Magazine PROF n°35
Droit de regard
Formation professionnelle et enseignement,
des partenaires complémentaires
Article publié le 01 / 09 / 2017.
Bruxelles Formation, service public francophone pour la formation professionnelle à Bruxelles, doit répondre aux besoins en matière de formation d’une population croissante et multiculturelle.
Pour Olivia P’tito, directrice générale de Bruxelles Formation, enseignement et services de formation professionnelle peuvent travailler de concert. Pour favoriser la réussite des jeunes.
PROF : Quel portrait dresser du niveau de formation des jeunes à Bruxelles ?
Olivia P’tito : Les extrêmes y sont exacerbés. D’une part, en atteignant plus de 48 % de diplômés du supérieur en 2015, les 30-34 ans dépassent largement les objectifs européens (40%). D’autre part, étant donné l’effet de « grande ville », environ 16 % des 10-24 ans n’ont pas terminé l’enseignement secondaire supérieur et sont sortis du système éducatif (contre 10 % pour l’ensemble du pays).
Enfin, 43 % des chercheurs d’emploi le sont sur la base de diplômes non reconnus ni par la Fédération Wallonie-Bruxelles, ni par la Communauté flamande (1). Faciliter la valorisation des compétences des chercheurs d’emploi devrait se traduire par une simplification des procédures d’équivalence des diplômes. Aujourd’hui, trop de personnes passent à côté de passerelles vers l’enseignement. Ni notre offre de validation des compétences, ni la Valorisation des acquis d’expérience dans le supérieur, ni le Service Équivalences de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne suffisent à combler le déficit.
Bruxelles Formation vient de signer un nouveau contrat de gestion 2017-2022 dont une partie est commune avec Actiris, l'Office bruxellois de l'Emploi…
Depuis 2013, nous mettons en œuvre l’accord de coopération « Politiques croisées emploi-formation ». Dans le nouveau contrat de gestion, nous avons uniformisé un ensemble de concepts, élaboré une analyse commune de la situation du marché de l’emploi et de la formation, avec des indicateurs communs (2).
Cela débouchera dans les prochains mois sur la création de l’Observatoire bruxellois de l’emploi et de la formation et d’une Cité des métiers dans la Tour Astro (Saint-Josse-ten-Noode), qui héberge déjà les services d’Actiris et du VDAB Brussel. Elle sera un guichet unique pour les demandeurs d’emploi, de formation ou d’études.
Des Pôles Formation emploi vont voir le jour en 2018, selon une logique sectorielle. Ils permettront en un seul lieu de valider les compétences, de proposer des formations et des emplois. Les premiers secteurs concernés sont la logistique, l’industrie technologique et l’informatique.
Cette collaboration accrue avec Actiris est logique. Nous travaillons pour les mêmes personnes avec un objectif commun : raccourcir et fluidifier le parcours des chercheurs d’emploi. Notre travail collectif lié à la Garantie pour la jeunesse (3) a porté ses fruits. Nous voulons faire de même pour tous les chercheurs d’emploi.
La Promotion sociale est un de vos partenaires…
Depuis 1998, nous avons une convention avec la Promotion sociale. En 2016, 937 stagiaires y ont suivi une formation, soit 11 % de plus qu’en 2015.
Cette offre de formation se construit aussi via des appels à projets spécifiques qui fonctionnent bien comme, par exemple, l’accès au CESS proposé à l’École Agnès Varda. La Promotion sociale est présente à bf.carrefour, qui informe et conseille sur l’offre de formation, et se retrouvera dans la gestion de la Cité des Métiers.
Notre public est similaire. Nos secteurs d’activité sont différents. Nous dialoguons notamment à travers une coupole de validation des métiers de bureau en cours de développement.
Quid de la complémentarité avec l’enseignement au sens large ? Lors de la mise en œuvre de la Certification par unités, certains enseignants ont exprimé la crainte d’une concurrence avec les organismes de formation…
Nous partageons les objectifs de formation tout au long de la vie. Au service des usagers, nous sommes souvent confrontés aux mêmes obstacles, par exemple, au manque d’attractivité de certaines filières techniques porteuses comme celle de coffreurs/coffreuses.
Cette collaboration est encore à affiner dans le cadre de la réflexion du Pacte pour un Enseignement d’excellence. Certains jeunes de plus de 18 ans n’ont-ils pas intérêt à s’inscrire dans des formations courtes qui débouchent sur de l’emploi plutôt que de rester dans l’enseignement ? Faut-il y voir un échec pour l’école ? Est-ce un sujet tabou ? Je pense qu’il faut voir aujourd’hui la réussite des jeunes d’une façon plus large qu’avant.
Des liens existent et existeront comme les collaborations au sein de la future Cité des métiers, des Centres de Technologies avancées ou des Centres d’éducation et de formation en alternance. Un Comité de concertation Enseignement Formation réunit trois fois par an les responsables francophones des deux secteurs. Nous discutons de thématiques communes et notamment de projets comme celui des Diagnostics croisés : un inspecteur et un responsable qualité vérifient ensemble la validation des UAA dans les écoles et Centres de formation qui ont déjà travaillé un an en Certification par unités. Déjà expérimenté, ce projet commence officiellement en 2018.
Quels sont les « plus » de Bruxelles Formation ?
L’an prochain, 7 000 places de chercheurs d’emploi en formation sur 19 000 seront consacrées à l’apprentissage des langues et à la remise à niveau en français et mathématiques. Nos pôles Tremplin et Tremplin Jeunes redonnent aux personnes peu scolarisées la confiance en elles et les replacent dans une logique de réussite.
Pour le reste, l’offre qualifiante tente de répondre aux demandes. Un exemple : l’ULB-Érasme nous a signalé un besoin pour ses secrétariats médicaux. Nous avons co-construit le programme de formation. En six mois, les stagiaires se sont formés, ont suivi un stage et ont trouvé un emploi à Érasme ou d’autres structures médicales.
Nos formateurs utilisent les nouvelles technologies, les classes inversées, les serious games, créent un réseau d’utilisateurs… pour capter l’attention. Parfois, ils chamboulent même l’architecture des lieux : une « classe » de secrétariat prend la forme de bureaux d’entreprise... De plus, nous souhaitons renforcer les stages en entreprise dès le début de la formation.
À leur arrivée, nos formateurs passent par une formation de dix jours assurée par FormaForm (4), fruit d'un partenariat entre le Forem, Bruxelles-Formation et l'IFAPME.
La mixité est aussi un enjeu pour Bruxelles-Formation…
Ah, les préjugés ont la vie dure ! Pour les contrer, nous avons innové en organisant pour des femmes une formation d’électriciennes industrielles, « un métier dit d’hommes ». Avec succès : cela a permis de désinhiber les candidates, de leur donner une bonne connaissance du métier et les compétences pour être toutes engagées.
Propos recueillis par
Patrick DELMÉE et Catherine MOREAU
(1) http://bit.ly/2ovd4m0 > Documents disponibles > rapports de progrès et plans de développement.
(2) Former pour l'emploi. Contrat de gestion 2017-2022, http://bit.ly/2wDCjCm
(3) Cette initiative vise à proposer aux moins de 25 ans une formation, un stage ou un emploi dans les quatre mois suivant la fin de leur scolarité ou la perte de leur emploi.
(4) http://www.formaform.be
En deux mots
Diplômée en droit social à l’ULB et en droit environnemental à Saint-Louis, Olivia P’tito est, depuis juillet 2013, la directrice générale de Bruxelles Formation, service public francophone pour la formation professionnelle à Bruxelles.
Elle a auparavant été notamment administratrice déléguée à la Mission locale de Molenbeek-Saint-Jean et vice-présidente du groupe socialiste au Parlement bruxellois.
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