Magazine PROF n°16
Coté psy
Ces enfants si « maladroits »
Article publié le 01 / 12 / 2012.
La consigne : dessiner un triangle. Un vrai défi pour Luca, qui souffre de dyspraxie. Il conçoit bien ce qu’est un triangle, il peut le décrire, mais il ne se souvient pas comment il doit s’y prendre pour le dessiner alors qu’il l’a déjà fait plusieurs fois.
Il existe de multiples formes de ce trouble des apprentissages qui provient parfois d’une lésion cérébrale. L’enfant qui en souffre éprouve des difficultés à planifier et à automatiser des gestes volontaires. Cela a pour conséquences que ses gestes sont lents et/ou maladroits. Ses réalisations motrices ou graphiques sont médiocres, informes, brouillonnes. Difficile, pour lui d’utiliser une règle, une équerre, un compas, une paire de ciseaux. Difficile aussi de s’organiser dans son travail, ou d’exécuter les gestes de base de la psychomotricité : marcher, courir, se tenir en équilibre,…
La plupart des enfants dyspraxiques souffrent aussi de troubles de la structuration de certaines notions visuelles et spatiales, qui se manifestent surtout au moment de l’apprentissage de l’écriture et des mathématiques. Ils n’arrivent pas à se repérer aisément sur une page, à s’orienter dans un tableau, à situer les uns par rapport aux autres différents éléments d’un schéma, d’un puzzle, d’une figure géométrique,…
Un enfant dyspraxique pourra progresser, avec le temps, grâce à des rééducations. Mais il ne parviendra jamais à rendre son geste automatique sans devoir déployer énormément d’attention, source de fatigue. Si ce trouble n’est pas détecté ou si on le connait mal, on peut mettre tous les symptômes sur le compte du retard intellectuel, de la paresse, de la maladresse ou de la mauvaise volonté. Confronté à des échecs qu’il ne comprend pas, l’enfant risque bien de développer une mauvaise estime de lui-même, de se décourager et de le manifester en classe par son comportement.
D’où l’importance, comme pour bien d’autres troubles des apprentissages, de détecter la dyspraxie de manière précoce et de proposer des adaptations et un soutien différencié. Cela nécessite un travail pluridisciplinaire : un examen neuropédiatrique, puis un bilan sur les plans neuropsychologique, psychomoteur, logopédique. Il faudra vérifier si dans des épreuves non gestuelles, non spatiales (des exercices verbaux, de raisonnement, par exemple), l’enfant a des performances normales pour son âge. Et préciser le type de dyspraxie de l’enfant et d’éventuels troubles associés (attention, mémoire. Enfin, il faudra observer et évaluer le schéma corporel, la latéralisation de l’enfant pour objectiver les difficultés graphiques et gestuelles.
Valoriser l’oral
« Pour prendre en charge efficacement la dyspraxie et limiter son impact sur les apprentissages scolaires, une bonne collaboration entre thérapeutes (logopède, psychomotricien, psychologue, ergothérapeute), enseignants et parents, avec l’enfant au centre, est indispensable », explique Marie Loise, institutrice, logopède et coordinatrice de l’équipe de l’Espace Diabolo, centre de rééducation, à Meux. À l’école, il s’agit de favoriser au maximum les apprentissages et les contrôles oraux et de valoriser les connaissances de l’enfant, son raisonnement, sa logique. Par exemple, en maternelle, plutôt que d’encourager ou de féliciter un élève pour ses « progrès » en graphisme (et donc de se focaliser sur ces activités), pourquoi ne pas valoriser son langage, sa créativité ?
Contrôler le dessin des lettres et des chiffres absorbe beaucoup d’énergie chez un élève souffrant de ce trouble des apprentissages, au détriment de l’écoute, de l’orthographe,… Aussi recommande-t-on de permettre à l’enfant d’utiliser un clavier pour limiter l’écriture manuelle. Cela suppose évidemment l’apprentissage de techniques adaptées aux dyspraxiques lors de séances d’ergothérapie. On recommande également de lui apprendre l’orthographe d’usage oralement (en répétant, en épelant, en faisant appel à l’étymologie,…). Et parce qu’un enfant dyspraxique se « perd » dans un texte, il vaut mieux lui proposer un exercice par page et choisir une typographie et une présentation simple, structurée.
Les troubles de la structuration de l’espace ne facilitent évidemment pas pour l’élève dyspraxique l’apprentissage de la numération, de l’arithmétique, de la géométrie. Pour y remédier, on peut lui éviter, dès les maternelles, les activités de comptage d’une collection et de manipulation de matériel. Par contre, on peut, là aussi, favoriser le recours au verbal, au raisonnement. Par exemple en utilisant la « comptine » de la suite des nombres, en s’appuyant, dans le secondaire, sur des descriptions verbales complètes et précises (des situations-problèmes, des règles de calcul algébrique, des séquences successives de raisonnement,…). Et on peut lui permettre d’utiliser une calculette et des programmes informatiques spécialisés.
Catherine MOREAU
Complément bibliographique
• BRETON S., LEGER F. Mon cerveau ne fonctionne pas, Montréal, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2007.
• HURON C., L'enfant dyspraxique : Mieux l'aider, à la maison et à l'école, Paris, Éd. Odile Jacob, 2011.
• MAZEAU M. et LE LOSTEC C., L’enfant dyspraxique et les apprentissages : coordonner les actions thérapeutiques et pédagogiques, Issy les Moulineaux, Éd. Masson, 2010.
• PANNETIER E., La dyspraxie : une approche clinique et pratique, Montréal, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2007.
• PETINIOT M.-J., Accompagner l’enfant atteint de troubles d’apprentissage, Lyon, Chroniques sociales, 2012.
• « L’enfant dyspraxique, repérer ses handicaps, l’accompagner dans sa vie affective, quotidienne, scolaire, pré-professionnelle », dans la Revue de l’A.N.A.E., Bayonne, 2006, n°88-89.
• Le site de l’ASBL Infor-dyspraxi propose différentes ressources. http://www.infor-dyspraxie.be (Ce site ne fonctionne plus).
Moteur de recherche
Tous les dossiers
Retrouvez également tous les dossiers de PROF regroupés en une seule page !