Magazine PROF n°29
Dossier Ils ont décroché, ils ont repris pied
Fatima : « J’ai envie d’obtenir mon CESS en 7e puériculture »
Article publié le 01 / 03 / 2016.
Fatima (1), 16 ans, a décroché en 2e secondaire avant de passer une année dans un Service d’accrochage scolaire. Elle a ensuite raccroché en 3e professionnelle Services sociaux.
PROF : Fatima, quels sont les facteurs qui peuvent expliquer votre décrochage?
Fatima : En primaire, mon niveau de concentration était faible. J’étais un élève dans la lune. J’ai obtenu 70% à mon CEB car j’ai pu avoir des cours particuliers. Lors de ces cours, les enseignants me réexpliquaient la matière d’une autre façon. L’un utilisait des schémas en science, l’autre me chantait une conjugaison. L’un d’entre eux a retravaillé avec moi différentes méthodes de travail pour mieux mémoriser : la réécriture, l’écoute d’un enregistrement, la répétition orale,… Cette troisième technique me convient le mieux : je dois répéter, répéter, répéter en me posant des questions et en m’autoévaluant.
Lorsque je suis entrée en secondaire, j’ai perdu mon niveau scolaire et je me suis sentie harcelée par les autres élèves.
Un autre élément important est que je ne savais pas exactement ce que je voulais faire. Je restais à l’école, en classe ou dans le bureau des éducateurs. Mais je ne travaillais plus.
Que s’est-il passé en fin d’année ?
J’ai raté ma première. Ensuite, j’ai suivi une première S. J’y ai retrouvé des doubleurs ou des glandeurs. Pendant deux mois, j’ai essayé de suivre. Les autres élèves m’ont pris comme lèche-botte des professeurs. Mon caractère réservé n’a rien arrangé. J’ai subi des remarques, puis des injures, des tirages de cheveux, des coups… Cela a continué toute l’année. Mais le passage en deuxième était automatique. Je n’en ai parlé à personne.
La médiatrice a vu mes résultats et mes absences et m’a convoquée. En deuxième, beaucoup d’élèves ont été renvoyés ou sont allés en professionnelle. Le climat de classe était meilleur. Mais, malgré des études jusqu’à 3h du matin, je n’avais plus le niveau. Mon premier bulletin n’avait que du rouge. Je ne voulais plus aller à l’école. Ma mère a essayé de me convaincre pendant deux mois. C’est la médiatrice qui m’a conseillé alors le Service d’accrochage scolaire (SAS).
Dans cette école, il a manqué des profs compréhensifs, calmes, notamment envers le harcèlement. Certains éducateurs n’aimaient pas trop « se mettre dedans », parce qu’ils avaient eu des problèmes avec des élèves. Mais la médiatrice a bien réagi. Par contre, on n’a pas trouvé de bonne solution au harcèlement, ni à ma méthode de travail, et je ne savais pas ce que je voulais faire.
La langue a-t-elle été un problème ?
On parle le marocain à la maison. Ma maman a eu son CEB en espagnol. Elle a pu m’aider en primaire. Depuis toute petite, je comprenais l’arabe, mais je répondais en français.
Quels sont les facteurs qui expliquent le raccrochage?
Au SAS, j’avais peur que cela recommence. Mais les élèves, les profs et les éducs sont différents. Ils t’écoutent, ils ne jugent pas, ils ne crient pas. Il y a des règles, pas comme à l’école, plutôt comme dans une famille.
J’y suis restée de décembre à juin. Et surtout, j’ai pu participer à des stages. Le SAS m’a permis de faire un stage d’une semaine d’observation dans une crèche. J’ai aimé cela. J’ai ensuite fait deux autres stages, actifs cette fois-ci, de deux semaines dans deux autres crèches.
De plus, j’ai vu un psy. Mentalement, je n’allais pas très bien. Pour préparer ma rentrée à l’école, le centre de guidance, en accord avec le SAS, m’a proposé de me faire suivre par une assistante sociale.
J’ai choisi une école où on forme des puéricultrices et qui a un bon niveau. Cela se passe bien. Je pouvais appeler mon assistante sociale en cas d’urgence. Je n’ai pas dû le faire. Je la vois une fois tous les trois mois pour faire un bilan.
Je suis en troisième professionnelle services sociaux. J’aime bien les matières. J’ai même un cours de méthode de travail. J’ai envie de passer ma qualification en sixième et d’obtenir mon CESS en septième puériculture. À Noël, j’ai eu un beau bulletin : 84% de moyenne générale.
Vous avez le soutien de vos parents ?
Ma maman et mon beau-père m’ont toujours soutenue. J’ai perdu mon papa en première secondaire. Peut-être que cela a pu agir sur mon parcours. Pendant plusieurs jours, j’ai dormi, je n’ai plus rien fait. Mon frère, qui m’aidait en première, ne l’a plus fait quand j’ai décroché.
Propos recueillis par
Patrick DELMÉE
(1) Prénom d’emprunt.
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