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Magazine PROF n°20

 

Focus 

Des moyens pour assumer l’interdiction de fumer, sinon…

Article publié le 01 / 12 / 2013.

Le collège technique des Aumôniers du travail, à Charleroi, a confié la gestion d’un projet de lutte contre les assuétudes à un éducateur spécialisé. Il fonctionne dans un registre particulier : pas comme un éducateur, pas comme un agent CPMS. Et il obtient des résultats.

L’ambition de ce collège technique carolorégien ? Prévenir et sensibiliser ses 800 élèves aux assuétudes. Le directeur des Aumôniers du travail, Jean Coopmans : « Le tabac et, accessoirement, le pétard, touchent toutes les écoles. Le législateur les a interdits dans leurs enceintes… sans donner des moyens d’aider les personnes dépendantes. La répression ? Impossible, si on ne met rien en place ».

En 2009, dans le cadre de l’enseignement différencié, M. Coopmans a obtenu du cabinet de la ministre de l’Enseignement obligatoire un emploi APE (aide pour l’emploi). En 2011, il est proposé à Fred Hublet qui, après un temps d’observation, détermine un angle d’attaque : le tabac. Et trois mots d’ordre : prévention, sensibilisation et mobilisation, qui donnent son nom au projet PSM.

Trois mots d’ordre : prévention, sensibilisation et mobilisation. Qui donnent son nom au projet: PSM.
Trois mots d’ordre : prévention, sensibilisation et mobilisation. Qui donnent son nom au projet: PSM.
© PROF/FWB

« Avec le soutien de la direction, explique-t-il, j’ai cherché des partenaires parmi les enseignants et le CPMS. Les éducateurs furent plus longs à convaincre. Ensuite, j’ai trouvé des partenaires externes : l’ASBL Lutte contre le cancer, Point jaune, Trempoline, des patients liés à l’Association francophone des mutilés de la voix de Belgique,… »

Leurs affiches et folders ont permis une première campagne pour annoncer des animations : « Huit ateliers de cinquante minutes sur l’année, pour chaque classe : un débat autour d’un DVD introductif, des rencontres avec des patients victimes du tabac, un sportif de haut niveau, des ASBL ressources… Enfin, un groupe d’élèves a réalisé ses propres affiches ».

Une thérapie de sevrage

En mai 2011, intéressé, Martial Bodo, psychologue et tabacologue au Centre de Désintoxication tabagique des Amis de l’Institut Bordet (1), déclare à M. Hublet vouloir créer un groupe de sevrage dans l’école. À la rentrée suivante, une vingtaine d’élèves tentent l’aventure de six mois, à raison d’un premier entretien, individuel, et d’une séance en groupe par semaine.

Jusqu’à une date-butoir, les participants peuvent encore fumer et se préparent, en évoquant devant les autres (ou devant le seul tabacologue si nécessaire) leur vécu. Après, le fait de partager la difficulté aide énormément. Même si un participant flanche, il reste le bienvenu. Tout peut rester anonyme : l’accord des parents n’est pas nécessaire. Par ailleurs, deux enseignants forment un groupe distinct, réservé aux adultes.

Une condition ? « La confiance ! Pour l’établir, je suis tout le temps avec eux, dans la cour de récréation, à l’entrée, la sortie, mais aussi en-dehors des cours. Mon local reste porte grande ouverte. Je ne suis pas dans la répression, mais dans l’écoute et le respect. Je pratique le secret professionnel, plus comme un agent de CPMS ».

Autre condition de réussite, l’endurance des partenaires. « Le passage dans toutes les classes dure environ trois semaines par partenaire ».

Des résultats

L’éducateur spécialisé ne s’était pas donné d’objectifs : « Cela ne sert à rien de se mettre la pression. Si un seul arrête de fumer, on est gagnants... On a eu 50 % de réussite. Et, au-delà, on a pu travailler sur l’estime de soi, le mieux-être, l’accrochage scolaire ».

En 2012, PSM a mis l’accent davantage sur le cannabis. « Une assuétude parallèle au tabac : tout fumeur de cannabis est d’abord passé par le tabac. Mais différente. L’accro à l’herbe n’a plus la notion du temps, arrive fréquemment en retard à l’école et a des difficultés à suivre le cours ». Le parcours a été le même.

Parmi les partenaires, Michel Houck, responsable de la section Stupéfiants de la zone de police de Charleroi a évoqué sa profession, les conséquences des addictions et les lois sur le sujet. Et Patricia, une ancienne toxicomane, a décrit les produits et son vécu. Un groupe d’élèves a réalisé une capsule-vidéo, mise en évidence lors d’une fête organisée à l’école le 31 mai, pour la journée internationale de la lutte contre le tabac. Et une autre vingtaine de jeunes ont de nouveau participé à un groupe de sevrage.

Après la fumée, l’alcool

Pour 2013, M. Hublet se prépare : « Avec Trempoline, on lance un projet Unplugged (2), pour le 1er degré. Les animations de la 3e à la 5e seront centrées sur l’alcool. Rares sont les élèves ivres au cours. Mais des hard-discounters vendent la bouteille d’alcool à 10 €, voire moins : c’est important d’en parler. Pour le prolongement pédagogique, un cameraman professionnel réalisera un court-métrage avec les élèves. Les 6e et 7e, eux, retravailleront sur le cannabis. Et le sevrage continue, avec dix élèves et quatre enseignants déjà inscrits ».

Le projet a du succès. Les partenaires reviennent, d’année en année, bénévolement ; les professeurs et les éducateurs adhèrent de plus en plus. Du côté du cabinet de l’enseignement obligatoire, « Nous privilégions une approche globale du phénomène de l’éducation au bien-être à l’école, explique Étienne Jockir, et, dans ce cadre, il faudra un jour revaloriser le métier d’éducateur. Par ailleurs, dans le cadre de nos moyens, limités, et sans créer une nouvelle fonction spécifique, nous soutenons aussi des expérimentations plus ciblées intéressantes comme PSM ».

Pour M. Hublet, les assuétudes réclament de tels investissements (3). Mais, la transposabilité de PSM ne semble pas facile. M. Coopmans : « Son succès dépend de la foi et de l’engagement de l’école et de l’éducateur spécialisé ». D’où vient l’investissement de M. Hublet ? « Après quinze ans dans les métiers de la sécurité je voulais autre chose. Mon gout pour les associations de quartier et ma participation à un club de boxe m’ont poussé à m’investir. Après mes études d’éducateur spécialisé en promotion sociale, mon engagement aux Aumôniers, le succès de PSM et le retour des élèves me récompensent énormément ». Mais, parfois, ce n’est pas évident : « Il faut être costaud. Heureusement, en baisse de régime, je peux me tourner vers Martial Bodo ou vers François Saucin, assistant social au CPMS ».

Patrick DELMÉE

(1) http://www.bordet.be/fr/services/servmed/tabac/duo.htm
(2) http://www.trempoline.be/index.php?content=&page_id=59&act=5
(3) M. Hublet est disponible pour toute information : fredhublet@hotmail.fr – 0495 / 41 64 38

Les bénéfices du sevrage

Lorsque Fred Hublet a évoqué les grandes lignes du projet PSM (lire «Des moyens pour assumer l’interdiction de fumer, sinon…»), Michel Moret, professeur de religion au 2degré au Collège technique des Aumôniers du travail à Charleroi, y a adhéré rapidement. « Les ados qui ont commencé à fumer peuvent encore arrêter et ceux qui ne l’ont pas fait prendre en compte les avertissements. C’est lié à l’épanouissement personnel et… à mon enseignement. Avant, j’informais sur les assuétudes. Aujourd’hui, je me repose sur une expertise et un suivi concrets ».

Pour Jean Coopmans, son directeur, par rapport au tabac, l’équipe éducative ne peut faire de la répression pure et simple et celle-ci n’est pas une réponse adéquate pour des gens dépendants. « Nous nous donnons les moyens d’une autre réponse, via le projet PSM. Et, nous l’aidons financièrement au besoin : un drink de mise à l’honneur des participants, l’accueil de personnalités lors du 31 mai, la journée internationale de lutte anti-tabac ». La qualité du projet est liée à son animateur qui y croit et qui se démène. Mais il est engagé sous un statut précaire. « Si l’APE n’est pas renouvelé, il tombera ».

Charlie, élève de 6e P conduite d’engin a participé à la thérapie : « Ex-fumeur et pas non fumeur, je reste fragile. Quand j’ai envie d’une clope, je pense à mes soutiens et à mes efforts. Plus j’avance, plus je suis fort. Je suis venu à la 1ère séance de la thérapie de l’an dernier, grâce à un ancien. Martial Bodo – un professeur, de la capitale – m’a convaincu. Un autre tabacologue n’avait pas pu le faire. Aujourd’hui, j’en parle. Arrêter, c’est une victoire individuelle et collective. Elle m’a donné confiance en moi et des liens de soutien et de respect ».

Jessie, de 6e P maçonnerie, estime qu’il serait peut-être arrivé à arrêter sans le projet, mais… dans dix ans. Il a pris conscience du problème lors de l’information de 2011 et s’est inscrit au premier groupe de thérapie. « Cela n’a pas marché. J’ai réessayé l’année suivante. Dans les bénéfices du sevrage, outre l’odeur et le budget, je pointe surtout le fait de ne pas avoir déçu ma mère. Elle ne savait pas que je fumais. Je ne l’ai avoué qu’après avoir arrêté ».

Pa. D.

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