Magazine PROF n°7
Souvenirs d'école
« On peut tout dire à une feuille blanche… »
Article publié le 01 / 09 / 2010.
Écrivain, Frank Andriat, Goetghebeur de son vrai nom, est aussi professeur de français à l’Athénée Fernand Blum, à Schaerbeek. Souvenirs…
PROF : L’école a-t-elle joué un rôle dans votre désir de devenir enseignant ?
Frank Andriat : J’ai le sentiment d’appartenir à une grande famille. J’ai fait toutes mes études à Schaerbeek, à l’école primaire communale n°12, puis à l’Athénée Fernand Blum. Mes instituteurs m’ont marqué et certains professeurs aussi. Leur présence, leur attention à l’autre, leur envie de m’apprendre bien ce que je ne savais pas m’ont donné l’envie de devenir à mon tour une personne qui offre ce qu’elle sait en étant qui elle est.
L’école d’aujourd’hui est-elle différente de celle que vous imaginiez alors ?
Je n’imaginais pas une école bien précise. Celle que je vis aujourd’hui diffère de l’école du début de ma carrière. Il était clair alors que je m’engageais à vie. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes enseignants n’envisagent plus une carrière complète. L’enseignement est devenu une profession pleine d’instabilité et de découragement, sans doute à cause des réformes qui déboussolent tout le monde. J’aime l'école qui se crée au quotidien à l’école et qui répond aux besoins et aux enthousiasmes de chacun, plutôt que celle qui se rêve dans les bureaux des pédagogues. On ne peut réussir l’école qu'en faisant confiance à celles et ceux qui la pratiquent.
Quelle a été votre première approche de la littérature à l’école ?
En 2e année, au cours de français, nous devions faire une élocution sur un sujet au choix. J’avais choisi la Finlande. Mon professeur, l’écrivain Jacques Crickillon, m’a dit : « C’est trop froid. Vous ferez Mauriac ou Duhamel ». Ce fut une douche froide, un défi !
C’est à cet âge que vous avez commencé à écrire ?
J’ai écrit mes premiers poèmes à 13 ans. Je vivais une crise d’adolescence difficile. Je n’avais pas envie d’en parler avec mes profs ou avec mes copains. Avec l’écriture, je pouvais sortir de moi tout ce qui fait mal. On peut tout dire à une feuille blanche…
Comment faire aimer la littérature aux jeunes ?
Il existe quelque part un roman qui peut les rencontrer. Si on leur donne des textes qui passent au-dessus de leur tête, le pari est perdu. J’ai écrit l’histoire d’un adolescent qui perd son papa. Des ados m’ont dit : « Votre livre nous a aidés parce que vous mettez les mots que nous n’avons pas ».
Votre métier influence-t-il votre carrière d’écrivain ?
Je n'aurais sans doute pas écrit de romans pour adolescents si je n'étais pas prof ! Ce métier est formidable, car il exige une remise en question permanente. C’est une rencontre avec la vie au quotidien et c’est en cela qu’il nourrit mon travail d’écrivain. Les livres que j’ai eu le bonheur de publier avec mes élèves ne seraient pas nés sans mon travail de professeur.
Le dernier recueil écrit par votre classe de 4e porte sur l’Afghanistan (1). Comment est né ce projet collectif ?
En septembre, on étudiait les techniques du récit. Le thème proposé était « Là-bas ». Les élèves m’ont demandé : « C’est où, là-bas ? » Je leur ai dit que la veille, j’avais vu le documentaire d’Hadja Lahbib sur les femmes afghanes, et que ça pouvait être ça. Un gamin de la classe m’a dit : « Hadja, c’est ma voisine. Elle est super ! » Il y a eu un déclic, et à partir de là, toute la classe a accroché. Chaque élève a assumé, même s’il n’a écrit que quelques lignes. Ce qui était chouette, c’est qu’après l’école, les élèves continuaient à s’échanger par mail. Il ne fallait pas leur demander de travailler ! Tout a été écrit en dehors du cours. Une fois le livre édité, les élèves sont allés en librairie pour voir « leur » livre.
Vous avez remporté plusieurs prix littéraires. Dont un premier à 18 ans. Qu’est-ce que cela vous fait ?
Cela fait plaisir, surtout quand c’est décerné par des jurys de jeunes parce qu’il n’y a pas les magouilles des prix littéraires.
Propos recueillis par
Étienne GENETTE et Catherine MOREAU
(1) Frank Andriat et ses élèves, Là-bas en Afghanistan, préface de Hadja Lahbib, Bernard Gilson Éditeur, coll. Le photophore, 2010.
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