Magazine PROF n°45
L'info
Une Cellule énergie pour une autre consommation
Article publié le 24 / 03 / 2020.
En 2016, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a créé une Cellule énergie pour mener une nouvelle stratégie de consommation énergétique au sein de son patrimoine bâti.
Christophe Madam est l’expert responsable de la Cellule énergie de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
PROF : Quelles sont les missions de la Cellule énergie ?
Christophe Madam : Conformément à sa Déclaration de Politique Communautaire 2014-2019, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) a décidé de créer une cellule spécialisée dans la gestion des couts et consommations énergétiques, en septembre 2016. Objectif : développer et appliquer un programme d’efficience énergétique, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dues à la consommation énergétique, de 40% en 2030 et de 90% en 2050, comme l’impose la Commission européenne.
La nouvelle DPC va aujourd’hui plus loin : 55% de réduction à l’horizon 2030 et 100% en 2050 ! La Cellule est une des chevilles ouvrières de la mise en œuvre des projets qui en découlent, en collaboration avec les services opérationnels de la Direction générale des Infrastructures (DGI) et les occupants.
Ce sont, à terme, plusieurs dizaines de millions d’euros qui devront être investis pour atteindre cet objectif. L’ensemble des forces vives de la Fédération devront être mises à contribution pour y parvenir. Une partie des moyens financiers nécessaires trouva sa source dans des mécanismes de tiers financement. Le ministre du Budget de la FWB l’a annoncé à plusieurs reprises. L’impact sur la dette publique pourra même être réduit par de nouveaux traitements comptables mis en place par la Commission européenne et Eurostat.
La création de la Cellule s’est inscrite dans la continuité du projet-pilote PLAGE (Plan local d’Action pour la Gestion énergétique au sein des écoles) 2009-2014, initié et subsidié par la Région bruxelloise, source de 260 000€ d’économie sur six sites. Ses services et projets visent en priorité les bâtiments de la FWB, scolaires et non-scolaires.
Au niveau des sites scolaires de la FWB, il est évident que le travail de la Cellule s’inscrit dans une vision plus large qui vise une rénovation globale des établissements, tenant compte des besoins de remise aux normes, de confort, santé et salubrité.
Des projets-pilotes ?
La centrale d’achat gaz et électricité pour les écoles a diminué la facture énergétique globale. Une autre centrale d’achat, pour le mazout, est à l’étude. Il s’agit d’un marché global permettant la réduction des couts.
Une troisième, pour le monitoring énergétique, sera disponible en 2020. Cet outil permettra d’identifier les dérives de consommation, les solutions à mettre en œuvre et d’engendrer une économie de plusieurs centaines de milliers d’euros sans grands frais.
Un projet-pilote actuellement en cours confie à un tiers-investisseur le placement de panneaux photovoltaïques sur les toits de douze athénées (lire ci-contre). Une deuxième phase est d’ores et déjà à l’étude pour équiper une trentaine de toitures et sera implémentée dès que les résultats du projet-pilote seront évalués.
La Cellule prépare également pour 2020 un cahier des charges pour remplacer les luminaires de quelques écoles par des produits LED, source d’économie de 50 % sur l’éclairage.
Des consultants spécialisés en contrat de performance énergétique (CPE), un outil opérationnel et de tiers financement, ont été mandatés. Son application vise à confier à une entreprise le soin de réaliser des mesures d’économie d’énergie en donnant une garantie de résultats sur plusieurs années. Le projet-pilote concerne un CPE multi-techniques pour seize écoles, soit 4% du parc immobilier scolaire de la FWB. Des travaux de remise aux normes pourront même être inclus.
Le cadastre et le remplacement des chaufferies au mazout par des pompes à chaleur ou biomasse combinées à des chaudières classiques au gaz ou à la cogénération sont également à l’étude et devraient faire l’objet d’un projet de CPE à part entière puisque ce type de combustible doit disparaitre à l’horizon 2030 en Région wallonne et 2025 en Région de Bruxelles-Capitale.
Un nouveau PLAGE a été rendu obligatoire en Région bruxelloise pour les gestionnaires d’un patrimoine public sur son territoire. Le premier programme vise une économie de 20 % en quatre ans. D’autres suivront pour finalement atteindre les objectifs susmentionnés. La Région wallonne envisage de faire appliquer les principes du PLAGE bruxellois aux bâtiments wallons du réseau WBE.
Un autre projet-pilote est en cours dans une école de la FWB : les élèves, accompagnés par leurs professeurs, contribuent à identifier les mesures à prendre pour réduire la consommation énergétique de leur école. Vu l’intérêt des jeunes pour l’environnement, visible par leur implication dans les manifestations hebdomadaires pour le climat, leur demander de contribuer à atteindre des objectifs climatiques ne pouvait que trouver un écho favorable.
Un groupe de travail a été mis sur pied avec des représentants de la Cellule Énergie, de Bruxelles-Environnement, des associations Coren et Apere et des facilitateurs « éducation énergie » de la Région wallonne. Un processus de collaboration entre les différents participants en a émergé et un premier projet-pilote a été lancé en janvier 2020, axé sur le volet éclairage d’une école.
En ce qui concerne la certification PEB, elle est obligatoire dans les deux Régions et chaque bâtiment de plus de 250 m² doit faire l’objet d’une visite pour encoder certaines données et identifier les mesures d’économie d’énergie. Le logiciel de comptabilité de la consommation énergétique de la Cellule sera très utile pour accélérer la certification. Quatre personnes supplémentaires sont en cours d’engagement pour renforcer l’équipe dans le cadre de cette mission spécifique.
Quelle méthodologie utilise la Cellule énergie ?
Avant d’appliquer des solutions à grande échelle, il est nécessaire d’acquérir le plus de données possibles sur le patrimoine, de se doter de logiciels performants de gestion de données et d’affiner le monitoring énergétique. En parallèle, la Cellule crée des projets-pilotes, des tests, à petite échelle, en tirant les leçons de ces expériences.
Atteindre les objectifs climatiques nécessite d’aborder tous les projets, qu’il s’agisse de constructions, de grosses ou de petites rénovations, à l’aune de cette question aujourd’hui devenue cruciale. Les méthodes, les outils, les métiers vont donc devoir évoluer.
Et pour les écoles des autres réseaux ?
Les écoles qui le désirent peuvent adhérer à la centrale d’achat gaz et électricité et au monitoring énergétique. Elles pourront aussi avoir recours à la centrale d’achat de mazout. Les cahiers des charges élaborés par la Cellule pourront être partagés gratuitement avec tout demandeur. D’autres services d’accompagnement sont à l’étude et seront proposés après avoir été validés par les fonctionnaires généraux.
Propos recueillis par Patrick DELMÉE
Des toits scolaires, des panneaux solaires
La Cellule énergie fait installer des panneaux solaires sur les toits de douze écoles du réseau WBE par un tiers-investisseur.
Les toits plats de l’Athénée royal Crommelynck, à Woluwe-Saint-Pierre, ont été isolés et ont accueilli en janvier des panneaux photovoltaïques. Reste à en faire valider l’installation par les services compétents.
Ces toits font partie d’un projet-pilote concernant notamment douze athénées. Un tiers-investisseur finance la rénovation et l’isolation des toits et les panneaux. Il conserve les certificats verts, les primes à l’isolation et les bénéfices de la revente d’électricité pendant 10 ans. Les panneaux, qui ont une durée de vie de 25 ans, reviendront alors au réseau. Les écoles rachètent l’électricité via une redevance, mutualisée entre les participants au projet, en gagnant déjà 10 000 € par an.
Abed Mellouli dirige cette école, ouverte le soir à la promotion sociale et occupée durant les congés par une colonie de vacances : « Lorsque la Cellule énergie se créait et initiait ce projet, un privé nous fournissait un plan énergétique, réalisé en trois mois pour 3 000 €. Un investissement vite rentabilisable avec 1200 m2 de panneaux ». Sur ce volet, la convergence étant flagrante. L’Athénée, solidaire, est entré dans le projet de la Cellule.
Ce plan est supervisé par un enseignant (deux heures/semaine), par un ouvrier et par une administratrice, qui ont suivi une formation de conseiller en prévention. Il prévoit aussi de remplacer les chaudières à mazout par des chaudières à gaz, des feux de cuisines par de nouveaux plus efficaces, et 400 châssis. « Les financer, n’est pas la priorité actuelle de l’Administration générale de l’Infrastructure. Or, ils favorisent une condensation qui déteriore certains murs ».
L’école était déjà fan de développement durable, via l’utilisation de produits d’entretien sans influence sur le milieu, la réduction d’une heure du fonctionnement journalier des chaudières pour économiser 10 000 € par an ou la récolte des piles usagées (projet Bebat)…
« Tout cela crée aussi un cadre pour que nos élèves apprennent ». La section sciences travaille déjà sur l’éco-responsabilité et se prépare à réaliser des tests en conditions réelles sur les panneaux solaires.
Ainsi, la participation des élèves aux manifestations pour le climat, l’an passé, n’a étonné personne. « Nous l’avons permise en rappelant la comptabilisation des absences et l’impact de la perte de cours sur la réussite du cursus. Les élèves ont organisé une tournante ».
Pa.D.
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