Magazine PROF n°47
Focus
Les voyages forment la jeunesse
Article publié le 12 / 09 / 2020.
Les élèves de 5e secondaire de l’Athénée Royal Léonie de Waha devaient faire un voyage pédagogique sur le thème des frontières. Annulé par le confinement, il s’est fait voyage pédagogique à distance.
Le 25 juin dernier, à l’Athénée Léonie de Waha, c’est jour de « délibé » pour les professeurs de 5e. Trois d’entre eux restent ensuite à l’école pour une interview à PROF, dont l’attention avait été attirée par des articles concernant le projet de « carte sonore » mené par leurs élèves durant le confinement.
Un voyage pédagogique d’une semaine devait emmener les 124 élèves de 5e en France et Allemagne pour réaliser un travail de documentation sonore sur le thème des frontières et de l’identité européenne. Tout avait été préparé dès le début de l’année scolaire, par les élèves et une dizaine de leurs professeurs. Le 12 mars, ils apprennent que le voyage est annulé. Les élèves demandent à ce qu’« on ne jette pas tout à la poubelle ». « Heureusement qu’ils ont eu ce reflexe-là ! », constate rétrospectivement Tanguy Wera, professeur de français et l’un des coordinateurs du projet.
Un voyage soigneusement pensé
Le thème du voyage avait été préparé dans tous les cours – français, histoire, sciences, langues,… – et à travers les « structures » qui organisent le fonctionnement de l’école, à son échelle comme à celles des enseignants et des élèves. « Tous les mercredis à 11h, chaque classe tient son conseil de classe » explique Nathanaël Brugmans, professeur d’histoire.
La forme par laquelle le travail des élèves allait se traduire avait aussi été réfléchie, et le professeur d’éducation aux médias, Emmanuel Chapeau, était entré tôt dans la discussion : « On peut très bien documenter un territoire avec des objets sonores », plaide-t-il. Ses collègues en étaient d’ailleurs convaincus mais bien des questions pratiques et méthodologiques se posaient. Un collègue, Simon Fontaine, a alors mis en avant une piste, celle des séquences Écouter le monde de Radio France International (RFI). L’idée d’une « carte sonore » nait : « Le principe en est simple. Ce sont des sons enregistrés positionnés avec un pointeur sur une carte », explique M. Chapeau.
Après avoir vérifié que tous les élèves avaient bien la possibilité d'enregistrer du son et de l’envoyer via leur smartphone, chacun des professeurs est intervenu selon ses spécialités. « Dans une forêt, je suis capable de dire aux élèves qu’elle a été occupée par l’armée allemande en 1915, sourit le professeur d’histoire, mais pas comment y enregistrer du son d’ambiance ». Des questions dont M. Chapeau s’est chargé, en veillant à relayer les demandes de tous : que les élèves apprennent à être autonomes et à savoir justifier leurs choix de sons qu’ils proposent, ceux-ci, à l’instar d’autres supports, pouvant plus ou moins bien véhiculer du sens.
Une collaboration avec RFI s’est nouée et il était prévu que la carte sonore des élèves serait exposée au Museum Vieille Montagne de La Calamine et dans des Centres d'information Europe Direct. « Ça plaisait beaucoup aux élèves que leur travail puisse être exposé aussi hors des murs de l’école », indique M. Wera.
Changement de décors
Les professeurs avaient demandé aux élèves de réaliser un premier enregistrement chez eux, avant le départ et… avant le confinement. « Envoyez-les nous quand même », leur demandent-ils.
Le projet de carte sonore d’un voyage est ainsi devenu le projet de carte sonore du confinement.
Il a d’abord été demandé aux élèves d’envoyer un enregistrement de 30 secondes, illustratif de sons de leur confinement, pris chez eux. 124 contributions, 124 univers sonores, comme on peut le constater en cliquant sur le lien de la carte : umap.openstreetmap.fr/en/map/de-lartgeoculturel-du-confinement_433270#13/50.6507/5.6399. Ces premiers sons sont identifiés sur la carte par les épingles de couleur verte.
Dans un deuxième temps, ils ont eu à assortir du son et du texte (les épingles jaune).
Pour le troisième temps, ils ont dû fournir des sons autour du principe de l’émission de radio Ah ce que j’aurai aimé être vous qui n’avez pas vu/lu/entendu…, proposée par la RTBF sur La Première la saison passée. Maximum deux minutes imparties pour conseiller une œuvre d’art, un concert, une lecture… à leurs condisciples et aux autres usagers de la carte (car au fil du temps, d’autres élèves et professeurs avaient transmis leurs contributions, et la carte a compté de plus 5 000 consultations). À écouter avec les épingles rouges.
En dernier lieu, les professeurs leur ont proposé de réfléchir à leur « monde d’après », avec la possibilité cette fois d’utiliser des images d’ailleurs que de chez eux, à assortir de leurs commentaires. « Certains de leurs récits ont pour cadre leur environnement familier mais d’autres prennent appui sur des images prises en Italie, en France, au Sénégal… », rapportent leurs professeurs. Épingles bleues…
Pas un réseau social
La carte sonore a-t-elle pu donner lieu à des interactions entre les élèves ? « Non, répondent en chœur nos interlocuteurs. Le but n’était pas celui d’un réseau social ».
C’était même l’inverse, à les entendre. Le thème initial du voyage avait pour sujet les frontières ; en parler demande à se décentrer. Finalement, ils auront été amenés à faire un usage de leur GSM qui leur était étranger. Pas de consommation d’images, pas de commentaires ni de like, mais des créations ayant valeur par elles-mêmes.
Et celles-ci finiront bien par être exposées (lire aussi Témoignages du confinement dans les musées).
Monica GLINEUR
Témoignages du confinement dans les musées
L’ASBL Musées et Société en Wallonie a décidé de récolter les traces de la vie quotidienne des habitants pendant le confinement.
Avec le concours des Homusées, des musées d’ethnologie très ancrés dans leur territoire, plus de 500 témoignages ont été collectés, qui prennent des formes diverses : dessins, photos, vidéos, écrits,…
La carte sonore des élèves de 5e de l’Athénée Royal Léonie de Waha fait partie de ces contributions.
Les témoignages serviront à de prochaines expositions. Le Musée de la Vie wallonne (Liège) et l’Hôpital Notre-Dame à la Rose (Lessines) ont déjà prévu de les intégrer dans de futures expositions.
« Nous envisageons également une étude et publication en 2020 ou 2021 », explique Noélie Maquestiau, chargée de communication à l’ASBL.
D’autres témoignages d’écoles que celui de l’Athénée de Waha sont-ils parvenus ? « Non, répond Mme Maquestiau. Mais nous avons reçu beaucoup de témoignages d’enseignants ».
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