Magazine PROF n°36
L'info
L’orthographe :
tabou ou enjeu démocratique ?
Article publié le 11 / 12 / 2017.
Dans leur conférence-spectacle La Convivialité, Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, (p)osent la question : faire évoluer l’orthographe, n’est-ce pas défendre la langue française ?
Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, enseignants à l’Institut Don Bosco, à Woluwe-Saint-Pierre, ont construit une conférence ludique, instructive et interactive sur l’orthographe.
PROF : L’origine du projet ?
Arnaud Hoedt et Jérôme Piron : Nos cours de linguistique en philologie romane nous ont appris à relativiser l’orthographe qui n’est que le code graphique pour retranscrire la langue. Mais ensuite, dans nos classes, nous devions être intransigeants de peur de passer pour des incompétents, devenir des « curés de la langue ».
Notre spectacle est né de ce constat, de rencontres… Et d’un défi : en famille, entre amis, lancez le débat sur la réforme de l’orthographe et vous déchainez les passions !
En 2014, à la demande du conseiller artistique du Théâtre National, nous avons présenté une conférence-spectacle (25 minutes) au festival XS, à Bruxelles. Après les premières représentations, le directeur du National nous a proposé d’en faire un spectacle d’une heure. Depuis 2016, La Convivialité (http://www.laconvivialite.com) sillonne la Belgique et la France et a été adapté en livre (La Faute de l’orthographe, éd. Textuel, 2017)
Comment l’avez-vous construit ?
Nous avons d’abord rassemblé de la matière : des travaux de linguistes, des réactions du public sur la question, le fascicule Orthographe : qui a peur de la réforme ?, publié en 2012 par la Direction de la langue française (http://www.languefrancaise.cfwb.be, > publications).
Dans le spectacle, nous commençons par des pièges orthographiques : le son S qui peut s’écrire de douze manières différentes … En remontant le temps, nous expliquons, par exemple, que des erreurs de transcription ou des snobismes (« faire plus latin ou grec ») sont à la base des difficultés de générations d’écoliers. Et que ce n’est qu’au 19e siècle que l’orthographe est devenue une norme incontournable.
Nous passons aussi au crible les réticences face à une réforme. Notre patrimoine linguistique serait en péril ? Pourquoi n’a-t-on conservé que les marques étymologiques du latin et du grec alors que les langues germaniques, l’arabe et l’italien représentent 35% des emprunts du français ? La beauté du français résiderait dans sa complexité ? Ne confond-on pas complexe et inutilement compliqué ? Nos élèves perdraient le sens de l’effort ? Le temps de mémorisation mécanique d’exceptions ânonnées pourrait être converti en temps de découverte, de pratique et de réflexion ou d’histoire de la langue.
Comment réagit le public ?
Nous entendons peu d’arguments déstabilisants ou virulents. Lorsque le malentendu est levé- on peut faire évoluer l’orthographe en continuant à défendre la langue -, le débat est serein.
Espérez-vous faire évoluer les choses ?
Oui. Actuellement chargés de mission au sein d’Indications, ASBL de médiation culturelle, nous pourrions proposer des modules en classe à partir du spectacle pour des professeurs et des élèves à partir de 15-16 ans.
Car faire évoluer l’orthographe, c’est un enjeu démocratique : veut-on qu’elle soit maitrisée par tous ou qu’elle reste une compétition sur des exceptions ? Comme le penseur Ivan Illich, nous estimons que « lorsqu’un outil n’est plus au service de l’homme mais que c’est l’homme qui est à son service, alors cet outil dépasse ce que l’on peut appeler son seuil de… convivialité ».
Propos recueillis par
Catherine MOREAU
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