Magazine PROF n°2

 

Quand Darwin attise le débat

Article publié le 01 / 06 / 2009.
Article paru en ligne uniquement.

Comment concilier théorie de l’évolution et convictions dans des classes multiculturelles ? Question d’actualité… deux siècles après la naissance de Darwin.

Une centaine d’enseignants des cours philosophiques assistaient en mars 2009 à une formation organisée par le centre Interfaces des Facultés de Namur, en collaboration avec les inspecteurs de morale et de religion, et reconnue par l’IFC. Objectif : donner des outils réflexifs et pédagogiques pour aborder en classe les discours philosophiques et religieux qui tentent de rendre compte des origines du monde et de l’homme.

Aborder la théorie de l'évolution

Les thèses créationnistes affirmant que la naissance de l’univers et des êtres vivants a été dirigée par une entité supérieure frappent-elles à la porte des écoles avec la même vigueur qu’Outre-Atlantique ? Après la diffusion en 2007 de l’Atlas de la Création, où le Turc Harun Yahya réfutait la théorie de l’évolution sous le couvert d’une « invitation à la Vérité », la tension semble retombée. Mais aborder la théorie de l’évolution dans des écoles accueillant une forte proportion de jeunes issus de l’immigration défavorisée peut offrir un terrain propice aux affrontements.

« Il y a peu, un élève est sorti en claquant la porte alors que j’abordais les théories scientifiques et le récit de la Bible sur la Création. Impossible d’arriver à le raisonner », explique Elise Constant, professeur de religion catholique à l’Université du Travail (Charleroi). « Parmi mes élèves, certains réfugiés africains ont une culture créationniste », ajoute Christian Dubois, qui enseigne la religion protestante à l’institut Diderot (Bruxelles).

À chacun son rôle

« La théorie darwinienne suscite le débat parce que l’identité est en jeu. Certains ne peuvent accepter que leur origine leur échappe, et veulent tout contrôler, avoir des certitudes », expliquent Florence Losseau et Dominique Martens, du Centre Interfaces. On débouche vite sur un conflit de loyauté : comment un élève peut-il écouter un enseignant qui affirme le contraire de sa famille ? « Souvent, les jeunes ont à la maison et à l’école des vécus différents. Notre cours assure le lien, nous essayons de les aider à comprendre le contexte, de ne pas opposer ces deux mondes. Pas simple ! », expliquent Nathalie Claessens et Amina Balil, qui enseignent la religion islamique. « Devons-nous former des élèves loyaux ?, réagit Charles Suzanne, professeur d’anthropologie à l’ULB. L’objectif, c’est d’en faire des citoyens capables d’esprit critique, de leur apprendre à penser par eux-mêmes, en refusant dogmes et préjugés ».

« L’erreur, c’est d’opposer science et religion, ou d’établir une hiérarchie », estime l’inspecteur de religion protestante Xavier Ravet. Aux élèves opposés au darwinisme et à ceux qui contestent les professeurs de religion quand ils accordent un statut symbolique au récit de la Création, il faut préciser que la science est de l’ordre du « comment ? » et la religion de l’ordre du « pourquoi ? » Et que l’une et l’autre invitent à la nuance et s’interpellent.

Ajoutons que la Communauté française a confié à des chercheurs de l’ULB une enquête dans une soixantaine d’écoles pour mesurer l’ampleur du phénomène et offrir des outils pour mieux enseigner les travaux de Darwin.

Catherine MOREAU