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Magazine PROF n°57

 

Coté psy 

Sexualité : entre plaisir et limites

Article publié le 06 / 03 / 2023.

Consentement, comportements inadéquats, limites dans le domaine de la sexualité... des réalités auxquelles les enseignants sont souvent confrontés et pour lesquelles ils sont rarement outillés. Pour les aider, il existe la ligne SéOS. Rencontre avec Bérengère Devillers.

© Frédéric Lejeune

PROF : Qu’est-ce que SéOS (Service d’Écoute et d’Orientation Spécialisé) ?

Bérengère Devillers : C’est un service d’écoute et d’orientation à destination des personnes – ados et adultes – qui se posent des questions sur les limites dans le domaine de la sexualité, mais aussi des questions en lien avec le consentement. Il s’adresse aussi aux personnes qui sont confrontées à des fantasmes sexuels déviants. Le service est subsidié par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Région wallonne. Cette ligne gratuite, anonyme et confidentielle – 0800 20 099 – a vu le jour en juin 2021 après une période nécessaire à la formation des écoutants, mais également au balisage des aspects juridiques, médicaux, éthiques liés à ce projet. Les plages d’écoute sont disponibles à différents moments de la semaine afin de répondre aux besoins de différents publics.

En plus de la ligne d’écoute, un service tchat permet de toucher plus facilement les ados. Il n’est pas simple pour un ado d’expliquer par téléphone ses questionnements ou doutes, le tchat est un média plus accessible pour eux. On peut également nous adresser des demandes par mail. Nous sommes à la disposition des personnes directement concernées par la situation, mais aussi leur entourage et les professionnels en difficulté tels qu’enseignant, assistant social, éducateur ou psychologue…

Notre mission est d’écouter les personnes en questionnement afin de les orienter vers des professionnels spécialisés et d’éviter le passage à l’acte. Nous écoutons de manière non jugeante la personne exprimant des difficultés et prenons le temps de chercher avec elle les pistes de réponse et de solution les mieux adaptées à sa situation. Nous pouvons également l’accompagner dans une démarche de consultation vers un professionnel (faisant partie d’un répertoire de professionnels spécialisés dans ces problématiques).

En quoi cette ligne d’écoute est-elle utile aux ados ?

L’adolescence est une période d’exploration de la sexualité, de construction de l’identité, d’identification et d’appartenance à un groupe. C’est une période sensible. Et parfois, des éléments présents soit au niveau personnel, social ou familial ne permettent pas à un jeune de comprendre ce qu’il traverse.

Chaque cas est singulier. Il peut s’agir d’un jeune qui présente un malaise dans la sexualité lié à des interdits ou au contraire à une représentation d’une sexualité qui doit s’exercer sans limites. Il n’est pas simple, pour un jeune de gérer de nouvelles sensations corporelles, de réagir adéquatement à des stimuli auxquels il doit donner un sens et qu’il doit pouvoir orienter adéquatement, dans le respect de lui-même et des autres. Surtout dans notre société où la sexualité est très visible. Ils peuvent être perdus entre des messages contradictoires. Dès très jeunes, ils sont confrontés à des vidéos hyper sexualisées sur les réseaux sociaux mais aussi des séries où certaines pratiques sexuelles sont présentées comme la norme.

La surexposition des jeunes à une sexualité exclusivement génitalisée peut potentiellement compliquer les premières expériences de la sexualité. Ils développent la croyance que la sexualité doit être performante, axée sur le plaisir physique laissant peu voire pas de place aux émotions et à la relation.

La consommation de pornographie peut aussi faire émerger des comportements de dépendance à ce type d’image, conduisant à des situations de mise en danger comme le développement de complexes, le sentiment d’obligation de reproduire les comportements observés, l’absence de recours à un moyen de protection, des symptômes de stress, d’anxiété, d’irritabilité, d’agitation psycho-motrice, de troubles du sommeil, etc.

Lors des appels, on se rend compte au fil des mois que la question transversale que se posent les ados comme les adultes est celle du consentement « à partir de quand est-ce que mon comportement risque d’être dommageable pour autrui et dans quelle mesure ce comportement, ou ces idées, peuvent générer de la souffrance pour moi et mon environnement ? ».

Il est indispensable de faire de la prévention, de l’information sur la valeur du « oui ». Cela concerne les garçons, mais aussi les filles. Il y a beaucoup de confusion chez les jeunes. Ils disent oui à un moment et à postériori, ils se rendent compte qu’ils sont pris dans un système qui les dépasse. Pourquoi dis-je oui ? Parce que je le veux ou parce que je pense que c’est la norme et que je dois faire comme les autres ?

Le consentement ce n’est pas binaire : ce à quoi on dit non aujourd’hui, peut être oui plus tard. Il n’est pas toujours évident de savoir où poser ses propres limites ni de les mettre en concordance avec les normes de vie en société. Je constate qu’aujourd’hui cette notion de consentement occasionne beaucoup d’insécurité chez les jeunes. D’où l’importance d’organiser de l’EVRAS assez tôt dans le parcours scolaire de l’enfant.

Ces animations devraient être poursuivies par des personnes relais, comme le CPMS. Il est indispensable que les jeunes trouvent des adultes disponibles, capables d’offrir une écoute à la hauteur de leurs préoccupations. L’ado intègre les informations théoriques, mais il est nécessaire qu’il puisse identifier un adulte, une personne ressource pour revenir sur des questions qu’il se poserait. D’où la nécessité de construire une relation de confiance avec les enseignants. L’enseignant est celui qui renvoie au jeune une image positive, qui lui donne confiance en lui ; ingrédients indispensables à la construction de l’identité et de relations épanouissantes.

Idéalement, comment devrait réagir un enseignant qui surprend des élèves avec des gestes inappropriés ?

Il n’est pas simple de réagir de manière juste et adéquate. Il faut refixer les limites mais aussi et surtout permettre au jeune de poser toutes les questions qu’il se pose. Ni banaliser ni réagir en excluant et en déplaçant le problème. En fait, il est nécessaire, face à tout comportement, de proposer un espace d’écoute afin de permettre l’expression des émotions tant chez la victime que chez l’auteur. Apprendre aux jeunes à exprimer et gérer les émotions sur un mode adéquat ainsi que les accompagner dans le développement d’habiletés qui leur permettront, en situation, de pouvoir s’appuyer sur des repères clairs voire de se tourner, le cas échéant, vers un adulte constituent des facteurs de protection face aux comportements problématiques.

L’enseignant est un interlocuteur privilégié dans le soutien à l’expression des émotions. Certaines écoles ont pris l’initiative d’organiser, par exemple, des lieux de parole où les jeunes peuvent mettre en mots leurs ressentis positifs et négatifs « J’ai trouvé cela chouette que… », « J’ai mal vécu cette expérience », « j’avais dit que j’étais d’accord mais finalement je me sens mal à l’aise » Ces groupes de parole participent à la construction de l’individu, dans son rapport à lui-même et aux autres. Plus largement, ils créent un climat propice à l’épanouissement et à un sentiment de bien-vivre en collectivité.

Quelles sont les attitudes chez un jeune qui devraient alerter un adulte ?

La fréquence des propos sexualisés chez un jeune peut nous interpeller. S’il parle beaucoup de sexualité, on peut poser l’hypothèse qu’elle occupe une grande place dans ses pensées. Quelle est alors la place pour les apprentissages ? Si on a créé une relation de confiance avec le jeune, on peut lui dire : « J’observe que, je m’inquiète de, je me pose la question de savoir comment je peux t’aider… » et le soutenir dans l’expression de la mise en mots de ses émotions, sans émettre de jugement de valeur ou attribuer une étiquette aux pensées ou comportements. Il est utile d’éviter, par une réaction inappropriée de renforcer ce qui est problématique. Une posture d’ouverture permettra d’avoir une vision globale et de rencontrer le jeune dans sa réalité.

Notre mission d’écoute a tout son sens et les enseignants peuvent nous contacter s’ils sont confrontés à une situation qui les préoccupe. De même, si des questions surviennent à propos de l’attitude d’un adulte vis-à-vis d’élèves, on peut nous appeler afin de faire le point avec un professionnel et de clarifier les ressources et actions à mobiliser.

Avez-vous autre chose à ajouter ?

En 2020, une enquête d’Amnesty internationale et SOS Viol indiquait que 48 % des victimes de violence sexuelle ont été exposées avant l’âge de 19 ans. Qu’un jeune sur quatre et une femme sur cinq ont été victimes de viol.

Notre ligne d’écoute a donc toute sa légitimité dans une logique préventive permettant à des personnes de sortir de l’isolement qu’engendrent des questionnements ou expériences complexes liés à la sexualité. Créer des opportunités d’aller à la rencontre des jeunes, favoriser l’apprentissage de relations respectueuses, donner l’accès à l’information et développer des compétences à l’écoute, représentent des axes de prévention à privilégier.

Propos recueillis par Hedwige D'HOINE

En deux mots

Bérangère Devillers est sexologue et psychothérapeute. Superviseure des écoutants depuis le lancement du projet de la ligne SéOS. Elle a travaillé à la création de ce projet alors qu’elle était engagée au service de psycho traumatisme et psychologie légale à l’université de Liège. Elle consulte dans un cabinet privé où elle reçoit tout type de patients, principalement des jeunes, des adultes sur base volontaire ou sur mandat judiciaire dans le cadre de troubles du comportement sexuel et de troubles psychologiques sévères. Elle est, aussi, enseignante à la Haute École SAS-Helmo pour les futurs assistants sociaux.

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