous donne une certaine stabilité. Nous ne voulons pas plus d’aide pour rester indépendantes sur le plan pédagogique.

Quel est l’impact sur votre enseignement ?
Notre regard sur nos élèves et sur les mécanismes de leurs difficultés change. De plus nous créons des projets communs. Nos jeunes font des activités artistiques, tutorés par des élèves de 5^e secondaire de notre école, pour un cours de sciences sociales. Ce n’est possible que par la volonté d’ouverture de notre directrice. En retour, la Petite École pourrait accueillir temporairement des élèves en difficulté du secondaire.

Une condition pour démarrer ?
De l’enthousiasme et de l’expérience pédagogique. Nos jeunes montrent moins leurs traumatismes que leur curiosité, leur soif d’apprendre et surtout leurs joies.

Propos recueillis par
Patrick DELMÉE

⁽¹⁾ juliettepirlet@yahoo.com – 0484 / 93 61 14
⁽²⁾ http://redlabopedagogique.tumblr.com/