Magazine PROF n°27
Focus
Des robots dans l'école, de l'école dans les robots
Article publié le 01 / 09 / 2015.
De novembre 2014 à mai 2015, une vingtaine d’élèves de secondaire de l’Athénée de Ganshoren ont construit des robots dont ils ont programmé le comportement.
Fin mai. Trois équipes d’élèves de l’Athénée de Ganshoren s’affrontent au cours de brefs combats de robots. L’objectif : éjecter l’adversaire de l’arène. C’est le point final d’un projet Espace-enseignement de sensibilisation aux sciences et aux techniques, né d’un partenariat entre la Direction générale de l’Enseignement obligatoire, l’Inspection et l’Agence spatiale européenne (ESA). La commune de Ganshoren apporte aussi son soutien dans le cadre de son dispositif d’accrochage scolaire.
Deux fois par semaine, durant la pause de midi, une petite vingtaine d’élèves de la 1re à la 4e secondaire, construisent des machines articulées en briques Lego et en programment le comportement. Certains viennent depuis trois ou quatre ans ; d’autres ont débarqué cette année. Tous sur base volontaire.
Alexandre Lespineux, professeur de sciences et de géographie : « Organiser cette activité dans le cadre du cours de technologie nécessiterait davantage de matériel que celui que l’ESA offre à l’école. Et la motivation des élèves est un élément essentiel à la réussite du projet. Les compétences, elles, sont plus liées à l’ouverture d’esprit qu’à l’âge ; certains, très jeunes, programment presque instinctivement ».
À la barre de ce projet Robots avec M. Dury, qui enseigne l’informatique, M. Lespineux se souvient : à l’école secondaire, il brulait d’envie de créer des jeux avec les premiers micro-ordinateurs. « Mais je me suis vite rendu compte que programmer la trajectoire d’un missile demande de se pencher sur certaines matières (maths, physique). Ces branches scolaires que j’abordais sans passion ont alors pris des couleurs ».
Surmonter les obstacles
Ce souvenir-là explique la genèse du projet mené dans l’école depuis plusieurs années. Avec des objectifs multiples : attirer les élèves vers les branches scientifiques, mettre en pratique des apprentissages en maths et en sciences. Mais aussi développer une manière d’apprendre basée sur l’envie de surmonter les obstacles pour atteindre un but. Et amener les élèves à collaborer, à se répartir des tâches, à se faire confiance, à s’entraider et à se respecter.
19 janvier. Depuis quelques semaines, les débutants ont découvert le matériel : des boites de Lego Mindstorms contenant briques et logiciel de programmation. « Nous les laissons procéder à des montages et ils apprennent à jouer avec des paramètres pour voir si cela influence le robot » explique M. Lespineux.
Les plus confirmés, eux, donnent vie à leur robot en créant des programmes grâce à un logiciel. En utilisant différents capteurs (de distance entre les objets, de couleurs, de position dans l’espace, d’accélération,…), ils peuvent créer une machine capable de s’orienter en contournant les obstacles, de trier des objets,…
« Nous travaillons par défis, précise l’enseignant. Les élèves sont capables de les relever pour peu qu’ils analysent les problèmes en utilisant pratiquement des matières qu’ils jugeaient jusqu’alors très abstraites. Les maths permettent de calculer les trajectoires d’un robot. La physique aide à équilibrer un robot-grue en utilisant les connaissances sur les leviers, ou à calculer l’espace parcouru en un temps donné. Finalement, chaque projet réalisé aura nécessité un travail de groupe incluant de l’informatique, de la mécanique et des mathématiques ».
Mettre au point des tactiques
23 mars. Les débutants reçoivent des notions de programmation. Les autres, par petits groupes, progressent dans leur projet : construire un robot qui chassera son adversaire de la zone de combat. L’heure est à la recherche des meilleures tactiques. « Nous sommes dans la phase de construction et de test. Nous plaçons les pièces pour optimiser une stratégie. Ensuite, nous programmerons les mouvements », expliquent Samuel (en 3e technique artistique), Alexandre (5e math fortes) et Antoine (4e sciences).
Aadnan et Nedid, en 3e latin sciences, ajoutent à leur robot une plateforme qui permettra d’éjecter plus facilement l’adversaire. « Nous avons pris un modèle de base, mais ce n’est pas suffisant ; il va falloir augmenter la puissance », observent-ils.
Jérémy (3e sciences), Younes et Mathieu (3e latin sciences) ont prévu d’équiper leur combattant d’un détecteur d’ultrasons qui repèrera le robot adverse et le fera dévier.
« Nous pensions que tous les élèves opteraient pour un robot télécommandé par smartphone ou par un autre cerveau Lego. Mais certains ont choisi de rendre leur robot autonome. Les élèves qui ont pris le parti de la télécommande ont dû s’informer seuls sur le protocole Bluetooth sur des sites anglo-saxons, ajoute M. Lespineux. Leurs idées dépassent souvent nos attentes ».
Par essais, erreurs et retours en arrière
26 mai. Les débutants « initiés » ont créé des modèles simples qu’ils ont programmés. Et reçu la mission d’apprendre à leur machine à effectuer un déplacement en forme de huit, à repérer un objet, à le saisir et à le déposer ailleurs. Cela suppose de prévoir la distance parcourue par le robot dans un temps donné et, donc, de traduire leurs prévisions par des données graphiques.
Côté « pro », les équipes ont affiné leur tactique. « Au début, comme les deux robots esquivaient l’attaque de l’adversaire, le combat s’éternisait. Alors, nous avons décidé de mettre trois moteurs côte à côte pour augmenter la puissance de notre machine, explique Younes. Mais ce moteur supplémentaire a vite été inutile parce que notre robot manquait de stabilité et il n’y avait pas d’adhérence. Alors, nous avons recommencé, et mieux placé le centre de gravité ».
Antoine, Alexandre, Samuel, eux, ont imaginé un système d’engrenage pour augmenter la vitesse de rotation des roues et un moulin, à l’avant, pour accrocher l’adversaire. Quant à Nedid et Aadnan, ils ont fini par équiper leur plateforme de roues afin de pouvoir soulever l’adversaire.
« Les élèves ont procédé par erreurs, retours en arrière ; ils se sont trouvés face à des impasses, parfois, explique M. Lespineux. Ils ont travaillé de manière autonome en suivant, étape après étape, des guides de programmation ou en cherchant la manière d’établir une communication entre deux robots. Certains ont même souvent dépassé le cadre scolaire en effectuant des recherches complémentaires sur Internet à domicile ».
Quant à l’évaluation du projet, elle peut se faire par diverses voies. Comme l’assiduité des élèves aux activités ou l’analyse de leurs résultats dans les branches concernées et leur choix d’option…
Catherine MOREAU
« Au moins, ici, je sais à quoi servent les maths »
Pourquoi ont-ils choisi de participer à l’atelier ? « Les robots m’ont passionné depuis que j’étais tout petit et je veux en faire un métier plus tard, explique Antoine. À l’atelier, on relève des défis ; on se trompe, on cherche, on rectifie. C’est très différent de ce qu’on fait en classe ».
Alexandre enchaine : « On doit utiliser certains principes physiques. Par exemple, l’an dernier, nous avons eu besoin de ce cours pour calculer la trajectoire des projectiles lancés par notre robot ».
Lina, élève de 2e, précise qu’elle participe aux séances bihebdomadaires pour apprendre la programmation. Elle aussi souhaite s’orienter vers l’informatique. « Au moins, ici, je sais à quoi servent les maths. Je reviendrai l’année prochaine car j’ai envie de créer un crâne et de lui donner la parole ». Et Saweed, en 1e, d’ajouter : «Plutôt que de réaliser ce qu’impose le professeur, j’aimerais choisir ce que fera le robot. Pourquoi pas un drone ? »
Moteur de recherche
Tous les dossiers
Retrouvez également tous les dossiers de PROF regroupés en une seule page !