Magazine PROF n°45
L'acteur
« Une journée ne ressemble jamais à une autre »
Article publié le 24 / 03 / 2020.
Infirmière en CPMS, Donatienne Raevens accompagne le parcours de quelque 600 élèves de l’enseignement fondamental spécialisé.
Le Centre psycho-médico-social pour l’enseignement spécialisé d’Auderghem où travaille Donatienne Raevens dessert quatre écoles en région bruxelloise, en Brabant wallon et dans le nord-est du Hainaut. S’agissant d’établissements organisés par la Fédération Wallonie-Bruxelles, ce CPMS exerce tant les missions de guidance psycho-médico-sociale (PMS) que de promotion de la santé (PSE) (1).
PROF : Durant vos études d’infirmière, aviez-vous pensé à exercer dans un CPMS ?
Non, mais la prévention de la santé m’intéressait déjà fortement. J’ai d’ailleurs continué mes études d’infirmière par un master en santé publique. On avait des cours d’épidémiologie, d’économie politique… Cela élargit le champ de vision.
J’ai occupé mon premier poste dans un CPMS pour l’enseignement ordinaire, et quand une place s’est libérée au CPMS d’Auderghem pour l’enseignement spécialisé, en 2004, j’ai postulé. J’y ai découvert le monde du handicap, ça m’a plu et j’y suis restée.
Quelles spécificités y avez-vous découvert ?
Un des aspects qui m’est apparu très positif pour mon travail d’infirmière est qu’il y a beaucoup de travail paramédical et de collaborations. On collabore avec des kinésithérapeutes, des logopèdes, des puéricultrices… Une des écoles dans mon ressort, à Bruxelles, accueille notamment des enfants polyhandicapés. Je collabore donc aussi avec l’infirmière scolaire qui y est attachée.
Il y a beaucoup de reconnaissance des enfants, beaucoup de chaleur ; le personnel enseignant et paramédical que l’on rencontre est souvent hors du commun.
La cohésion des équipes, une nécessité du travail dans l’enseignement spécialisé ?
Les équipes des écoles avec lesquelles je travaille sont soudées et il y a beaucoup d’échanges interdisciplinaires. Dans la classe des polyhandicapés, par exemple, quand l’institutrice donne à manger aux enfants, elle est rejointe par les kinés et les logos, les kinés donnant à manger à ceux qui risquent le plus une fausse déglutition, pour vérifier qu’ils avalent bien. Il y a des enfants avec des maladies dégénératives où les fonctions neurologiques s’amenuisent, d’autres avec de très graves formes d’autisme.
Ma fonction dans les liens avec l’hôpital, là, est fondamentale. J’ai des contacts avec les neuropédiatres qui suivent les enfants quasiment tous les jours, car c’est important qu’ils aient un retour de ce qui se passe à l’école. Faire le lien avec le médecin, c’est aussi important pour les enseignants quant aux attitudes à adopter en classe face à des situations graves, avec le stress que cela engendre. Nous, infirmières, sommes préparées à ça ; les enseignants, non. Nous devons soutenir la classe.
Pour certains enfants, se pose la question de savoir si l’école est encore possible. C’est un questionnement quasiment éthique. La décision appartient aux médecins. Dans certains cas, on doit chercher des centres de jour pour des enfants qui n’ont que 10, 12 ans, ce qui signifie aussi tout un travail avec les parents…
Vous suivez des enfants dans des écoles et des lieux différents. Ce qui constitue aussi des réalités différentes…
Oui. À mon école dans le Brabant wallon par exemple, on a des enfants avec des troubles du comportement, ce qui représente d’autres situations et concerne un public très divers, dont des enfants avec des troubles psychiatriques, qu’on doit parfois hospitaliser pour certaines périodes sur décision d’un psychiatre. Le CPMS intervient pour organiser ces séjours. Nous rencontrons le personnel de l’hôpital ou du centre pédopsychiatrique pour suivre leur évolution par rapport à leur retour à l’école.
On veille à tisser un réseau autour des écoles pour savoir à qui on peut faire appel, dans quelle situation et pour quelle question. Que ce soit pour prévoir des animations ou pour pouvoir réagir à quelque chose de grave. C’est vrai qu’une journée ne ressemble jamais à une autre …
Comment se déroule l’orientation scolaire des élèves ?
On connait les élèves à travers nos missions de guidance PMS et PSE, mais aussi en assistant aux conseils de classe, en étant au courant de leur Plan individuel d’apprentissage…
Cette année, dans les classes des élèves « sortants » du primaire (on n’y classe pas les années comme dans l’école ordinaire), à Court-Saint-Étienne, nous avons trente enfants, il faut un projet pour tous. Certains peuvent continuer dans l’enseignement ordinaire, dans le 1er degré différencié s’ils n’ont pas le CEB. S’ils poursuivent dans l’enseignement spécialisé, il faut veiller à ce qu’ils soient aptes physiquement à un métier. Ma collègue assistante sociale et moi visitons régulièrement les écoles spécialisées des alentours.
Depuis un an, il existe du secondaire de type 8, pour des enfants avec des troubles instrumentaux qui, auparavant, étaient souvent orientés dans le spécialisé de type 1. Ma collègue psychologue fait passer les tests de niveau pédagogique et d’évaluation intellectuelle.
En septembre, nous expliquons toutes les possibilités aux parents, en nous demandant, comme si nous étions nous-mêmes les parents de ces enfants, ce qui peut être un projet de vie porteur pour eux. En commençant par les écouter pour savoir ce qui leur plairait. Ils sont différents, on a d’autant plus de responsabilités à trouver le bon endroit pour qu’ils se développent le plus harmonieusement possible.
Certains élèves viennent-ils spontanément vers vous ?
Oui. C’est ce côté fantastique avec un enfant qui a un retard mental, il est « cash », n’y va pas par quatre chemins. Nous avons une boite aux lettres dans le couloir de nos locaux situés dans l’école, ils mettent parfois des petits mots ou des dessins. Je mets des messages sur ma porte pour les rangs qui s’arrêtent devant.
Des exemples d’animations proposées dans les écoles ?
Depuis quelques temps, on développe fort nos projets d’éducation à la vie relationnelle et affective (EVRAS), en lien avec les Centres de planning familial. On organise des journées « bienveillance », les enseignants animent des ateliers, je propose une animation sur l’hygiène…
Trouver la juste distance, c’est difficile ?
Ça s’apprend assez bien à l’école d’infirmières. On nous disait : « Vous êtes à l’hôpital, vous portez votre blouse blanche ; vous revenez au vestiaire, vous y déposez votre blouse blanche et tout ce qui s’est passé dans la journée ». J’ai trois enfants : la case après le travail est donc vite remplie, mais au début, il y avait des situations que je ressassais. Il faut savoir ne pas passer à côté de quelque chose mais ne pas se noyer. Car tout n’est pas en notre pouvoir.
Propos recueillis par
Monica GLINEUR
(1) Pour l’enseignement subventionné, les missions PMS et PSE sont remplies par des centres et services distincts.
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