Magazine PROF n°16
Focus
Le Service des Équipes mobiles : un soutien pour toutes les écoles
Article publié le 01 / 12 / 2012.
Parmi leurs missions, les Équipes mobiles peuvent accompagner le personnel d’une école dans un projet particulier de lutte contre la violence et le décrochage scolaires. Une d’entre elles a travaillé avec le personnel de l’École Sainte-Alène, à Forest, sur de nouvelles règles de vie, afin de permettre, aux élèves et aux adultes, de mieux vivre ensemble.
Septembre 2012. Vinciane Boulet et Nathalie Coulon Casanova, deux membres du Service des Équipes mobiles de la Fédération Wallonie-Bruxelles mènent une série d’animations à l’École Sainte-Alène, à Forest : « Nous présentons à toutes les classes les règles de vie en commun élaborées avec les enseignants l’année précédente, avant d’inviter les élèves à s’exprimer : quels sont les avantages des règles choisies ? Et quels désavantages engendre leur non-respect ? » Certaines sont bien accueillies. « Si on n’accroche pas ses vêtements au porte-manteau, les autres vont les piétiner et on va leur crier dessus », explique Youssef, en 6e primaire. D’autres – « Je joue gentiment et j’utilise la parole plutôt que les gestes pour régler les disputes. Si je n’y arrive pas, j’appelle un adulte. », par exemple – font débat. « Si on frappe, on peut blesser quelqu’un », admet un élève. « Mais c’est ce qui marche le mieux et on préfère régler les choses nous-mêmes », enchainent d’autres… Ensuite, répartis en groupes, les élèves imaginent et présentent à l’ensemble de leur classe une saynète illustrant chacune de ces règles, histoire de les apprivoiser.
La demande du terrain
Ce processus a démarré il y a plus d’un an et demi, au moment où Claudine Gailly, directrice de l’École Sainte-Alène, a appelé les Équipes mobiles, avec l’accord de son Pouvoir Organisateur, pour résoudre des problèmes de violence dans la cour. Mars 2011, Mmes Boulet et Coulon Casanova la rencontrent, avec le CPMS, pour analyser la situation. Selon Mme Gailly, les problèmes sont surtout liés au comportement de quelques enfants. Avant de travailler avec leurs familles, le duo rencontre les enseignantes. Et il en ressort que le nœud se situe plutôt dans la gestion des sanctions aux récréations, où le nombre d’élèves est important pour l’espace disponible. D’où l’organisation de deux journées pédagogiques. Le but ? Élaborer un règlement de vie dans les cours de récréation et les modalités pour en informer tous les acteurs ainsi que rendre ces espaces plus accueillants par un aménagement différent. En juin, le duo expose la démarche aux enseignantes et écoute leurs attentes. En septembre, en vue de préparer la première journée pédagogique, elles leur font remplir un questionnaire pour décrire les comportements perturbateurs des enfants, leurs réactions en tant qu’adulte et l’efficacité de celles-ci.
Les règles et les sanctions en débat
Le 7 octobre 2011, toute l’équipe est présente. Pour chacune des réactions identifiées dans les réponses au questionnaire, les enseignantes se positionnent en fonction de l’(in)efficacité de la réaction proposée. Quand il n’y a pas d’unanimité, un débat est lancé. La remarque criée sur un enfant perturbateur, par exemple, divise : « Chez les petits, un changement de ton suffit, explique une maternelle. Crier, c’est démesuré »… Résultat : une banque de réactions appropriées utilisables par l’équipe.
Mme Boulet donne ensuite quelques conseils pour écrire un règlement : « Exprimez les règles de façon positive. Une règle impossible à faire respecter est à éliminer. Les élèves doivent en comprendre le sens. Une règle est toujours modifiable ». Les enseignantes construisent alors en groupes les règles relatives au respect de soi et des autres, sur base des comportements identifiés dans le questionnaire. Après une mise en commun, elles aboutissent à une petite dizaine de règles du style « Je m’exprime poliment avec les mots magiques ». Chacune est débattue et soumise au vote. « La notion d’excuse est difficile à comprendre en maternelle, commente une enseignante. Trois minutes après, un enfant de trois ans a oublié pourquoi on l’a puni. Et il passe à l’acte quand il a une émotion. Comment la gérer, comment se défouler ? » En guise de bilan, Mme Coulon constate : « Le but est de construire une cohérence d’équipe quant aux comportements attendus des élèves. En maternelle, il s’agit plus de travailler la gestion des émotions et l’apprentissage de la sociabilité que de sanctionner ».
L’après-midi est consacré aux sanctions. Une punition est une réaction à un comportement, souvent donnée sous le coup de l’émotion et donc, sans rapport avec les faits. La sanction est une réaction en lien avec le comportement problème. Elle permet un apprentissage sur le long terme. La réparation, par exemple, permet d’apprendre un comportement approprié et d’éviter la culpabilité. En fin de journée, l’équipe se met d’accord pour tester le texte produit avant une deuxième journée pédagogique destinée à rectifier le tir.
Une application, cela se prépare
Celle-ci a lieu le 15 mars 2012. On constate d’abord que les enseignantes n’ont pas testé le règlement décidé en octobre. La directrice explique avoir distribué un texte à ce sujet. Manifestement, le message n’est pas passé. L’équipe, qui par ailleurs s’implique à fond dans le projet, relancera le test après les vacances de Pâques.
On travaille alors sur la mise en place du règlement, son contenu, son application par les adultes, le lien avec les accueillantes, l’information aux parents, l’implication des élèves et l’aménagement de la cour. Les idées fusent : « Pour les parents, on va écrire un mot d’explication dans le journal de classe, et après une quinzaine de jours, réaliser une rencontre à ce sujet ». Que faire pour ceux qui ne comprennent pas le français ? « On peut faire appel à l’ASBL Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers ou aux parents et on demandera à chacun d’apporter un plat pour que cela soit plus convivial ».
Et pour les élèves ? Une information en grand groupe est jugée peu pertinente. En présence de la directrice, chaque institutrice lira le règlement à son groupe et l’affichera en classe. « Quand ça vient des enfants, c’est plus respecté. Pour la suite, on peut mettre en place un conseil d’école avec un représentant de chaque classe ». Mme Boulet propose de compléter cela par un travail en groupes classes sur les conséquences du règlement à partir de saynètes. Un autre moment se consacrera à l’illustration par les enfants des différents points du règlement, la réalisation d’affiches à placer dans les couloirs et l’embellissement par des peintures murales de la cour de récréation. Et pour le personnel ? « Pourquoi pas une réunion avant Pâques avec les enseignants et tous les partenaires pour expliquer la démarche et clarifier le rôle de chacun et les procédures à suivre ? » Et pour le pouvoir organisateur ? Mme Gailly l’informera du travail entrepris.
Bref, le Service des Équipes mobiles a encadré une école dans sa démarche. Le personnel a remis en question son fonctionnement et celui de l’école. Gageons que rien que cela aura un impact positif sur les élèves, l’exemple faisant contagion.
Patrick DELMÉE
Catherine MOREAU
Une palette de missions
Au sein de la Direction générale de l’Enseignement obligatoire, le Service des Équipes mobiles s’occupe de prévention et de gestion des violences et du décrochage scolaires. Créé en 2004, pour toutes les écoles, de tous les réseaux de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il intervient à la demande d’un pouvoir organisateur, dans l’enseignement subventionné, et du chef d’établissement, dans l’enseignement organisé par la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour des missions diverses (1).
« À vingt-quatre, nos profils varient : psy, criminologue, enseignant, éducateur, anthropologue, journaliste,… explique Vinciane Boulet, membre du Service. Nous intervenons le plus souvent en duos, pour toute tension en lien avec toute personne, si elle est liée à l’école. Avant tout, nous analysons la situation avec les personnes concernées ».
Le suivi individuel de jeunes veut recréer du lien vers un accrochage scolaire, sans être dans la contrainte. « Nous pouvons aller en famille et relier tous les acteurs impliqués». Le Service travaille aussi avec les enseignants confrontés à un climat de classe difficile, par exemple, en soutenant la mise en place d’un conseil de coopération entre profs et élèves. « Nos duos accompagnent aussi des équipes éducatives et soutiennent la réflexion sur un projet particulier : les relations avec les parents, les règles et les sanctions… » Un autre axe est la gestion de conflits au sens large.
Enfin, les Équipes mobiles, interviennent régulièrement dans l’urgence pour écouter et soutenir des personnes confrontées à une crise : suicide, incendie, agression caractérisée,… Il s’agit alors d’apporter une aide organisationnelle, d’accompagner la gestion des émotions, de conseiller la Direction par rapport aux éventuelles communications avec la presse, d’assurer une permanence d’écoute et de soutien, de travailler avec la (ou les) victime(s), avec l’(ou les) agresseur(s).
Pa. D.
(1) http://www.enseignement.be/index.php?page=23747 – Tél.: 0800 / 20 410 ou 02 / 690 83 13
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