Magazine PROF n°3
Focus
Avec lui, c’est mathémaTICE
Article publié le 01 / 09 / 2009.
Passé du tableau noir au tableau interactif, Pascal Dewaele fait feu de tout bois quand il s’agit de mettre l’informatique au service des mathématiques.
Pascal Dewaele le reconnait : « La vérité doit être entre moi qui ramène tout à l’informatique et ceux qui ne s’en servent jamais ». Avec une forme d’ironie, il conserve jalousement quelques bouts de craie, vestiges du passé. « Pourquoi faudrait-il que les enseignants en restent au tableau et à la craie alors que les élèves qu’ils ont en face d’eux maitrisent l’ordinateur, les MP3, les portables et encore bien d’autres nouveaux outils ? » Pourquoi, alors que l’informatique peut aider à mieux comprendre les mathématiques ?
Régent en mathématiques, enseignant depuis près de 25 ans au premier degré du Collège technique Saint-Henri, à Mouscron, Pascal Dewaele, 48 ans aujourd’hui, a créé les premiers exercices interactifs dès 1985. « À l’époque, c’était sur un Commodore 64. Nous avions ouvert une classe-atelier pour les élèves de 1re accueil. Ils étaient soixante et avec quatre ou cinq collègues, nous avons créé des cours à la carte. Les élèves avaient des contrats de trois semaines. Plus tard, j’ai découvert le logiciel Cabri-Géomètre (1), et j’ai créé un site de partage sur lequel j’ai placé toutes mes animations ».
Encouragé dans cette démarche par des collègues et par des inspecteurs, Pascal Dewaele s’est fait une spécialité de ces animations informatiques en mathématiques. De fil en aiguille, il en est arrivé à rejoindre les auteurs de la collection Actimath, prenant en charge spécifiquement les animations multimédias du CD-Rom.
Quelque chose de plus que la craie et le tableau
« L’intérêt, pour moi, c’est que l’informatique apporte quelque chose de plus que la craie et le tableau, assène Pascal Dewaele. Avant, quand je demandais à un élève de tracer l’hypoténuse d’un triangle rectangle, il prenait son équerre et il y allait. C’était du dessin. Moi, je fais une énorme distinction entre construire et dessiner (2) », poursuit notre interlocuteur qui a notamment conçu avec l’aide du logiciel Cabri Géomètre des séquences induisant chez l’élève cette démarche de construction, plutôt que de dessin.
À voir Pascal Dewaele dans « sa » classe occultée où trône un tableau interactif, on peut croire que seuls les outils ont changé. En réalité, la construction des animations informatiques impose de s’interroger à chaque étape de leur conception sur la pertinence de telle ou telle proposition d’exercice. Un collègue de Pascal Dewaele, professeur de français, estime d’ailleurs qu’il devrait repenser tous ses cours (de français) s’il voulait exploiter les potentialités du tableau interactif. Impensable sans être sûr de pouvoir disposer de cet outil à tout moment…
Soucieux d’échanges entre collègues, le lauréat 2008 du Trophée de l’Innovation en Éducation, à côté de ses sites de partage, donne des formations à l’utilisation des logiciels Cabri, et accueille fréquemment d’autres enseignants dans sa classe. Ceux-ci peuvent se faire une idée des atouts du tableau interactif. « Comptez, sur une heure de cours, le temps pendant lequel l’enseignant écrit au tableau ! Et si je dois expliquer le glissement d’une figure, ou le développement d’un volume, il me faut cinq secondes alors qu’il me faudrait plusieurs minutes au tableau noir. Si on a à faire avec des enfants qui comprennent tout, ce n’est peut-être pas nécessaire (quoique…), mais moi, c’est d’abord pour ceux qui sont en difficulté que je travaille ».
Et pour ces élèves, Pascal Dewaele a conçu des exercices interactifs auxquels ils ont accès à la maison, via internet. En classe, où le tableau interactif est en permanence connecté à son PC et à internet, il peut revenir d’un clic-souris au cours précédent, pour réexpliquer une notion. Ou surfer pour trouver la définition d’un mot inconnu. « Imaginons un cours d’étude du milieu. J’ai besoin de cartes ? D’une vidéo ? J’y vais… »
Gare aux gadgets
Ceci étant, pas question d’oublier qu’on est en classe. Sur le tableau interactif, quand vous tracez une droite ou une figure, Cabri-Géomètre peut vous aligner tout ça à la perfection. « Il faut faire attention à l’aspect magique. Il faut que les élèves soient encore capables de faire du papier-crayon avec soin. Il ne s’agit pas de remplacer la rigueur par la machine et par ses gadgets. Quand je leur demande un devoir, j’exige qu’ils me remettent aussi leur brouillon… C’est comme pour les calculettes. Est-ce qu’on n’enseigne plus les tables de multiplication depuis qu’on en a ? Bien sûr que non ! »
Plus fondamentalement, à force de mettre sous les yeux des enfants un outil qui concrétise les abstractions (comme le développement d’un cube, ou l’effet que donne le déplacement d’un sommet de triangle), ne risque-t-on pas de négliger cette capacité d’abstraction ? « Croire qu’on va penser abstrait sans passer par du concret, je n’y crois pas. On ne pense pas en zéro dimension ! Il n’y a aucune différence entre tableau noir et tableau interactif, à part les ressources directement disponibles, et l’interactivité… »
Pas de différence, si ce n’est que « c’est gai d’aller au cours de math. Est-ce qu’ils vont être meilleurs ? Je ne sais pas, mais je suis sûr qu’on récupère des élèves qui sont en décrochage, et qu’ils sont moins fâchés avec les maths… »
Didier CATTEAU
(1) http://www.cabri.net/cabri2/historique.php/
(2) « Dessiner revient à reproduire l’image mentale que l’on a de la figure, tandis que construire revient à utiliser les propriétés de la figure pour obtenir sa représentation », explique Pascale Dewaele sur un des sites qu’il anime : http://users.skynet.be/cabri/cabri/Preambul.htm#construire/
En deux mots
Résultat ?
Sans que cette comparaison ait de valeur scientifique, Pascal Dewaele et une collègue ont confronté les résultats de leurs élèves en géométrie. L’un utilise le tableau interactif et Cabri-Géomètre, l’autre pas, avec des élèves similaires. Cette année-là, la classe de M. Dewaele avait 70 % de moyenne, celle de sa collègue, 40 %. Depuis, elle s’y est mise aussi...
www.pepit.be
Pascal Dewaele contribue au site http://www.pepit.be/, réalisé par son collègue Pierre-Alfred Caille (également enseignant au Collège Saint-Henri), avec la collaboration de Jean-Marie Rogge, graphiste. On y trouve plus de 150 exercices destinés aux enfants de maternelle, du primaire et du 1er degré. Une initiative de cinq écoles fondamentales libres de Mouscron, et du Collège.
Méfiance
L’informatique n’est qu’un outil. La preuve par ces animations sur les illusions d’optique… « Méfie-toi de ce que tu vois, et ce n’est pas parce que l’ordinateur le dit que c’est forcément vrai », lance Pascal Dewaele à un élève pris au piège de l’illusion.
La pizza ou la carte ?
Mécanicien raboteur fraiseur soudeur qualifié, Pascal Dewaele est issu d’une famille modeste. « Au bout de mes A2, alors que j’étais chef scout, je me suis rendu compte que ça allait bien avec les jeunes. J’ai fait un régendat, à Nivelles ». Enseignant au 1er degré, Pascal Dewaele, comme d’autres, trouve « scandaleux » ce réflexe de rélégation du général vers le technique. « C’est comme si on disait à un enfant n’ayant pas trouvé de plat à son gout dans le menu du général qu’il passera le reste de sa scolarité à manger uniquement de la pizza ! »
Du noir au blanc
Pascal Dewaele était encore au Québec fin mai pour une session de perfectionnement du Groupe des responsables en mathématique au secondaire. Il y a animé plusieurs ateliers et y a appris qu’une école québécoise a purement et simplement remplacé quatorze tableaux noirs par autant de tableaux interactifs, sans laisser le choix à ses enseignants !
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