Magazine PROF n°38
Coté psy
Renforcer et valoriser les comportements positifs
Article publié le 06 / 06 / 2018.
Une méthode développée notamment aux Pays-Bas vise à renforcer les comportements positifs des élèves dans la classe et dans l’école pour favoriser l’accrochage et améliorer les apprentissages scolaires.
Professeure de langues modernes dans le secondaire, Caroline Deltour a terminé un Master en sciences de l'éducation, à finalité spécialisée en enseignement, à l’Université de Liège. Elle a consacré son mémoire au dispositif School-Wide Positive Behavior Support appliqué aux Pays-Bas.
PROF ? Sur quel pari se fonde ce projet ?
Caroline Deltour : Dans un environnement scolaire plus serein, plus sécurisant, un enfant ou un adolescent développera moins de problèmes de comportement, s’accrochera davantage et pourra consacrer davantage de temps aux apprentissages.
Sur quelles données scientifiques cela se base-t-il ?
Ce dispositif a été mis en place à la fin des années ‘90. Des études avaient démontré qu’il est plus efficace de prévenir des comportements inappropriés ou perturbateurs en explicitant des règles et en soutenant des comportements positifs à l’échelle de l’école qu’en stigmatisant des élèves en particulier.
Il se base, notamment, sur le modèle Réponse à l’intervention qui visait initialement à redéfinir la façon d’identifier et d’aider les élèves en difficulté d’apprentissage en lecture. On a construit un ensemble d’interventions à plusieurs niveaux pour répondre aux besoins croissants des élèves et notamment de ceux dont les besoins sont spécifiques.
Concrètement ?
Pour appliquer ce programme de prévention, l’école met progressivement des mesures en place à trois niveaux.
D’abord, durant un an et demi, avec l’aide d’un coach, l’équipe éducative et les élèves choisissent pour tous les élèves un petit nombre de valeurs définies en comportements attendus de tous, en classe, dans les couloirs, dans la cour de récréation…
Ces comportements sont expliqués ; régulièrement répétés aux élèves pour qu’ils sachent quelles sont les conséquences d’un mauvais comportement ; suivis et valorisés de manière positive. L’équipe mesure les comportements sociaux de manière régulière et utilise ces données pour prendre des décisions. Elle autoévalue la mise en place du projet.
Ensuite, durant un an et demi, les écoles mettent en œuvre des interventions plus ciblées qui concernent les élèves devant bénéficier d’un suivi modéré ou intensif. Les cas les plus difficiles peuvent nécessiter une intervention plus intense, très individualisée, et requièrent souvent la collaboration de services compétents et des familles.
En quoi cette approche est-elle originale ?
Elle part de l’école : 80% du personnel éducatif doit s’engager dans le projet pour qu’il soit mis en place. Ensuite, les équipes décident en fonction de leur contexte spécifique, des valeurs et comportements spécifiques mis en avant dans leur école. En intégrant et en améliorant ce qui y fonctionne déjà bien.
Le coach aide les équipes à se mettre en mouvement, à s’organiser et à respecter les décisions prises. Mais dans l’école, une équipe, de plus en plus autonome, pilote le projet.
Ensuite, tous les élèves sont concernés, à des degrés différents, par ce système de prévention. Ils savent quels comportements sont attendus et valorisés. Les attentes scolaires sont prédictibles, cohérentes, sécurisantes et positives. Et ce n’est pas l’enfant ou l’adolescent qui est visé ou stigmatisé, ce sont des comportements individuels et collectifs à modifier. Au sein de l’équipe pédagogique mais aussi du personnel assurant la surveillance, l’entretien, chacun tend à réagir de la même manière face à des comportements difficiles.
Enfin, un recueil et une analyse continus des données sont prévus, tant au niveau de l’école qu’à celui des coachs, pour prendre des décisions basées sur des faits et constater les évolutions individuelles et globales. Cela demande de former et outiller les équipes à des prises de mesures régulières pour rapporter les problèmes comportementaux et l’absentéisme. Et de les former à la gestion immédiate des difficultés relevées.
Cette méthode est-elle appliquée ailleurs qu’aux Pays-Bas ?
Oui, ce programme est actuellement mis en place dans plus de 20 000 écoles aux États-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni, mais aussi en Espagne, au Danemark, en Norvège et aux Pays-Bas. Il s'est révélé efficace pour réduire les problèmes de comportement et améliorer les performances d'apprentissage des élèves.
Propos recueillis par
Catherine MOREAU
Sur la même longueur d'onde
Dans la cour de récréation, Lola et Lina, en 3e maternelle, arborent fièrement un petit sac de toile dont elles extraient des jetons. « On les a reçus parce qu'on jouait avec les autres, qu'on consolait les petits qui étaient tombés et qu'on ramassait des papiers par terre même s'ils n'étaient pas à nous ».
À l'École communale de Boninne, l’équipe éducative a travaillé à l’élaboration des valeurs de l’école, puis elle les a déclinées en comportements attendus de la part des élèves.
Les enseignants ont ensuite expliqué aux enfants ces comportements, bien illustrés par des panneaux colorés dans la cour de récréation. Ces comportements sont aussi valorisés positivement par un système de récompenses symboliques.
Nell, en 6e primaire, le détaille : « À la fin de la semaine, si on a obtenu beaucoup de jetons, on peut recevoir un privilège individuel. Par exemple pouvoir rester en classe avec son amie à la récréation s'il pleut. Ou bien c'est un privilège collectif : si la classe récolte 4000 jetons, nous pourrons dormir à l'école à la fin de l'année ».
« Au départ, ce choix de valeurs reposait sur la volonté de réduire des problèmes de violence verbale et physique, de non-respect de la propreté, en particulier dans la cour de récréation, expliquent les enseignants. Nous avons établi la liste des comportements inappropriés dans des lieux précis ; cherché ce que nous voulions mettre à la place en termes concrets. Cela nous a obligés à trouver une définition commune aux valeurs à développer dans l'école. Sur la même longueur d'onde, l'équipe a gagné en cohésion. Les enfants arrivent plus sereins en classe. Et notre regard sur eux a changé : nous mettons davantage l'accent sur le positif ».
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