logo infos coronavirus
logo infos Ukraine
logo du site Mon Espace
logo du pacte d'excellence
logo FAQ+
logo des annuaires scolaires
logo espace enseignant
logo des communiques de presse
logo du magazine PROF
 

Magazine PROF n°53

 

Coté psy 

Catherine Vanham: "La gestion mentale aide les élèves à découvrir les outils qu'ils ont en eux"

Article publié le 17 / 03 / 2022.

Orthophoniste-logopède, spécialisée en troubles neurodéveloppementaux, Catherine Vanham forme des enseignants en gestion mentale, selon les théories de La Garanderie.

Antoine de La Garanderie, philosophe et pédagogue, a connu l’échec scolaire et s’est intéressé aux difficultés d’apprentissage et à ce qu’il était possible de mettre en place pour aider les enfants en difficultés à réussir.

Il est le père de la théorie pédagogique de la gestion mentale, qui réfléchit sur les motifs de la réussite et de l'échec des étudiants, en mettant en évidence les différents gestes mentaux intervenant dans la réflexion et l'apprentissage. Catherine Vanham (1) nous éclaire sur ces théories.

Catherine Vanham : « Je suis Panoramix qui donne la recette de la potion pour que les Astérix deviennent des Obélix… »
Catherine Vanham : « Je suis Panoramix qui donne la recette de la potion pour que les Astérix deviennent des Obélix… »
© PROF/FWB/Serge Vanham

PROF : Qu’est-ce que la gestion mentale selon les principes établis par La Garanderie ?

Catherine Vanham : C’est la prise de conscience des gestes mentaux d’apprentissage dans un accompagnement pédagogique, et par le biais de l’introspection.

Dans un premier temps, La Garanderie a séparé les gestes mentaux : l’attention, la mémorisation,
la réflexion, la compréhension et l’imagination, pour mieux les réunir ensuite par le biais de l’introspection.

Par exemple, lorsque l’on fait quelque chose, on n’en fait pas une autre. Lorsque l’on est attentif, on est dans l’effort de comprendre. Un élève qui écoute attentivement en classe n’est pas dans une attitude de mémorisation. Ce sont des activités qui mobilisent des gestes mentaux différents. Une interro surprise en fin de leçon a peu de chance d’être réussie parce que l’élève n’a pas mobilisé les gestes mentaux de mémorisation, mais des tas d’autres.

Les gestes mentaux peuvent être comparés à des gestes physiques : pour traverser la piscine, on peut faire la brasse, le crawl, le papillon… On nage, mais il y a plusieurs manières de traverser le bassin. De même qu’il y a différentes manières d’apprendre.

Il ne suffit pas de dire à un élève « Connais ta leçon » ! C’est quoi, connaitre ? Il faut expliciter à l’élève ce qu’on attend de lui, ainsi il mettra en place une série de gestes mentaux qui lui permettront de réaliser l’attendu.

Dire : « Regardez bien cette carafe » est fort différent de « Regardez bien cette carafe afin d’être capable de la dessiner avec précision ». Les gestes mentaux que l’on met en place sont différents. Dans le premier cas, on regarde sans savoir ce qui va nous tomber dessus. Dans le second, on regarde en se mettant en projet. Je regarde pour… Et les gestes mentaux pour y arriver s’activent. Je regarde les couleurs, la forme… dans le but de dessiner avec précision. Si on avait dit : « Regardez bien cette carafe dans le but d’en calculer le volume », les gestes mentaux auraient été différents.

En fait, en classe, il y a des Obélix tombés dans la potion magique scolaire : ils savent comment faire pour comprendre, étudier, connaitre et réussir. Et puis, il y a les Astérix qui ne savent pas. Moi, je suis Panoramix, qui apporte la potion pour aider les Astérix à devenir des Obélix. Et aider les Obélix à prendre conscience de ce qu’ils font pour réussir et qu’ils; puissent partager avec les Astérix leurs trucs et ficelles (essaimage).

Grâce à la gestion mentale, je les aide à découvrir les outils qu’ils ont en eux, à les mobiliser, à les rendre autonomes pour réussir. Il ne suffit pas d’apporter la potion, il faut aussi donner la recette.

Quand on pose la question aux élèves : « Comment tu fais pour étudier ? » Beaucoup disent : « Je lis ou j’écris plusieurs fois. » Oui mais après ? Comment sait-il qu’il a compris ce qu’il a appris ? Souvent, on me répond : « J’attends que ça rentre », ou c’est le silence. Ces enfants sont démunis car ils ne savent pas pratiquer l’introspection.

De nombreuses écoles proposent des cours de méthodologie, ce qui est une très bonne chose car ces cours apportent des gestes externes : faire des résumés, organiser un cours… Mais rares sont les cours de méthodologie qui nourrissent les gestes internes, à savoir ce que les élèves doivent faire dans leur tête, et qui est propre à chaque individu.

La vraie différenciation serait de proposer des activités qui nourrissent tous les enfants selon leurs spécificités, mais l’erreur est de penser qu’on doit le faire en même temps. Alors qu’il faudrait alterner les manières d’apprendre afin de répondre aux besoins de tous. Alterner déduction/induction, présentation globale/présentation linéaire, exercices de drill/invention d’exercices…

C’est quoi, l’introspection ?

L’introspection est l’ensemble des représentations mentales que chacun fait des informations qui se présentent à lui. Le problème c’est qu’actuellement beaucoup de jeunes ont des difficultés à entrer en eux. Car ce temps d’introspection utilise la réflexion. Réfléchir nécessite un retour sur soi, d’écouter, d’essayer, d’émettre des hypothèses, de faire des liens. Cela prend du temps.

Beaucoup d’enfants aujourd’hui ont des difficultés car ils sont dans le « tout de suite ou rien ». Je constate que beaucoup d’ados d’aujourd’hui n’ont plus la flexibilité mentale de la réflexion. Ils ne savent plus s’écouter, écouter l’autre. Ils sont dans l’immédiateté et cela ne fonctionne pas quand on est dans un processus d’apprentissage. Apprendre prend du temps.

Quels sont les grands principes de la gestion mentale ?

Il y a quatre temps. D’abord le projet, qui donne une structure pour atteindre l’objectif. Comme dans l’exemple de la carafe. Ensuite, il y a la perception, qui se fait par au moins l’un des cinq sens. On ne doit pas intégrer tout, tout le temps. En fait, l’essentiel est de happer l’attention de l’enfant.

En troisième lieu vient l’évocation, qui est la prise de conscience de la panoplie de sa palette mentale. Certains savent qu’ils « voient » dans leur tête des films, des images. D’autres ressentent des émotions. C’est un exercice que l’on peut faire en classe. « Qui a fait un petit film dans sa tête ? Qui a vu des images ? Qui a entendu une chanson ? Qui a fait autre chose ? » Ainsi, les élèves découvrent le champ des possibles. Par contre, l’enseignant doit adopter une posture de bienveillance. On doit accepter que chacun ait des évocations différentes des siennes.

Et enfin, la restitution, qui souvent à l’école se fait sous forme de mots par écrit ou oralement. Mais tous les élèves n’ont pas les mots. Le sketchnoting est un bon moyen de vérifier la compréhension des élèves.

Que souhaitez-vous dire aux enseignants qui nous lisent ?

Mettre en place la gestion mentale ne peut pas faire de mal. Vous pouvez réaliser un petit atelier une fois par semaine pour commencer. C’est comme une pelote de laine emmêlée, mais qui se tricote doucement. Cela permet à chacun, prof comme élève, de prendre conscience de ses différences. Et leur dire que le renouveau permet de renouer avec le plaisir : il faut oser pour changer de regard sur une autre manière de faire. Et aussi que l’on propose et l’enfant dispose. Mais on doit proposer…

Je terminerais avec une citation de France Pagès (2) : « Un enfant, c’est comme le feu. Si on souffle trop, il s’éteint. Mais, si on ne souffle pas assez, il s’éteint aussi ». 

Propos recueillis par
Hedwige D’HOINE

 

(1) Catherine Vanham est notamment l’autrice de Dis-moi comment apprendre. Comprendre et accompagner l’apprentissage de l’enfant, éd. Mardaga, 2021.
(2) Orthophoniste, formatrice en Gestion mentale et collaboratrice de La Garanderie.

Moteur de recherche

La dernière édition

Toutes les éditions

Retrouvez toutes les éditions de PROF.

Tous les dossiers

Retrouvez également tous les dossiers de PROF regroupés en une seule page !