Magazine PROF n°13
Souvenirs d'école
Envie de chausser d’autres sandales
Article publié le 01 / 03 / 2012.
Pour Éric Domb, créateur-directeur du parc animalier Pairi Daiza (1), à Cambron-Casteau, certains enseignants ont été des passeurs d’ouverture au monde.
PROF : Votre parcours scolaire vous a-t-il laissé un gout de paradis ?
Éric Domb : J’ai toujours été un bon élève, un enfant sans histoire, qui suivait les cours sans passion, pour faire plaisir à ses parents. Pourtant, certains enseignants m’ont marqué parce qu’ils m’ont ouvert les yeux sur certaines réalités du monde.
Ce fut d’abord mon institutrice en quatrième primaire à l’École Adolphe Max, à Bruxelles. J’en étais secrètement amoureux, comme les autres enfants sans doute… Elle nous a fait réfléchir sur le conflit politique, ethnique et religieux qui a provoqué une famine effroyable au Biafra, entre 1967 et 1970.
Puis, pendant ma troisième latin-grec à l’Athénée du même nom, une professeure de français, politiquement très engagée, nous expliquait que les principales victimes d’inondations catastrophiques au Bengladesh (1974) étaient des ouvriers agricoles surexploités. J’étais à la fois très impressionné et un peu gêné qu’elle ne nous apporte que cet éclairage-là de la situation. J’aurais préféré qu’elle nous apprenne à développer davantage notre argumentation et notre esprit critique.
Et puis, mon prof d’anglais, aux idées larges, m’a donné la possibilité de baser mon travail de fin de rhéto (qu’on appelait « examen de maturité ») sur le livre Mœurs et sexualité en Océanie, de l’anthropologue américaine Margaret Mead. Ce livre me révélait cette envie présente en moi de connaitre d’autres cultures, de chausser d’autres sandales. Ce gout-là, je l’illustre aujourd’hui en parsemant le parc Pairi Daiza de jardins indonésien, chinois, andalou,…, d’objets réalisés par des artisans des quatre coins du monde.
Un souvenir qui a influencé votre choix d’études et de profession ?
Je me souviens qu’un professeur de français, un enseignant excellent, rigoureux, qui nous a appris la syntaxe et l’orthographe, a lancé un jour : « Moi, je peux reconnaitre les futurs leaders, ceux qui sortiront du lot, rien qu’en les observant dans la cour de récréation ». Aux oreilles de l’adolescent de 17 ans que j’étais alors, sans forte personnalité, hyper-timide, solitaire, renfermé, peu intégré dans la classe, cette déclaration péremptoire a résonné comme une gifle. Mais en même temps, elle a été sans doute un élément déclenchant pour me faire sortir de ma coquille.
Et pour choisir vos études supérieures ?
Même pas : je voulais étudier la médecine, mais mon père ne m’estimant pas assez doué pour cette formation, m’a dit : « Tu as une bonne mémoire et tu coupes les cheveux en quatre, étudie le droit ». J’ai donc suivi son conseil sans grande motivation, puis j’ai complété ma formation par une licence en sciences commerciales et financières, en cours du soir, à Sint-Aloysius. En néerlandais, pour faire d’une pierre deux coups.
Vous avez été choisi comme manager de l’année 2007 et présidé l’Union wallonne des entreprises de 2006 à 2009. Quel regard jetez-vous sur la formation des jeunes à l’école ?
Ayant eu la chance de grandir dans un milieu cultivé, j’estime que l’école a la mission extrêmement importante de rétablir l’équilibre, de réduire l’injustice de la naissance. Je plaide pour qu’elle se donne les moyens de rendre chaque jeune au minimum parfaitement bilingue, si pas trilingue. Et aussi pour qu’elle forme davantage de scientifiques dont la société a besoin pour produire davantage de richesses à réinjecter dans des services collectifs. Notamment dans l’enseignement.
Propos recueillis par
Catherine MOREAU
(1) Anciennement Paradisio
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