Magazine PROF n°12
Souvenirs d'Ă©cole
Bouli Lanners: « J’aurais voulu être prof d’histoire »
Article publié le 01 / 12 / 2011.
Cheveux et barbe en broussaille, grosse écharpe à carreaux, Bouli Lanners a son style et son franc-parler. Retour sur les années d’école de ce comédien, scénariste et réalisateur dont Les Géants ont décroché deux prix au dernier Festival de Cannes (1).
PROF :Votre première école, c’était au village ?
Bouli Lanners : À La Calamine, aux confins de trois frontières, où je suivais les cours en français dans une école à majorité germanophone. Ce qui jaillit de ma mémoire, c’est l’excursion en autocar à la fin de l’année, avec piquenique à Bokrijk, Méli ou à la cascade de Coo. Un moment d’excitation suprême seulement entaché par le passage par l’autoroute. J’en ai gardé ce gout pour les petites routes de campagne que j’exprime dans mes films. Au bout des primaires, l’étau se resserrait : on allait « chez Madame Dewalque », une institutrice à l’ancienne, d’une grande générosité, chez qui on filait droit. Nous en sortions capables de lire, d’écrire et de calculer correctement.
Votre fibre artistique, vous l’avez découverte dans le secondaire ?
J’aurais voulu faire des humanités artistiques à Liège, mais mon père m’a dit : « Fais d’abord tes humanités». Alors je suis allé au Collège Notre-Dame, à Gemmenich, chez les pères oblats, pendant sept ans. J’y ai choisi la section scientifique A par dépit – je manquais de bases en latin et l’économie ne m’intéressait pas.
Dans cet enseignement strict, structuré, avec des codes moraux, j’ai puisé ma part rebelle, mais en même temps, cela m’a permis de garder le cap dans le métier incertain que j’exerce aujourd’hui. La seule ouverture artistique, ce fut le cours d’esthétique et de musique. Dans une section où beaucoup d’élèves se rêvaient déjà ingénieurs civils, c’était l’exutoire, le cours à chambard. À moi, il a ouvert les portes de l’éducation à l’histoire de l’art et de la bibliothèque de l’école.
Ensuite, mon parcours a été chaotique : deux années aux Beaux-Arts d’où j’ai été renvoyé pour absentéisme, puis différents métiers : peintre, décorateur,…
Un autre cours que vous avez apprécié ?
Sans hésiter, l’histoire. En primaire déjà, puis en secondaire où une enseignante nous proposait une lecture du passé qui nous permettait de faire des liens avec le présent. Aujourd’hui encore, j’aime comprendre comment fonctionnaient et fonctionnent les gens. J’aurais voulu être prof d’histoire. C’est pour moi une matière essentielle pour ne pas refaire les erreurs du passé, pour décoder les mensonges de l’histoire qu’on nous sert quotidiennement. Et, à l’inverse, un cours dont vous vous seriez bien passé ?
Le cours de gym qui se limitait à de la course, où j’arrivais dernier, et au football que je n’aimais pas. Cependant, j’ai eu l’occasion de participer à une compétition inter-collèges de natation. Comme j’avais beaucoup fréquenté les bassins (mon père était président du club local), j’ai terminé parmi les premiers et le prof de gym m’a laissé tranquille jusqu’à la fin de mes humanités.
Quel regard global posez-vous sur ces années d’école ?
J’y ai puisé un gout pour les rencontres que je nourris encore aujourd’hui. À l’étude, dans ce « petit collège de campagne », je côtoyais des fils d’ambassadeurs, de ministres africains, de Bruxellois qui avaient travaillé en Afrique,… Les professeurs avaient la volonté d’assurer l’enseignement à tous, même aux plus faibles, et à ceux à la limite de la marginalité. Je ressens moins cette volonté-là aujourd’hui dans certaines écoles et j’observe une démission parentale qui me fait peur. Ces jeunes en errance, avec une structure familiale éclatée, sont au centre du film Les Géants.
Propos recueillis par
CATHERINE MOREAU
(1) Prix de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et Art cinema Award de la Confédération internationale des Cinémas d'Art et d'Essai.
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