Magazine PROF n°24
Focus
Aider les élèves à s’entreprendre
Article publié le 01 / 12 / 2014.
L’implantation Saint-Vincent du Collège la Fraternité, à Laeken, est la première, en Belgique et en Europe, à monter dans le train des écoles communautaires entrepreneuriales conscientes.
École communautaire entrepreneuriale consciente ? Cette appellation sibylline (ÉCEC en abrégé) baptise une méthode pédagogique née voici une vingtaine d’années au Québec. Elle vise à former des élèves plus entreprenants, innovants, responsables, autonomes et conscients des conséquences de leurs actions sur eux-mêmes, sur les autres et sur leur environnement.
Plus concrètement, en partant de besoins qu’ils observent à l’école, dans le quartier,… les élèves imaginent, échangent, construisent, gèrent et évaluent des projets qui y répondent. Une bonne centaine d’écoles de ce type existent au Canada, au Maroc et au Bénin. L’implantation Saint-Vincent du Collège La Fraternité est la cent-vingt-neuvième.
Cette école multiculturelle réunit quelque soixante enseignants et éducateurs pour trois-cent-cinquante élèves dans un premier degré différencié et des filières qualifiantes (services aux personnes et travaux de bureau).
Changer les postures
« À mon arrivée, il y a près de trois ans, j’ai observé que des enseignants, déployaient beaucoup d’énergie, souvent isolément, pour proposer des projets aux élèves. Mais sans arriver à endiguer absentéisme et décrochage », commence Rose Romain, directrice.
L’étincelle, ce fut une conférence de Rino Lévesque, le concepteur de l’ÉCEC. « Ce qui m’a séduite, c’est que ce n’est pas un projet de plus, une couche supplémentaire sur un millefeuille, poursuit Mme Romain. C’est une autre façon d’aborder l’école, en modifiant les postures des élèves et des enseignants ».
Chimène Dhainaut, sous-directrice, précise que « les élèves proposent et développent un projet, encadrés par l’enseignant. Celui-ci les aide ainsi à s’entreprendre, à se découvrir, à prendre confiance en eux dans un groupe où chacun a son rôle ».
Au printemps, le principe a été présenté aux enseignants du Collège (trois écoles fondamentales, deux écoles secondaires et un centre de technologies avancées). Puis, la directrice, la sous-directrice et un groupe d’enseignants volontaires ont effectué un voyage au Québec.
« Le scepticisme, la crainte du gourou nous ont fondu quand avons découvert les projets des élèves, relate la directrice. Un exemple : des enfants de primaire ont mis en place un système de récupération des objets perdus. Très motivés, ils gèrent, durant les récréations, les arrivages, envoient des mails aux parents. À partir de là, l’enseignant a pu travailler différents apprentissages ».
Apprivoiser le projet
Mme Dhainaut précise que le projet est aussi attrayant parce que l’équipe éducative pourra l’apprivoiser progressivement. Autres atouts : l’ÉCEC bruxelloise bénéficie de l’accompagnement de Step4you, le pôle jeune de l’ASBL Ichec, et de l’Organisation internationale des Écoles communautaires entrepreneuriales conscientes.
Lauréate du Prix École de l’Espoir 2014 organisé par le Fonds Reine Paola qui lui assure un soutien financier pour quatre ans, elle bénéficie aussi de subsides de l’encadrement différencié et de fonds privés.
Où en est-on ? En octobre, Cap ÉCEC, le comité d’accompagnement du projet (la direction plus des représentants des enseignants et éducateurs) a participé à deux journées d’information. Il s’agit d’établir le programme d’apprentissage ÉCEC qui correspond au projet d’établissement, et auquel devront se rattacher tous les projets.
Ce programme sera soumis à tous les enseignants et travaillé en sous-groupes. Certains enseignants ont commencé à sensibiliser les élèves. Il s’agira de greffer sur quelques heures de chaque cours des projets ou activités rendant la matière enseignée plus vivante.
« Des projets qui pourront impliquer les parents, ajoute la sous-directrice. De quoi ouvrir une autre porte à certains parents qui, mal à l’aise avec les codes de l’école, n’y viennent pas volontiers. Et de quoi rendre les élèves fiers de leur origine ». Le projet demandera une grande adaptation de la part des enseignants, admet la directrice : « Ils devront davantage oser, accepter de se remettre en question. Mais le processus est très participatif. Et l’ÉCEC a montré son efficacité pour augmenter la motivation scolaire des élèves et des enseignants, et pour donner du sens aux apprentissages. Bref, elle peut rendre le jeune heureux de venir apprendre, à faire grandir ses talents et passions à l’école ».
Catherine MOREAU
Travailler autrement, y trouver du plaisir
« Lors de notre voyage au Canada, j’étais d’abord sceptique et plutôt déroutée par le vocabulaire entrepreneurial nord-américain, explique Florence, professeure de religion. On parlait de profs leaders, ce qui me semblait assez éloigné des valeurs humanistes ».
« En voyant les projets des écoles j’ai été rassurée : l’ÉCEC essaie de rendre l’élève autonome, de lui faire comprendre qu’il peut être bon dans quelque chose, qu’il peut explorer les possibles. Et l’enseignant peut travailler autrement et y trouver du plaisir. Ce qui m’a rassurée aussi, c’est que le modèle s’accorde avec le respect des programmes : il n’impose pas à l’enseignant de mettre l’ensemble de ses cours en projets. Et l’ÉCEC va se créer progressivement, à notre rythme ».
Fabrice Samuele, qui enseigne la psychologie, explique que sa réticence venait du fait qu’il trouvait le projet trop structurant. « Mais après les premières journées de formation, je pense que cela permet d’installer au sein du comité d’accompagnement une vision commune qui va se propager ensuite chez les enseignants. Tout reste évidemment à construire, mais l’abstrait se concrétise ».
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