Magazine PROF n°18
L'acteur
Pas de Mechelen dans les atlas francophones
Article publié le 01 / 06 / 2013.
Julie Boon enseigne à temps plein l’étude du milieu, en immersion, au 1er degré du Collège Cardinal Mercier, à Braine-l’Alleud (1). Et le fait avec passion !
PROF : Comment êtes-vous entrée dans le bain de l’immersion ?
Julie Boon : Après mes études secondaires, j’ai obtenu une licence en sciences commerciales option marketing international. Mais j’ai toujours voulu enseigner. En 2008, la direction du Collège m’a confié un horaire complet en néerlandais et anglais avec un titre suffisant B (2). Une ancienneté de cinq ans me permet d’avoir un titre A. Et deux ans plus tard, je peux être nommée. Dès mon entrée en fonction, la direction m’avait demandé si j’étais preneuse de l’immersion. Et en septembre 2010, le projet a démarré au 1er degré.
La passion est un mot qui vous caractérise ?
Oui. En tant qu’enseignante, je preste vingt-deux heures de cours. Les corrections et la préparation des séquences d’EDM au 1er degré et d’un cours d’histoire en 3e, cette année, me prennent, depuis trois ans, cinquante heures en plus par semaine. Il faut savoir que pour les cours en immersion, les outils pédagogiques font défaut. Les manuels francophones doivent être traduits par l’enseignant et les néerlandophones ne correspondent pas au programme de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
La première année, j’ai traduit des cours de mes collègues. Puis, pour ouvrir davantage mes élèves à la culture flamande, j’ai opté pour Mechelen à la place de Namur dans une de mes séquences. Mon école avait acheté des atlas francophones. Mechelen y était inconnue au bataillon. J’ai dû acquérir un atlas néerlandophone.
Cette année, je continue dans la même logique. Les sujets de mes séquences alternent une fois au sud du pays, une fois au nord. Lorsque j’ai été contrôlée récemment par l’Inspection, j’ai reçu des ressources,… en français. Ainsi qu’un manuel agréé récemment – un des seuls, si pas le seul –, qui existait en 2010, mais dont l’agréation avait été refusée à ce moment. J’ai même proposé mon cours à des éditeurs. Ils répondent que le marché est trop petit.
Faites-vous appel à l’équipe ?
Je collabore avec une collègue qui donne le néerlandais dans une de mes classes. Elle voit du vocabulaire que j’utilise pour mes cours et je lui rends la pareille. Dans un cercle plus large, le réseau libre organise des journées pour les profs en immersion : j’ai fait de belles rencontres, mais je suis revenue bredouille en matière d’outils. Je comprends : les efforts pour refaire les cours sont tels que peu les partagent.
Êtes-vous biculturelle ?
J’ai fait mes primaires en flamand. Je ne me sens pas concernée par les conflits communautaires. Je n’ai pas d’apriori. Mais, si je dois enseigner le néerlandais, il me faut un minimum d’accès à la culture flamande. J’aborde l’agriculture et la construction des villes en EDM : tous les Belges sont sur un pied d’égalité. Cette année, j’organise un échange avec une école anversoise. Les 1re s’écrivent. Les 2e se rencontrent deux jours à Anvers, deux jours à Braine. Ils verront que les préoccupations de tous les ados sont fort semblables.
Des projets ?
D’une part, pour gagner du temps à terme, je vais retransformer mon cours pour l’utiliser sur tableau blanc interactif. Cet outil offre un support plus grand, plus visible, plus accrocheur. En immersion, si l’élève ne comprend pas où on est, ne demande pas une explication, je le perds. D’autre part, beaucoup d’enseignants en immersion ne se fixent pas. Moi, je suis plutôt du genre à m’enraciner, à me créer une base solide. Je suivrai vraisemblablement le projet en 4e. Cela signifie un recrutement pour me remplacer en partie au 1er degré, l’an prochain. Mais les enseignants en immersion sont des perles rares. Je ne sais donc pas comment on fera.
Propos recueillis par
Patrick DELMÉE
(1) L’immersion fait l’objet d’un dossier dans notre numéro de juin 2009, disponible sur http://www.enseignement.be/prof
(2) Dans l’enseignement subventionné, les titres suffisants B sont considérés comme trop éloignés du titre requis pour exercer une fonction déterminée. Pour les employer, leur pouvoir organisateur doit obtenir une dérogation du ministre concerné.
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