Magazine PROF n°33
Coté psy
Amélie Javaux :
« Pour parler des émotions, il n'y a pas d'expert »
Article publié le 01 / 03 / 2017.
Comment gérer les émotions des enfants ou ados de sa classe confrontés à la maladie grave ou à la mort d’un condisciple ou d’un de ses proches ? Des pistes avec Amélie Javaux, psychologue.
La psychologue Amélie Javaux coordonne depuis deux ans la Clinique du Deuil, au Centre hospitalier régional de la Citadelle, à Liège. Et elle collabore depuis 12 ans avec l’ASBL Cancer et Psychologie.
PROF : Comment aborder en classe le deuil ou la maladie grave ?
Amélie Javaux : Lorsqu’une école nous sollicite, nous rencontrons d’abord les adultes concernés. Nous écoutons leurs attentes, leurs craintes, leurs émotions.
Comment ?
Nous soutenons l’enseignant dans la démarche, sans prendre sa place. La mort, la maladie grave font partie de la vie. Il ne faut pas nécessairement les « psychologiser ». Tout adulte peut aborder ces sujets difficiles avec des enfants, et accueillir des émotions. L'accompagnement dans une classe n'est pas une démarche thérapeutique. L'objectif est d'ouvrir un dialogue et d'accueillir les émotions associées.
Ainsi, nous voyons avec l’enseignant ce qui pourrait le mettre en difficulté. Il peut craindre de pleurer ou de manquer de mots. Mais il peut pleurer, montrer sa souffrance, la vivre et la nommer. Dans un autre temps, le professeur reviendra au quotidien scolaire avec le cours de math, par exemple. C'est aussi ça, la vie.
Si l’enseignant en exprime le besoin, nous l’accompagnons en classe. Cela peut rassurer d'être à deux, et en binôme avec une personne « qui a l'habitude ». Mais le professeur reste l'adulte de référence pour les élèves.
Quelles pistes donner à l’enseignant ?
Malgré le désir des adultes de protéger l’enfant, il est important d'utiliser les mots vrais comme « mort » et « maladie », même s’ils paraissent durs. Les plus jeunes ont besoin de mots justes et simples. Le mot « partir », par exemple suppose un retour possible. Les plus grands, quant à eux, sont susceptibles d'aborder des questions philosophiques, le sens de la vie ou la spiritualité.
L’adulte a envie souvent de consoler rapidement l’enfant pour apaiser l’émotion qui fait écho en lui. C’est en vivant l’émotion qu’elle peut se dépasser. Si on l'empêche de s'exprimer, elle reste à l'intérieur de soi.
L’adulte peut entrer dans un projet créatif avec sa classe. Dessiner, bricoler avec les plus jeunes. Avec les ados, lire ou créer des textes poétiques, des chansons… Créer quelque chose autour de ce qui se passe permet de sortir de l’impuissance par rapport à l’irréversible ou à la souffrance. Créer un rituel permet de répondre à la violence de la mort et de la maladie.
Parfois, les enfants se moquent. C'est rarement par méchanceté mais pour tenir à l’écart l’insupportable. Le dialogue avec eux permet de laisser naitre leurs propres émotions, l'empathie et la solidarité (envoyer un petit mot, un dessin une photo, être en lien...).
Chaque professeur est différent et peut penser son propre cadre pour en parler. On peut y consacrer une après-midi et/ou des petits moments en début ou en fin de journée, pour donner des nouvelles. Mais cela doit avoir un début et une fin, pour pouvoir passer à autre chose, au programme scolaire. Mais l’émotion ne se contrôle pas, elle peut survenir chez un enfant, hors du moment qui lui est consacré. On peut imaginer une boite ou un cahier disponible en permanence, pour s’exprimer par des petits mots à déposer, sur lesquels on peut revenir à un moment défini, de façon anonyme ou non.
L’enseignant peut-il gérer cela seul ?
Il peut y avoir des avantages à faire cela en binôme. Si l’émotion le submerge, il peut alors passer le relai. L’autre adulte peut aussi observer ce qui se passe au niveau du groupe. Nous-mêmes intervenons souvent à deux.
Des outils peuvent l’y aider ?
Il existe assez bien de livres et d'activités à imaginer sur les émotions, la maladie grave, le deuil et la séparation. Mais nos meilleurs outils d'être humain à être humain (et pas forcément prof-élèves) restent selon moi l'écoute, le respect et la bienveillance.
Propos recueillis par
Patrick DELMÉE
Take Off aide à maintenir le lien avec l'école
L’ASBL Take Off met gratuitement à disposition des familles et des écoles les moyens informatiques permettant aux élèves absents durant de longues périodes (ou de façon régulière) de suivre les cours depuis la maison ou l’hôpital. En dix ans, l’ASBL, a déjà aidé six-cents enfants en maintenant leur vie scolaire et sociale.
« Nous voulons nous professionnaliser, explique la directrice Sabine Verhelst, pour aller plus loin que ne le permet le bénévolat. Aujourd’hui, peu de malades chroniques ou d’accidentés font appel à nous. Nous voulons ouvrir nos services à tous les enfants qui en ont besoin. Pour cela, nous voulons mieux informer et notamment les écoles ».
Le public ?
L’action de Take Off concerne toutes les écoles francophones et germanophones de Wallonie et de Bruxelles.
Comment ?
L’aide peut être sollicitée aussi bien par l’école que par la famille ou par l’hôpital. Soit par téléphone (02 / 339 54 88) soit via un formulaire disponible sur http://www.takeoff-asbl.be. L’ASBL se charge, si ce n’est pas déjà fait, de prévenir les autres intervenants et de leur demander leur accord.
Quel matériel ?
À l’école : un ordinateur fixe (avec écran, haut-parleur et webcam) et une caméra fixée sur le tableau seront installés dans le fond de la classe. Un ordinateur portable peut être mis à disposition si des changements de classe sont nécessaires (les élèves peuvent alors se charger de le déplacer). En cas d’utilisation de tableau numérique, Teamviewer peut être installé pour permettre un accès à l’ordinateur du professeur.
Chez l’élève : un ordinateur portable sur lequel il verra de façon simultanée le tableau et la classe. Il pourra interagir avec ses camarades et l’enseignant grâce à un micro.
Skype est pré-installé sur les deux ordinateurs et est doté d’une commande unique qui permet à l’enfant de se connecter quand il le souhaite de manière visible ou invisible. Aucune conversation n’est enregistrée, et Take Off n’intervient aucunement dans le programme de l’enseignant.
Quel délai ?
L’ASBL se charge de l’installation du matériel (compter deux jours ouvrables minimum) et d’une connexion internet spécifique si nécessaire (compter une quinzaine de jours). Elle se charge également de la formation à l’utilisation du système et de l’entretien en cas de problème.
Combien de temps ?
Le matériel reste disponible jusqu’à ce que l’enfant n’en ait plus besoin. Repris durant les vacances d’été pour faire les mises à jour requises, le matériel reste disponible jusqu’à ce que l’enfant n’en ait plus besoin.
Caroline DIRICKX
Complément bibliographique
La rubrique Côté Psy du magazine PROF de mars-avril-mai 2017 se consacre à la gestion d’une classe confrontée à la maladie grave d’un de ses élèves. Ce supplément présente une liste non exhaustive de ressources à ce sujet.
I. Ouvrages littéraires et scientifiques
• BUYSE S., HENNUY M., RENARDY L. (illustrateure), Alice au pays du Cancer, Album, Alice Jeunesse, 23 mars 2006.
Au fil de cette histoire, vécue à travers les yeux d'Alice, le lecteur découvrira que la force de l'imaginaire peut être la clé de l'harmonie retrouvée entre l'innocence de l'enfance - le pays des Merveilles - et les outrages de la vie.
• « Comment aider les enfants en cas d’événement tragique ? », 10 décembre 2014, sur le site de YAPAKA.
http://bit.ly/2mBiz0q
Devant une réalité traumatique, il est important que l’adulte soit à même de ressentir ses émotions et de les exprimer à son enfant ; sans quoi, celui-ci risque de penser que pour être adulte il ne faut ressentir aucune émotion. Il fera des efforts pour s’endurcir à ne rien ressentir, ce qui le coupera de l’humanité.
Si les enfants peuvent être contaminés par nos émotions, ils peuvent également être troublés par des images ou des paroles qui sont anodines pour nous. D’où l’importance d’être attentifs à ce qu’un enfant perçoit, par exemple devant la télévision. Attentifs, ou à l’écoute, mais en leur donnant le temps de laisser cheminer leurs questions.
L'école ainsi que les associations qui accueillent les jeunes sont bien des lieux où l'on cherche à comprendre, où l'on apprend à penser ; y compris dans les limites de l'impensable. Telle est la responsabilité de l'adulte.
Le rôle des adultes, des professionnels : organiser le travail, organiser les rituels
• DUPRÉ O., WALRAVENS D., La maman de Léon est malade. Elle a un cancer, 2016, livre autoédité.
http://bit.ly/2mlFtZ3
Olga Dupré et Denis Walravens sont des psychologues, spécialisés en oncologie. Ils ont écrit un livre qui raconte l'histoire de Léon, un petit girafon dont la maman souffre d'un cancer. De la découverte de la maladie à la guérison en passant par les traitements qui feront tomber les taches de sa maman, le lecteur suit Léon à travers un texte simple mais réaliste et des planches colorées et ludiques pour compenser la charge émotionnelle du sujet.
Comment parler de la maladie aux enfants ? Cette question, fréquemment posée par les parents, les laisse souvent forts désarmés alors même qu’ils s’avèrent souvent être, de par leur proximité affective avec leur(s) enfant(s), les interlocuteurs les plus à même d’accueillir les questionnements et inquiétudes. Souvent tiraillés entre un souci de protection de l’enfant et un souhait de l’informer, les parents se retrouvent fréquemment en recherche de conseils et d’aides. Ce livre a été pensé pour offrir un support ludique à ces parents déjà fragilisés par une situation médicale angoissante avec comme objectif de favoriser le lien et les échanges avec l’enfant.
• ROMANO H., BAUBET T. (avec la collaboration de), Dis, c'est comment quand on est mort ? Accompagner l'enfant sur le chemin du chagrin, éditions La Pensée sauvage, 9 avril 2009.
Cet ouvrage est issu de la riche expérience d’Hélène Romano, docteur en psychopathologie, psychologue clinicienne et psychothérapeute, dans la prise en charge d'enfants et de familles brutalement endeuillés par la maladie, par un accident, par une catastrophe, par une agression ou par un suicide.
• WANQUET-THIBAULT P., L'enfant hospitalisé : travailler avec la famille et l'entourage. La place des aidants naturels dans la relation de soins, 2e édition Elsevier Masson, 2015.
L'auteure répond aux questions que se posent les soignants mais aussi les proches de l'enfant hospitalisé. Via des apports théoriques, mais aussi des descriptions de situations vécues et commentées.
II. Sites
• CANCER & PSYCHOLOGIE (site de).
http://www.canceretpsychologie.be
Cette ASBL a notamment pour mission de faire évoluer l’approche personnelle et relationnelle de l’accompagnement du deuil et de la maladie grave, cherchant ainsi à préserver les particularités des sujets humains dans une société visant au contraire la transformation de l’individu à partir de l’adaptation. Elle développe également les axes de prévention dans les écoles, les lieux de l’enfance et des parents, les maisons médicales…
• CENTRE DE DOCUMENTATION AIDANTS PROCHES (site de).
http://docaidants.be/
Constituée à l’initiative de la Fondation Roi Baudouin, l’ASBL Aidants Proches a pour but la représentation, le soutien et l’information de l’Aidant. Le site de son centre de documentation est une banque de ressources dans laquelle on peut faire une recherche par thème ou par type de document.
• « L’enfant face à la mort », 3 juillet 2009, site de YAPAKA.
http://www.yapaka.be/texte/lenfant-face-a-la-mort
La mort est une expérience qui déstabilise l'enfant. D'une part son entourage est également impacté. Et, dans le fracas émotionnel où tous se trouvent, l’enfant est confronté à la détresse, la peine, la dépression de ceux qui d'habitude représentent ses points de sécurité. D’autre part, il comprend qu'il peut mourir ainsi que ses parents, et que toute vie s'achève un jour.
• FÉDÉRATION WALLONNE DES SOINS PALLIATIFS ASBL (site de).
http://www.soinspalliatifs.be
Le portail des soins palliatifs dispose d'une section « Accompagnement spécifique » avec un onglet « Enfant face à la maladie grave ».
On y trouve une liste d'opérateurs s'occupant de cette thématique.
• HOSPICHILD (site de).
http://www.hospichild.be
Initiative des ministres bruxellois en charge de la santé, Hospichild.be informe sur tous les aspects administratifs, économiques, scolaires, sociaux et professionnels de l'hospitalisation d'un enfant de moins de 16 ans. On y trouve une liste d'acteurs qui peuvent aider l'enfant gravement malade dans sa scolarité (http://bit.ly/2n2lAY3).
• APH, Association des Pédagogues Hospitaliers ASBL.
http://www.aph.be
• École à l'hôpital et à domicile ASBL (EHD).
http://www.ehd.be
• Take Off ASBL.
http://www.takeoff-asbl.be
• PENNEWAERT Delphine, LORENT Thibaut, Évènement traumatique en institution, Yapaka (coll. Temps d'arrêt), 2011.
http://bit.ly/2mY5NKu
Lorsqu’un évènement violent ou accidentel surgit dans une institution, c’est tout un système qui en subit les conséquences. Faire face à cet événement devient, dès lors, une nécessité. Qu’il s’agisse des bénéficiaires, des personnes qui y travaillent ou de l’institution elle-même, chacun sera amené à s’ajuster pour qu’un nouvel équilibre advienne et que la vie puisse reprendre son cours. Or, cela s’avère souvent difficile car la crise vient révéler les failles de tout système. Ceci peut rendre inutilisables les ressources en présence. Dans ce livre, Delphine Pennewaert, psychologue clinicienne, Thibaut Lorent, psychologue clinicien et psychothérapeute, proposent des repères pour penser la crise et ses effets, pour que chacun, à son niveau, puisse inventer une façon de réagir la plus respectueuse de ses propres besoins et de ceux d’autrui.
• VIVRE SON DEUIL (site de).
http://www.vivresondeuil.be
Cette ASBL propose des interventions ponctuelles et sur demande dans les collectivités et notamment les écoles, tant pour les professionnels que pour les écoliers.
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