Magazine PROF n°57

Dossier Troubles du langage

Les CAA – un tremplin pour communiquer

Article publié le 06 / 03 / 2023.
Article paru en ligne uniquement.

À Forest, à l’École fondamentale spécialisée de Type 7, Le Tremplin, les élèves bénéficient de diverses méthodes pour communiquer dont les CAA - les techniques de Communication Améliorée et Alternative.

Avant, ces enfants n’avaient pas accès à la lecture, l’écriture, la parole. Si la machine fait beaucoup, l’intelligence, c’est eux.

© PROF/FWB

Le Tremplin accueille des élèves présentant des déficiences auditives et/ou langagières comme un trouble de l'articulation, un retard de parole ou de langage, un bégaiement ou une dysphasie.

Muriel Renardy et Magali Delvaille sont les institutrices des deux classes de dernière année. Ce sont elles et leurs élèves qui vont me présenter les méthodes spécifiques utilisées pour communiquer et donc apprendre.

Après l’accueil du matin, les élèves de Muriel Renardy commencent la journée par une évaluation et une auto-évaluation. Chacun est évalué selon des missions à atteindre en lien avec son PIA (Plan individuel d’apprentissage) : une mission en termes de savoir (par ex. utiliser la calculatrice), une mission en termes de savoir-être (par ex. ne plus dire « je ne sais pas » sans avoir essayé).

Ensuite, les élèves sortent leur PC, leur tablette, leur iPad. Ces outils numériques sont indispensables dans ce contexte car ils permettent véritablement aux élèves de communiquer.

Comme me le dit O. 12ans : « Sans mon PC, les logiciels Lexibar et Snap, je ne pourrais ni lire, ni écrire, ni parler ». Lexibar et Snap sont des logiciels d'aide à l'écriture et à la lecture. Lexibar est un prédicteur phonologique et orthographique, il illustre les mots listés dans le prédicteur et est une synthèse vocale. Snap se base sur des icônes organisées en thèmes. Il dit les mots via une synthèse vocale.

Ainsi, O. n’aurait pu m’expliquer sa passion pour l’équitation sans ces logiciels.

Si depuis la fondation de la première école pour sourds à Tournai en 1793, les sourds peuvent communiquer et apprendre grâce à la langue des signes, une question me vient spontanément au contact des enfants entendants mais avec des troubles du langage :
« Mais comment communiquait-on avec eux avant le numérique et qu’apprenaient-ils ? »

Muriel Renardy et Magali Delvaille, qui ont commencé leurs carrières il y a plus de 20 ans, de me répondre : « Le numérique est une grande évolution, car sans cela, certains enfants ne sauraient pas lire, écrire, calculer. À l’époque des stencils, on leur apprenait quelques mots. On utilisait des images, mais c’était long et très frustrant. Aujourd’hui, ils font des exposés, ils s’expriment et sont beaucoup plus épanouis. »

Si en 20 ans les méthodes qu’elles utilisent avec ces élèves ont évolué, elles le doivent à la formation sur le terrain et la formation continuée. Si aujourd’hui, une spécialisation en 4^e orthopédagogie est organisée dans les hautes écoles pédagogiques, cela n’existait pas quand elles étaient à l’école normale et « il n’est pas possible d’être formé à tous les types ». Il est clair que les outils numériques permettent une communication améliorée et/ou alternative, mais il ne faut pas oublier que ces outils ont un cout (les logiciels cités dans cet article coutent plusieurs centaines d’euros). Si certains enfants possèdent leur matériel grâce à la prise en charge du PHARE (Aviq en Wallonie), l’école met également du matériel à la disposition des élèves.

Ces outils sont choisis pour répondre aux besoins spécifiques de chaque enfant. Le choix se fait en collaboration et concertation avec les logopèdes, le ergothérapeutes de l’école, externes, les enseignants et les parents.

Si la réussite des apprentissages passe par le savoir lire, écrire et calculer, on oublie trop souvent qu’elle passe d’abord par le savoir parler.

Hedwige D’HOINE