Magazine PROF n°5
L'info
La galère des débutants
Article publié le 01 / 03 / 2010.
Prenez dix enseignants débutants. Cinq ans plus tard, il en reste six en classe. Sélection naturelle ? Trop facile…
Christelle Devos, assistante à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UCL (1), qui mène une thèse sur l’insertion des enseignants débutants, a fait le point sur ses constats lors du récent colloque de l’Esffim (2). Pour elle, l’entrée dans le métier comporte des spécificités : mêmes responsabilités que les anciens, charge de travail souvent supérieure (cours à créer), emploi temporaire et engagement précipité, parfois (souvent ?) dans les classes/écoles « difficiles ».
L'altération de la confiance en soi
Sur 486 futurs instituteurs ou régents sollicités en mai 2009, une centaine ont répondu à un questionnaire, six mois et un trimestre d’enseignement plus tard. Objectif : pointer les corrélations (ce qui ne signifie pas lien causal) entre difficultés et sentiment de bien-être. Résultat : l’expression de difficultés est fortement corrélée à des sentiments dépressifs, à une confiance en soi altérée et à une moindre intention de continuer le métier. Cette corrélation est plus forte à propos de la dynamique de classe et des relations avec les élèves. Et les difficultés liées à la gestion du groupe et des apprentissages ont un fort impact sur la confiance en soi.
L’étude s’intéresse ensuite aux éléments qui, dans l’environnement de travail, pourraient faciliter l’insertion. Et singulièrement l’ambiance de travail, la collaboration avec les collègues, et l’accompagnement. Sur base d’items comme « Ce qui compte, c’est de donner l’impression qu’on est aussi bon ou meilleur que les autres enseignants », les chercheurs ont sérié deux ambiances marquées l’une par l’apprentissage/coopération, l’autre par la performance/compétition. Dépression et difficultés sont fortement corrélées à l’ambiance de… performance. Par contre, la fréquence des collaborations en tant que telles entre collègues ne semble pas avoir de lien avec le bien-être ou les difficultés exprimés. Il semble donc que ce soit l’ambiance dans laquelle ces activités de collaboration ont lieu, plutôt qu’uniquement leur existence, qui favorise l’épanouissement du débutant.
Le mentorat en débat
Quant à l’accompagnement des enseignants novices, de la même manière, c’est sa qualité qui fait la différence (3). C’est d’ailleurs tout le débat autour du mentorat, qui selon une autre étude citée par Christelle Devos, agit principalement sur la confiance en soi, là où l’impact d’un bon encadrement par la direction agit à la fois sur la confiance en soi, sur l’impression de difficultés, et sur… l’intention de poursuivre le métier. « Dans la littérature, le mentorat est un mode d’accompagnement très recommandé, mais sur le terrain, il y a pas mal d’obstacles à franchir si on veut que ce soit une réussite », conclut Christelle Devos, qui travaille justement sur ces conditions de réussite…
D. C.
(1) Participant aussi au Groupe interdisciplinaire de recherche sur la socialisation, l’éducation et la formation (GIRSEF), Christelle Devos mène une thèse sur l’insertion des enseignants débutants.
(2) Esffim pour « Enseignements secondaire et fondamental - Formation initiale des maitres », groupe d’accompagnement faisant partie du Segec.
(3) Au Québec, par exemple, s’est créé en 2005 le Carrefour national de l’insertion professionnelle en enseignement (CNIPE), avec le soutien du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. http://www.cnipe.ca/
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