Magazine PROF n°44
Libres propros
Les Cercles d’excellence
Article publié le 06 / 12 / 2019.
Cette rubrique donne la parole à un expert sur un sujet qu’il juge important dans le contexte actuel. Elle s’ouvre dans ce numéro à Prescillia Beaurieux, qui a réalisé l’an passé son travail de fin d’études sur un dispositif de collaboration entre élèves : les Cercles d’excellence (1).
Les Cercles d’excellence sont un moyen de contribuer à remédier aux écarts de performance entre élèves. Cette problématique n’est pas toujours évidente à comprendre par les élèves ou les adultes. Malheureusement, l’accès à l’école pour tous n’équivaut pas à la réussite pour tous. Nous ne démarrons pas tous avec les mêmes aptitudes. Des écarts de performances se creusent. Avec d’autres conséquences néfastes, telles que des clivages entre élèves plus et moins compétents, la perte de l’estime de soi, la domination de la compétition sur la coopération... Il est important de mettre tout en œuvre pour réduire grandement ces écarts entre élèves, en veillant à élever chacun.
Mes orientations pédagogiques
Les théories de Sylvain Connac m’ont aidée à construire un dispositif mettant l’accent sur la coopération et la gestion des travaux de groupe. Elles m’ont également permis de percevoir les bénéfices d’une dynamique de classe où la coopération prend le dessus sur la compétition. Les raisonnements de Meirieu relatifs à l’organisation des travaux de groupe, « La dérive économique » par exemple, complètent ceux de Connac, de même que les théories de Viau sur la dynamique motivationnelle.
L’excellence est ici vue comme celle du Pacte d’Excellence, qui vise à favoriser la réussite et le niveau des élèves par des pratiques de différenciation et pas uniquement de remédiation. Elle s’oppose à l’élitisme et recherche le progrès de tous les élèves.
En effet, les Cercles d’excellence sont des groupes composés d’élèves de niveaux différents, dans lesquels règne un esprit d’équipe et de solidarité où chacun se soucie de sa réussite et de celle de l’autre, y compris pour l’évaluation sommative. Les « Cercles » sont eux liés aux cercles de lecture auxquels j’ai participé à la Haute École Henallux, à Malonne. On y retrouve des principes communs.
Les étapes du dispositif
Pour entrer dans la démarche du Cercle d’excellence, il est indispensable que les élèves soient conscients qu’il existe des inégalités entre eux, au niveau de leur scolarité. Il faut qu’ils se détachent des préjugés qu’ils peuvent avoir à l’égard des élèves en difficulté et qu’ils ne soient pas indifférents au sort des autres.
Pour ce faire, il va falloir renverser leurs représentations et leur démontrer qu’ils ont le pouvoir de contribuer à réduire les inégalités en changeant simplement leur façon d’appréhender l’autre. Il est également important de donner l’occasion aux élèves de se projeter, afin qu’ils puissent imaginer le déroulement des Cercles d’excellence et l’aboutissement de l’objectif général : réduire l’écart de performance entre eux.
Après ce lancement, le dispositif est le suivant.
À la fin de chaque parcours, les élèves sont soumis à une évaluation dite initiale. Cette évaluation est classique, mais sa correction l’est moins : elle va servir de base à la constitution des différents Cercles d’excellence, en fonction des forces et des faiblesses visibles de chacun.
Les élèves sont ensuite invités à se réunir une première fois par groupe afin de pouvoir planifier, en s’appuyant sur leurs grilles d’évaluation, les différentes notions que chacun travaillera en autonomie par le biais de la métacognition et de la production de documentation.
Un second temps dédié au travail de groupe est programmé afin de permettre aux élèves d’échanger leurs savoirs à l’aide de leur travail produit en autonomie.
Pour terminer, ils sont soumis à une évaluation terminale, similaire à l’évaluation initiale, en vue de vérifier leur évolution et de comptabiliser uniquement le résultat final.
Le rôle de l’enseignant
Le professeur ne change pas sa manière d’enseigner. Par contre, il apporte l’aide aux élèves en difficulté de manière différente et revoit également sa méthode d’évaluation. De fait, après avoir soumis les élèves à l’évaluation en fin de parcours, il corrige celle-ci à l’aide d’une grille d’évaluation spécifique qui permet aux élèves de visualiser très clairement les notions maitrisées et celles qui ne le sont pas.
Ainsi, il peut inviter les élèves à retravailler stratégiquement certaines notions maitrisées en recourant à la métacognition et à la production de documentation. Ceux-ci pourront se perfectionner dans ce qu’ils maitrisent déjà et aider leur Cercle d’excellence lors des temps de coopération. Le professeur adopte également un rôle de personne-ressource durant ces travaux de groupe. Il offre un retour aux élèves à la fin de chaque Cercle d’excellence, afin qu’ils puissent se rendre compte de leurs progrès.
Un dispositif innovant
Ce dispositif donne de la valeur aux élèves et leur démontre que nous leur faisons confiance et que nous avons besoin d’eux pour vivre dans un monde plus égalitaire. Ce dispositif n’invite pas seulement les élèves à se concentrer sur leurs performances, il fait également appel à leur humanité.
Ensuite, généralement, on suggère de recourir à la métacognition pour comprendre où l’on commet des erreurs. Ici, les élèves recourent à cette stratégie pour proposer à l’autre des processus qui fonctionnent, des processus dont l’autre est libre de s’inspirer.
Bien souvent, lors d’un travail de groupe, chacun se répartit les tâches de façon à terminer le plus rapidement possible et à obtenir la meilleure note. Résultat ? Chacun va vers la tâche dans laquelle il se voit le plus compétent ; parfois même, seuls les plus compétents travaillent. Le but est biaisé : les élèves en difficulté n’apprennent pas grand-chose.
Aussi, on réforme les modalités d’évaluation : on revoit les modèles de grilles d’évaluation et on invite les élèves au dépassement de soi en leur offrant du temps pour faire mieux que la première fois.
Enfin, le dispositif accorde réellement du temps aux élèves pour développer des attitudes nécessaires à la vie dans une société pacifique. Cela ne signifie pas qu’il faut se concentrer sur la transmission des valeurs au détriment du développement des compétences du programme. Selon moi, les Cercles d’excellence sont un outil qui peut mêler les deux. Et l’école est un lieu privilégié pour initier les élèves à développer des attitudes en corrélation avec les valeurs importantes de notre société. C’est l’endroit où l’enfant se retrouve incontestablement, dès son plus jeune âge, entouré d’autres pairs qu’il n’a pas choisis.
Remédier, consolider, dépasser
Bref, comme le promeut le Pacte pour un Enseignement d’excellence, les Cercles d’excellence visent une gestion efficace de l’hétérogénéité des classes en vue de favoriser la réussite de tous les élèves et d’élever leur niveau. Dans ce dispositif organisationnel, les élèves sont invités à retravailler les notions qu’ils maitrisent par le biais de la métacognition en vue de venir en aide à leurs camarades ; ils se perfectionnent davantage dans ce qu’ils maitrisent. Chacun y trouve son compte : les élèves plus démunis reçoivent un enseignement privilégié de leurs pairs leur permettant de se rapprocher d’eux, et ce dans tous les sens du terme (socialement et au niveau des résultats), et les plus performants se perfectionnent.
Prescillia BEAURIEUX
(1) Réduire l’écart de performance entre les élèves grâce aux Cercles d’excellence. Le lien vers le TFE est accessible via :
En deux mots
Prescillia Beaurieux est fraichement diplômée de la Haute École Henallux (Malonne), en tant qu’agrégée bachelier français-religion. Elle enseigne aujourd’hui principalement au Collège Notre-Dame de la Paix, à Erpent. Étant également maman de deux enfants, elle a eu à cœur de mettre en place un dispositif de différenciation, développé dans son travail de fin d’études.
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