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Magazine PROF n°27

 

Droit de regard 

Démocratiser l’école, mais en gardant l’excellence !

Article publié le 01 / 09 / 2015.

Pour Hervé Hasquin, historien et Secrétaire perpétuel de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, la qualité de l’enseignement est la condition de la valorisation du diplôme sur le marché du travail.

Après une longue carrière politique et académique (comme enseignant, recteur et président du conseil d’administration de l’Université libre de Bruxelles), Hervé Hasquin est devenu Secrétaire perpétuel de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Rencontre.

Hervé Hasquin : « Je ne suis pas opposé à la massification de l’enseignement, à la condition qu’elle aille de pair avec la cohérence et l’excellence ».
Hervé Hasquin : « Je ne suis pas opposé à la massification de l’enseignement, à la condition qu’elle aille de pair avec la cohérence et l’excellence ».
© PROF/FWB

PROF : Pouvez-vous citer trois directions dans lesquelles il serait utile d’agir pour diminuer les inégalités de notre enseignement ?
Hervé Hasquin :
D’abord, je crois qu’il faut restaurer sans tarder « l’élitisme républicain » – pour reprendre l’expression de l’ancien ministre socialiste (NDLR : français) de l’Éducation, Jean-Pierre Chevènement. Ce qui s’impose partout dans le monde du travail, c’est la qualité du diplôme.

Je ne suis pas opposé à la massification de l’enseignement, à la condition qu’elle aille de pair avec la cohérence et l’excellence. Mais je constate qu’aujourd’hui, on met sur le marché de l’emploi des personnes qui ne peuvent exercer une fonction directement en rapport avec leur diplôme et leur expérience. Qui oserait confier son courrier à une secrétaire maitrisant mal l’orthographe ?

Tous partis confondus, on privilégie trop, aujourd’hui, l’approche économique : on part du principe que le redoublement coute cher. Mais on oublie la frustration du diplômé qui ne trouve pas l’emploi auquel sa certification pourrait lui faire prétendre. Notre enseignement doit viser l’excellence sous peine de voir nos diplômes dévalorisés et de pousser certains parents à envoyer leurs enfants dans des écoles privées et étrangères jugées meilleures. En tant que défenseur de l’école publique, je pense qu’il faut se prémunir contre ce dualisme et privilégier l’exigence.

Ensuite, en matière d’égalité des chances, je trouve très intéressante l’idée de faire réaliser les travaux scolaires en classe et non à domicile. Grand-père, je constate que ce sont bien souvent les parents ou les grands-parents qui s’occupent des devoirs et élocutions durant le week-end. Toutes les familles en ont-elles le temps et les capacités ?

Une troisième piste – qui est aussi un de mes vieux chevaux de bataille –, c’est un cours de philosophie commun à tous les élèves, au moins dans le réseau officiel. Sous le prétexte de donner aux élèves de bonnes bases et de les préserver de certaines influences, on les enferme jusqu’à 18 ans dans un ghetto (qui peut aussi être le laïcisme pur et dur).

Une initiation à la philosophie et une étude comparée des religions pendant les deux dernières années du secondaire leur permettrait de mieux se comprendre entre eux, d’acquérir le sens du relatif (en constatant que partout, les hommes et les femmes se sont posé les mêmes questions). Cela donnerait aussi à certains adolescents l’accès à une diversité culturelle qu’ils ne peuvent trouver dans leur milieu familial. En 1994, je me suis battu pour que l’intitulé du cours de morale dans l’officiel comporte le terme « libre examen ». Certains lient cela à « antireligieux ». Pour moi, la libre pensée est avant tout, critique de tout, par nature.

Qu’ajouter dans la formation initiale des professeurs pour améliorer la qualité de l’enseignement ?
L’allongement de la formation initiale est une bonne idée. C’est l’occasion d’améliorer la formation pédagogique, même si je pense que la motivation est capitale et que la qualité de pédagogue est innée. On ne fera pas un pur sang d’un cheval de trait… Mais surtout, je suis convaincu qu’il faut leur donner une formation culturelle. La culture crée des ponts entre les matières, les évènements ; elle renforce la qualité du professeur et de l’enseignement, et éveille la curiosité des élèves.

À propos du Prix Nobel de physique attribué à François Englert, vous avez souligné que les trois derniers Prix (NDLR : avec Christian de Duve en 1974 et Ilya Prigogyne en 1977) ont couronné des travaux scientifiques des années ‘50-‘60, d’une université peut-être très élitiste…
Je suis un ancien soixante-huitard monté aux barricades pour réclamer une plus grande démocratisation de l’université. Mais avec le recul, je constate tout de même que cette université-là, « celle de papa » considérée parfois avec mépris, a été à même de produire l’excellence. La massification de l’accès à l’université a certes des aspects positifs, mais aussi des inconvénients. Voyez l’explosion du nombre de doctorants et de docteurs. On n’en a jamais eu autant. Mais, aujourd’hui, pour deux postes académiques, il y a cent candidats ! On brille et on constate ensuite qu’il n’y a pas de débouchés. Ce n’est plus l’ascenseur social que certains espéraient et cela engendre de la frustration. Une démocratisation mal construite est une usine à chômeurs. Il faut donc accepter que de plus en plus de doctorants et de docteurs basculent vers l’entreprise et l’industrie.

Élu secrétaire perpétuel de l’Académie royale de Belgique, vous avez voulu ajouter une quatrième classe Technologie et société. L’enseignement devrait-il s’adapter davantage aux développements technologiques et aux besoins des entreprises ?
C’est complexe. Je crois qu’il faut un juste milieu. Les chefs d’entreprise se plaignent de ne pas trouver du personnel « clé-sur-porte ». Mais toutes les entreprises ne sont pas prêtes à accueillir des jeunes en formation, trop de patrons considérant que c’est une perte de temps. Et l’école a un rôle spécifique : elle doit former des hommes et des femmes capables de s’adapter, puisqu’ils exerceront sans doute plusieurs métiers au cours de leur vie professionnelle.

La formule de Goya « Le sommeil de la raison engendre des monstres » vous semble chère. Un commentaire ?
Je suis passionné par les philosophes et les écrivains de la période des Lumières qui ont forgé nos démocraties pluralistes. Ils ont mis le bien-être, le bonheur de l’homme sur terre au cœur des préoccupations (et non plus le salut dans l’au-delà). Le sommeil de la raison c’est l’équivalent de « l’infâme » ou du fanatisme, chez Voltaire. À l’heure de certains extrémismes, de certaines intolérances, ces penseurs me semblent plus actuels que jamais !

Un souvenir d’école qui vous a marqué ?
Ni ma famille ni l’école n’ont joué de rôle dans mon choix d’orientation. Petit-fils de mineurs, j’hésitais entre l’histoire (en vue de m’orienter vers une carrière diplomatique) et la médecine. Mais n’ayant pas apprécié le cours de chimie, je ne me voyais pas en avaler à fortes doses en première année de médecine.

Dans l’enseignement secondaire, je me souviens d’avoir appris la rigueur. Au 3e degré, à l’Athénée de Charleroi, M. Lesuisse, le professeur de français, nous donnait une dissertation tous les quinze jours ; et une fois par mois, nous devions, après lecture, résumer un chapitre de Saint-Exupéry ou de Descartes. Cet héritage-là m’a construit.

Propos recueillis par
Patrick DELMÉE et Catherine MOREAU

L’académie citoyenne

À l’initiative de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts, le Collège Belgique, pparrainé par le Collège de France, propose des cours-conférences d’orateurs du monde académique, culturel ou scientifique Chaque année, quelque 150 cours-conférences sont accessibles gratuitement, à Bruxelles, à Namur, à Liège et à Charleroi. http://bit.ly/1MeYmnM

On peut également revoir ou réécouter un cours sur la plateforme http://www.lacademie.tv. Chaque page contient un fichier vidéo ou/et audio, un résumé et des fonctionnalités de partage sur les réseaux sociaux.

L’Académie a aussi lancé L’académie en poche, une collection de petits ouvrages de vulgarisation rédigés par les conférenciers, accessibles à prix modique (5€). Parmi la trentaine de titres parus, disponibles dans les formats papier et numérique: Crises économiques et dette publique, de l’économiste Bruno Colmant, À la recherche d’autres mondes. Les exoplanètes, de l’astrophysicienne Yaël Nazé, La ville verticale, de l’architecte Philippe Samyn. http://www.academie-editions.be

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