Magazine PROF n°3
Souvenirs d'école
Jacques Mercier : « Je n’ai pas assez profité de mon adolescence ! »
Article publié le 01 / 09 / 2009.
Animateur radio-télé pas tout à fait retraité et écrivain, bavard et réservé, Jacques Mercier a toujours concilié rencontres humaines et création. Des facettes cultivées dès l’école.
Le bois côtoie la pierre naturelle dans la maison de Halle largement ouverte sur un petit jardin clos. Le havre de « Monsieur Dictionnaire ». Rencontre.
PROF : Quel a été votre parcours scolaire ?
Jacques Mercier : Turbulent dès les maternelles, au Collège Saint-Joseph, à Mouscron. Pour me séparer d’un cousin avec lequel je me disputais sans cesse, mes parents m’ont inscrit en première primaire à 4 ans. Pour réussir, j’ai dû travailler, quitte à étudier parfois par cœur, de manière superficielle. La deuxième turbulence, ce fut à la fin des primaires, quand un de mes frères a été renvoyé pour trois jours. Jugeant cette sanction disproportionnée par rapport à la faute commise, mon père a décidé de nous changer d’école. Je me suis retrouvé en sixième gréco-latine (NDLR : la première secondaire) chez les Jésuites, à Tournai.
Une séparation difficile ?
Pour l’enfant timide et hypersensible que j’étais, l’école fondamentale était un monde de sensations : les marronniers ombrageant la cour, l’odeur du tableau repeint. Certains souvenirs sont gravés : le numéro du porte-manteau où pendait mon tablier gris, les coups de sifflets qui nous figeaient avant le retour en classe,… À Tournai, loin des copains, j’étais étiqueté « quart-campagne » terme peu élogieux désignant les élèves venus de l’extérieur avec leurs tartines, à l’inverse des pensionnaires, des demi-pensionnaires et des « quart-ville » (les fils de familles bourgeoises).
Vous êtes-vous coulé dans le moule ou avez-vous fait front ?
Il y a eu un incident déclencheur. En cinquième, j’ai obtenu, de manière injustifiée, une « carte verte », la moins bonne, pour la conduite. La honte ! On m’a expliqué que la vie comportait des injustices comme celles-là et qu’il me faudrait les affronter. Je suis devenu moins docile, ce qui m’a notamment conduit à préférer le journalisme aux études d’avocat, de médecin ou d’architecte recommandées par mes parents.
Pourquoi le journalisme ?
À 14 ans, j’écrivais des articles pour le magazine scout. Pour Nord Éclair, le journal local, j’ai interviewé Jacques Brel qui m’a pris au sérieux en me vouvoyant. Le métier de journaliste, je l’idéalisais, comme celui d’écrivain : l’image de Gide travaillant seul, avec bonnet et pantoufles, me trottait dans la tête. Au cours d’un stage pendant mes études à l’Ihecs, j’ai eu le coup de foudre pour la radio, que je voyais comme un milieu feutré. J’ai compris ensuite que c’était un métier de contacts, ouvert. Et j’ai tout gardé, tantôt vainquant ma timidité en pratiquant mon métier, tantôt retrouvant solitude et intimité dans l’écriture de romans, de poèmes,…
Y a-t-il des enseignants ou des cours qui vous ont marqué ?
Je me souviens du père Hinnekens, qui m’a donné confiance en moi en me valorisant devant la classe pour un sonnet en alexandrins sur le thème du Moyen Âge. Par contre, je redoutais le cours de gym... surtout parce que le dernier à quitter les vestiaires était systématiquement puni. Aujourd’hui encore, j’enfile mon pantalon et mes chaussettes en même temps pour gagner du temps ! Pendant deux ans, j’ai été exclu du cours de géographie car le professeur ne supportait pas mes fous rires. J’en ai gardé le dégout pour l’injustice. Sans doute est-ce une des raisons pour lesquelles je consacre du temps à l’association TDA/H aidant les enfants hyperactifs, à SOS Villages d’enfants,…
Des projets ?
Un spectacle intitulé Mercier go home, au Théâtre de la Toison d’Or, à Bruxelles, cet automne 2009. J’y conterai des souvenirs drôles et insolites à des interlocuteurs (Geluck, Bibot,…) qui se succéderont. En chantier aussi, un roman, des livres pour enfants, un disque de chansons françaises avec Jean-Luc Fonck. Et de nouvelles capsules de l’émission Monsieur Dictionnaire, qui va s’exporter en France et en Suisse.
Des regrets ?
Celui de ne pas avoir été assez adolescent durant l’adolescence. À l’âge des guindailles et des sorties, j’étais dans la vie active, pris par une sorte d’urgence de vivre qui rejoignait sans doute mon entrée prématurée à l’école. La conséquence, c’est que j’ai vécu ma crise d’adolescence bien plus tard. Avec le recul, je pense qu’il vaut mieux que les choses se fassent à l’heure où elles doivent se faire. ?
Propos recueillis par
Catherine MOREAU
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