Magazine PROF n°57
L'info
Les CPMS, un puzzle à reconstituer
Article publié le 06 / 03 / 2023.
Tout au long de leur scolarité, les élèves peuvent compter sur des alliés de taille : les centres psycho-médico-sociaux. Leurs agents dévoués se heurtent souvent à un manque de lisibilité de leur travail. Il est temps d’y remédier.
De leurs premiers pas dans la cour de récréation en maternelle jusqu’à la fin de leurs secondaires, les élèves et leurs parents peuvent s’appuyer sur les centres psycho-médico-sociaux (CPMS). Un service de première ligne gratuit, né en 1947, offrant la possibilité d’aborder de nombreux sujets, tels que la scolarité, l’éducation familiale et sociale, la santé ou encore l’orientation scolaire et professionnelle. « La gratuité de notre service permet une accessibilité à tous publics dont les familles en difficulté financière », souligne Aline Pirlot, auxiliaire sociale au CPMS Libre de Dinant.
Une multitude de services
Difficile de s’y retrouver dans les (très) nombreuses missions des CPMS. Tentons d’assembler les pièces du puzzle. Les centres soutiennent l’élève dans la construction de son projet personnel, scolaire et professionnel, développent des actions pour contribuer à son développement harmonieux afin de le préparer à son futur rôle de citoyen et mettent en place des moyens pour l’amener à progresser, et ce, dans la perspective d'assurer l'accès à l'émancipation sociale, citoyenne et personnelle. Autrement dit, ils veillent à l’épanouissement des élèves en participant à leur autonomie.
Un programme de base commun autour de huit axes de travail balise les missions des CPMS, à savoir l'offre de services aux consultants (élèves, parents, établissements scolaires et institutions partenaires), la réponse aux demandes des consultants, les actions de prévention, le repérage des difficultés, le diagnostic et la guidance, l'orientation scolaire et professionnelle, le soutien à la parentalité et l'éducation à la santé.
C’est dans ce cadre que l’équipe du centre PMS offre un suivi psychologique, médical et social. À la demande, elle prend à bras le corps toute situation d’absentéisme, de violence, de racket, de maltraitance, d’exclusion scolaire, de décrochage scolaire, et bien d’autres. Dans la mesure des possibilités, elle participe également aux concertations avec les enseignants du fondamental et aux conseils de classe en secondaire.
Orienter son enfant vers l’enseignement spécialisé est une décision qui peut s’avérer délicate et dans laquelle de nombreux parents peuvent se sentir désoeuvrés. C’est là que les CPMS démontrent plus que jamais leur importance. Ils accompagnent les familles dans la prise de décision. De manière plus générale, ils contribuent à faciliter et renforcer le dialogue famille-école. Mais ce n’est pas tout. Ils interviennent également dans la réorientation ou l’intégration dans l’enseignement ordinaire, le maintien en enseignement primaire spécialisé après 13 ans, la prolongation de la scolarité au-delà de 21 ans et l’orientation vers un Centre d’Éducation et de formation en Alternance.
Les centres PMS WBE (Wallonie-Bruxelles Enseignement) se voient également confier la Promotion de la Santé à l’École (PSE). Certains PMS et PSE dans l'officiel subventionné ont fusionné. Dans l’enseignement libre, en revanche, ils sont scindés. Les missions des PSE sont les suivantes : le soutien et le développement de programmes de promotion de la santé et de promotion d'un environnement favorable à la santé dans le cadre des établissements scolaires, le suivi médical des élèves comprenant les bilans de santé individuels et les vaccinations, la prophylaxie et le dépistage des maladies transmissibles.
Bref, un emploi du temps chargé et un nombre de tâches ambitieux. Cependant, si une demande n’entre pas dans son champ d’action, le centre PMS orientera la personne vers le service externe le plus adéquat. « Nous sommes un service de première ligne qui ne peut assurer de suivi thérapeutique. Nous renvoyons vers la deuxième ligne (thérapeute indépendant, service de santé mentale, centre de planning familial, service pluridisciplinaire médical et paramédical, services d'aide à la jeunesse) lorsque la problématique le nécessite, explique Aline Pirlot. La prise en charge des troubles d'apprentissage est également assurée par des thérapeutes extérieurs. Le CPMS peut, notamment via des investigations pédagogiques, émettre des hypothèses de troubles et permettre la mise en place d'aménagements raisonnables mais les rééducations se font à l'extérieur ainsi que les tests complémentaires permettant de poser le diagnostic. »
Des acteurs en perpétuelle formation
Mais qui se cache derrière ces structures d’accompagnement multitâche ? Chaque centre PMS est composé de psychologues (conseillers et assistants psychopédagogiques), d'assistants sociaux (auxiliaires sociaux) et d'infirmiers (auxiliaires paramédicaux). Un médecin peut aussi être attaché au centre. Mais ce n’est pas systématique. En fonction du réseau, un médecin indépendant fait parfois partie de l'équipe PMS, y est parfois lié par une convention, ou n'est en lien avec elle qu'à travers une équipe PSE. Dans certains cas, un logopède (auxiliaire logopédique) se joint à l’équipe afin de soutenir la détection et le repérage précoce des difficultés d’apprentissage des enfants de l’enseignement maternel, au niveau du langage et de la communication. Un privilège uniquement accordé aux centres assurant la guidance d’un certain nombre d’élèves en maternel.
Le personnel travaille en toute indépendance vis-à-vis des écoles et est soumis au secret professionnel. À une exception près.
« En cas de jeune en danger grave et imminent, nous pouvons nous en délier afin de lui venir en aide », précise Aline Pirlot.
La force du personnel des CPMS est sa connaissance approfondie du monde scolaire et de son environnement. Cela lui confère une approche pertinente des situations rencontrées par les élèves et leur famille. Ce savoir en matière de scolarité doit être enrichi. Afin d’assurer la mise à jour des connaissances et le perfectionnement des membres des centres, une formation professionnelle continue est organisée, et ce, à différents niveaux : l’Institut interréseaux de la Formation Professionnelle Continue (IFPC), les réseaux (Wallonie-Bruxelles Enseignement et le Centre d’auto-formation et de formation continuée, le Conseil des Pouvoirs Organisateurs de l'Enseignement Officiel Neutre Subventionné, le Secrétariat général de l’enseignement catholique) et les Pouvoirs organisateurs, voire les centres eux-mêmes.
Au total, les personnels des centres PMS ont l’obligation de suivre 6 demi-jours de formation par année scolaire auxquels peuvent s’ajouter jusqu’à 20 demi-jours sur base volontaire. Des formations indispensables. « Avec l’évolution de la société, les besoins respectifs des jeunes et de leur famille sont en constant changement, amenant une actualisation nécessaire des compétences professionnelles pour offrir un accompagnement qualitatif. Les réseaux sociaux (et internet de façon globale) sont des amplificateurs de ces changements. Il y a donc un intérêt majeur à rester "bien informé" pour ne pas être dépassé », explique le Conseil Supérieur des Centres PMS dans un avis publié en octobre 2022 à l’intention du politique. En 2021, des moyens financiers ont d’ailleurs été dégagés pour permettre d'augmenter la quantité de modules de formation proposés.
Le Conseil insiste sur un autre élément. « Il y a une nécessité à mettre rapidement en place, pour les directions de centre PMS, un programme officiel de formation initiale », écrit-il. Un agent anciennement conseiller psycho-pédagogique qui accèderait à un poste de direction se doit d’avoir une connaissance large de ce qui est maîtrisé par chacune des disciplines qui constitue son équipe.
« Une des spécificités de son travail est le volet d’analyse des situations et d’appui de son équipe dans la gestion de celles-ci et dans ses réflexions. Malheureusement, ce pan du travail, essentiel et fondamental au bon fonctionnement d’un centre PMS, n’apparaît pas dans les textes », ajoute-t-il.
Visibilité et lisibilité
La prise en charge des élèves est avant tout un processus collaboratif. « Le travail en équipe est vraiment un facteur important. C’est une vision pluridisciplinaire qui permet à chaque agent d’apporter son regard en fonction de ses compétences », se réjouit Lise Bruges, directrice du CPMS WBE de Charleroi. Une collaboration qui ne se limite pas aux murs des centres. En effet, afin d’optimiser le parcours scolaire de l’élève en difficulté, ils recherchent des pistes de solution en concertation avec les parents et l’équipe éducative.
Bien que leur travail soit essentiel, les CPMS peuvent souffrir d’une image négative. « Le manque de connaissance de notre rôle au sein des écoles peut induire un regard critique du public à notre égard et une certaine méfiance des consultants », confie Aline Pirlot qui rêve d’un relifting des centres pour décoller leur étiquette d’entités vieillissantes.
À Charleroi, Lise Bruges est sur la même longueur d’onde. « On doit travailler sur la visibilité et la lisibilité pour être un acteur connu et reconnu par notre public. Chez nous, tous les élèves de première secondaire rencontrent l’équipe, ce qui permet d’expliquer nos missions et d’identifier les agents PMS. » Établir un lien de confiance est primordial.
Passion et frustration
Le CPMS Libre de Dinant prend en charge près de 7 870 élèves répartis dans 21 écoles. « La frustration est quotidienne. On manque de temps et on est sous pression. On voudrait répondreà toutes les demandes mais on doit prioriser », regrette Aline Pirlot. L’assistante sociale est passionnée par son métier. Un travail « utile » duquel il faut pouvoir aussi se préserver. « On a parfois des situations difficiles à gérer. On observe une augmentation des violences intrafamiliales, des jeunes en rupture avec leur milieu familial, du décrochage scolaire dans le secondaire mais aussi le fondamental. » Lise Bruges déplore également une charge de travail importante. En cause, la multiplicité des missions et la complexité des situations. En février 2022, Wallonie-
Bruxelles Enseignement, à travers une analyse quantitative, a constaté une augmentation réelle du volume de travail accompli par les agents techniques de l’ordre de 45 %.
Autre constat : tous les CPMS ne sont pas logés à la même enseigne. « Il y a des inégalités entre les centres et entre les réseaux, affirme Aline Pirlot. Plus la population est grande, moins vous avez de moyens. On ne tient pas compte du nombre d’écoles et de leur dispersion géographique. » La qualité des services s’en voit automatiquement impactée.
La rentrée scolaire de 2022 a été marquée par l’arrivée des pôles territoriaux. Depuis, chaque école d’enseignement ordinaire doit coopérer avec un pôle afin d’intégrer des élèves issus du spécialisé. Concrètement, des équipes pluridisciplinaires du spécialisé accompagnent les équipeséducatives confrontes à des jeunes, à besoins spécifiques ou du spécialisé, avec des difficultés pédagogiques. Une initiative saluée par Aline Pirlot. Néanmoins, sur le terrain, les pôles semblent assurer l’accompagnement des enseignants mais pas celui des élèves. « En fonction de l’analyse des situations, il y a encore des intégrations où il y a une aide individuelle », nuance Lise Bruges.
Les pôles territoriaux s’ajoutent à une multitude d’autres partenaires extérieurs, tels que les Services d'Actions en Milieu Ouvert, les Psychologues de première ligne, la médiation scolaire ou encore les équipes mobiles. Une multiplication de collaborations avec lesquelles les CPMS doivent jongler « sans que notre propre service soit renforcé », note Aline Pirlot.
Anticipation
Le Conseil Supérieur des Centres PMS explique qu’en tant que généralistes de première ligne, les personnels des centres devraient pouvoir passer la main aux services de deuxième et troisième ligne. Mais ces services sont saturés. « Nous accompagnons maintenant des situations que nous aurions redirigées vers d’autres services il y a cinq ans », s’indigne le Conseil. Face aux multiples conséquences de la crise sanitaire, il s’inquiète également de l’avenir. « La crise ou les crises que nous traversons auront des impacts sur la santé mentale des jeunes. Et si nous ne les anticipons pas, nous serons à nouveau submergés et dans l’incapacité de gérer les choses de façon sereine et coordonnée », conclut-il.
Comment anticiper de tels bouleversements ? « En mettant en place des actions conjointes entre tous les acteurs de l’enseignement pour favoriser la santé mentale, viser le bien-être, rendreles jeunes actifs et porteurs de projets, répond Lise Bruges. Des élèves étaient déjà en difficulté mais la crise sanitaire, les inondations de l’été 2021 et la guerre en Ukraine ont été des amplificateurs. »
La tâche des centres psycho-médico-sociaux est ardue mais néanmoins indispensable. Ses acteurs sont essentiels car ils sont les seuls à collaborer avec tous les élèves, de tous les niveaux d’enseignement et de toutes les filières. Ils travaillent d’arrache-pied pour rendre la vie des élèves et des parents un peu plus rose.
Loïs DENIS
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