Magazine PROF n°10

Clic et Tic 

Copier n’est pas jouer

Article publié le 01 / 06 / 2011.
Article paru en ligne uniquement.

Le développement des TIC a tant facilité le « copier-coller » qu’il justifie aujourd’hui des campagnes de sensibilisation mais aussi des outils de détection. Et pourquoi pas la prévention ?

Universités et hautes écoles ont développé des plans d’action et des outils concrets à disposition des enseignants qui peuvent évidemment inspirer leurs collègues de l’enseignement obligatoire. Au premier rang de ces outils figurent des logiciels gratuits ou payants. Professeur de morale en secondaire et de philosophie en haute école, Patrick Raes, qui est intervenu en 2009 lors d’un colloque sur le « copier coller », a d’abord utilisé ces outils informatiques. Avant de changer son fusil d’épaule.

« Le plagiat peut apparaitre chez certains élèves comme une bonne stratégie, estime M. Raes. Même si à nos yeux elle est inadéquate. Plus ces élèves verront que le professeur n’y est pas attentif, plus ils seront tentés d’y recourir. Quand j’en ai pris conscience, j’ai d’abord travaillé autour de la menace. Mais je me suis rendu compte que ce n’est pas très opérationnel. L’étudiant qui a bien procrastiné se dit qu’il aura zéro si son travail n’est pas fait ou si le plagiat est repéré, mais qu’il a une chance de passer entre les mailles du filet… »  ⁽¹⁾

« Donc, au début, quand j’avais un soupçon, j’encodais entre guillemets le passage sur un moteur de recherche, mais il n’était pas toujours détecté. Quand j’encodais deux-trois mots clés, je retrouvais le passage en question». Même si des logiciels spécialisés peuvent aussi détecter un degré d’imitation, l’inconvénient reste que le point de départ du contrôle, c’est bien le soupçon de l’enseignant. À moins bien sûr d’analyser systématiquement tous les travaux via une plateforme informatique équipée d’un logiciel de détection, ce qui reste l’exception dans l’enseignement obligatoire. Et encore : ces logiciels ne détecteront pas les travaux achetés…

Rendre le plagiat inutile

La chasse au « copier-coller » lui paraissant discutable parce qu’aléatoire, M. Raes s’est interrogé sur les façons de rendre le plagiat inutile ou inopérant. « Ou bien je demande un travail qui n’a jamais été fait, ou bien, si c’est un travail qui pourrait être plagié, je demande un document d’accompagnement sur lequel l’élève ou l’étudiant consigne toute sa démarche. Ça me permet aussi de l’aider dans ce travail de recherche et de réflexion sur les ressources, de voir comment elles sont mobilisées, combinées. Quand on fait ça, on travaille vraiment dans les compétences. À mon sens, le ‘copier-coller’ est le signe d’une démarche qui se focalise sur l’acquisition de savoirs, et pas sur la maitrise de compétences ».

« Si je pose des questions de telle façon que les élèves peuvent copier pour y répondre, forcément, je dois surveiller, contrôler, sanctionner… », poursuit M. Raes qui voit dans le « copier-coller », outre un réflexe de facilité, le résultat d’un manque d’apprentissage quant à la manière de chercher et d’organiser des ressources. Notre interlocuteur va même plus loin, estimant que « malheureusement, le secondaire prépare au copier-coller dans le supérieur ». D’une part parce que l’attention est d’abord focalisée sur le contenu disciplinaire des travaux exigés, et pas sur les sources ; et d’autre part, selon M. Raes, parce que l’erreur n’y aurait pas sa juste place. « En mettant l’accent sur la démarche par rapport aux ressources, et sur la construction progressive du travail, on redonne un statut à l’erreur », estime-t-il, en concluant que selon lui, quelle que soit la discipline, cette façon de faire doit être possible, « sauf si on reste dans la transmission des savoirs… »

Didier CATTEAU

⁽¹⁾ Dans l’enseignement supérieur, les sanctions possibles ont cependant de quoi faire réfléchir…