Magazine PROF n°4
Dossier Les relations parents-école
Une AP, pour ne pas la jouer perso
Article publié le 01 / 12 / 2009.
Le décret sur les associations de parents, en application depuis la rentrée, devrait leur donner du punch.
En vertu d’un décret voté le 28 avril 2009 (1), chaque école est invitée à se doter d’une association de parents. Faute d’initiative spontanée, le chef d’établissement, le pouvoir organisateur (PO) ou son délégué devait rassembler les parents avant le 1er novembre pour créer une association et solliciter la collaboration de représentants au conseil de participation. En outre, le décret octroie aux organisations représentatives des associations, l’Ufapec et la Fapeo (2), une subvention leur permettant d’amplifier leur travail d’éducation permanente.
Combien d’établissements possèdent-ils une association de parents (AP) ? Difficile d’avancer un chiffre : elles naissent, croissent, vivotent, périssent au gré du nombre, de la personnalité et la motivation des membres. En outre, comme le décret ne leur impose pas d’adhérer à la fédération de leur réseau, on ne peut qu’estimer leur nombre. L’Ufapec dit fédérer les AP d’une école libre sur trois, soit quelque 350 établissements, majoritairement situés dans des communes résidentielles. Hira Laci, secrétaire générale de la Fapeo, évalue entre 100 et 150 les écoles de l’officiel dotées d’une AP.
« On est loin des 900 répertoriées dans les années 70-80 », regrette-t-elle. Une étude de la Fapeo (3) pointe des raisons de la baisse de participation : manque de temps, découragement de se voir cadenassé dans des activités concrètes, confiance dans l’école, refus de prendre des responsabilités collectives,…
Pas facile de concilier les intérêts particuliers du parent consommateur et ceux, collectifs, du parent citoyen. Éric Mangez, du Cerisis, observe que, face aux problèmes, certains préfèrent retourner à une logique de marché (changer l’enfant d’école, par exemple) plutôt que d’entrer dans une logique participative. Et de pointer le décalage entre deux modèles. Le modèle participatif met en avant l’intérêt de la communauté scolaire, la négociation, les effets à long terme ; celui de la consommation vise l’enfant, l’évaluation, la décision et le court terme (4). Ce décalage explique sans doute l’émergence de groupes de parents indépendants qui, au nom du bien de leur enfant, s’ancrent dans une logique plus consumériste.
« Le langage utilisé est un frein »
Quels parents peuplent les AP ? Une majorité est issue des classes moyennes ou supérieures. Des directeurs interrogés par la Fapeo soulignent l’influence du niveau d’études et l’importance accordée au scolaire. « Le langage est un frein, note Anne-Catherine Delvaux (AP de l’École Saint-Rémi-Sainte-Walburge, à Liège). Le règlement d’ordre intérieur est incompréhensible pour le commun des mortels. Et nous communiquons vers l’extérieur par l’écrit, ce qui rebute certains ».
Dominique Houssonloge (Ufapec) propose des recettes de bonne santé : ouvrir le groupe à de nouveaux parents investis de responsabilités, bénéficier du soutien de l’équipe éducative qui doit croire que la participation des parents est un plus pour l’école. Et éviter d’interférer dans les questions pédagogiques. La majorité des directeurs interrogés par la Fapeo l’affirment: « Les parents doivent faire confiance à l’équipe éducative. Normal qu’ils apprécient si ce qui figure dans le projet pédagogique est mis en œuvre mais ils ne peuvent remettre en cause une méthode de construction des savoirs ». (5)
(1) http://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/34365_000.pdf
(2) Union des fédérations des associations de parents de l’enseignement catholique et Fédération des associations de parents de l’enseignement officiel (organisé et subventionné par la Communauté française). Le réseau libre non confessionnel (Felsi) ne possède pas de fédération d’associations de parents. Beaucoup de PO y sont des ASBL dont les parents font partie, comme la direction et les enseignants.
(3) « La participation parentale dans l’Enseignement Officiel en Communauté française. Quelles pistes envisager face à la baisse de la participation parentale ? », vol. I, étude réalisée par Olivier Van Peteghem, Fapeo, Bruxelles, 2006 http://www.fapeo.be/thematiques/Etudes/Etude_2006.pdf
(4) « Régulation et complexité des rapports familles-écoles », par Éric Mangez, dans Cahier de recherche du Girsef, n° 13, février 2002, p. 23.
(5) « La participation parentale dans l’Enseignement Officiel en Communauté française », vol. III, Fapeo, Bruxelles, 2008 http://www.fapeo.be/wp-content/Etudes/Etude_2008.pdf
Deux lieux de participation
Une association de parents doit « faciliter les relations entre les parents et l’ensemble de la communauté éducative dans l’intérêt de tous les élèves, de leur réussite et de leur épanouissement ». Tous les parents ou responsables légaux des élèves inscrits dans l’école en sont membres de droit, et un comité de trois personnes au moins est élu pour deux ans maximum (renouvelables). Il veille à organiser des réunions de parents pour débattre des questions soulevées au conseil de participation, à faire circuler l’information entre les parents, à susciter leur participation active.
Le conseil de participation, organe consultatif prévu dans le décret Missions de 1997 (1), doit notamment « débattre du projet d’établissement sur base des propositions qui lui sont remises par les délégués du PO, l’amender, le compléter, évaluer périodiquement sa mise en œuvre ». Il réunit essentiellement le chef d’établissement et des délégués choisis par le PO, des représentants des enseignants, du CPMS, du personnel administratif et ouvrier, des parents ainsi que des élèves, au secondaire surtout.
L’une démarre, l’autre roule
À l’École Saint-Jean Berchmans, à Huy, une dizaine de personnes font face à l’équipe enseignante. Pouvoir organisateur (PO) et direction y ont appelé de leurs vœux la création d’une association de parents (AP). C’est plutôt rare : d’habitude, l’initiative vient d’un noyau de parents motivés. La directrice et le président du PO, le préciseront : il y a quelques années, certains parents ont proposé des activités au nom de l’école puis ont choisi, seuls, l’affectation des bénéfices. L’expérience ayant laissé un gout amer, pas question de naviguer sans balises. Christine Mathieu, la directrice, argumente : c’est normal que les familles soient informées des projets, des changements dans l’organisation des classes. Et important pour les élèves de voir leurs parents s’impliquer dans l’école.
Le courant passe, mais des réticences s’expriment. « Nommer un président pour un an, c’est trop rigide, lance un papa. Pourquoi pas un roulement des fonctions, un passage de flambeau ? » L’animatrice de l’Ufapec le précise : si chaque AP fixe sa cuisine intérieure et avance à son rythme, l’expérience montre que sans moteur, la machine se grippe rapidement. L’Ufapec, comme la Fapeo, proposent des guides à l’attention des parents décidés à se mobiliser (1).
Sapin, vélo, omelette au lard
Même décor, autre climat à l’Athénée de Hannut Cela fait un bail qu’elle existe, l’AP ! Accueil, nouvelles de la rentrée, projets : la machine est rodée. Une dizaine de membres sont présents, dont une nouvelle recrue… C’est peu par rapport aux parents du millier d’élèves de l’école. Ambiance conviviale et consensuelle.
Côté projets, on s’appuie sur des valeurs sûres : la vente de sapins de Noël, qui peuplera de jeux la cour des maternelles ; le spectacle de la ligue d’impro,… On ose un peu : inviter l’équipe du Jeu des dictionnaires ? Encourager les élèves à venir à vélo à l’école ? Côté réalisations, « nous avons pesé auprès de la Communauté française pour la rénovation des sanitaires et auprès des autorités communales pour la sécurisation des abords de l’école », souligne Jacques Van Calck, le président.
Des projets « périphériques » ? Pas tant que ça, selon le proviseur, Pierre Garnier : la participation parentale donne plus de visibilité au projet pédagogique. Aux familles qui se plaignent, il explique qu’il est retravaillé chaque année au sein du conseil de participation où l’association envoie des délégués.
Alors pourquoi un groupe si restreint ? Selon le président, l’AP travaille sur le collectif et le long terme dans une société qui réclame souvent des résultats individuels et immédiats. Frédéric Piret-Gérard, le nouveau-venu, lui, s’accrochera. Par choix personnel. « La vie ressemble à une omelette au lard, plaisante-t-il. Si la poule s’y sent concernée, le cochon, lui, y est fortement impliqué ».
(1) On peut les télécharger sur http://www.fapeo.be/participer-lecole-mode-demploi/ et http://www.ufapec.be/association-de-parents/guide-des-ap
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