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Magazine PROF n°31

 

Focus 

Écout’Émoi, pour rendre le gout de l’école

Article publié le 01 / 09 / 2016.

Une vingtaine de professeurs et d’éducateurs de l’Institut de la Providence, à Wavre, ont construit le projet Écout’Émoi pour contrer le harcèlement entre élèves.

La cellule Écout’Émoi est un outil commun à toute l’équipe éducative, explique la directrice.
La cellule Écout’Émoi est un outil commun à toute l’équipe éducative, explique la directrice.
© PROF/FWB

Un petit mot dans une boite aux lettres placée devant les bureaux des éducateurs, un message électronique, quelques paroles glissées à la titulaire ou à l’éducatrice… Pour les victimes ou les témoins de brimades, de rejet, d’actes de violence répétée, tous ces chemins mènent vers l’équipe Écout’Émoi créée à l’Institut de la Providence, à Wavre.

« Quand je suis arrivée dans l’école voici trois ans, j’ai été confrontée à deux cas de harcèlement entre élèves, se souvient Pascale Maljean, directrice des 2e et 3degrés secondaires. Cela me peinait de les voir isolés, repliés sur eux-mêmes dans la cour de récréation, à la cantine ».

Un couvercle sur une casserole

Avec la titulaire, l’éducatrice et des enseignants, la directrice a géré la situation de manière classique : écoute de l’élève en souffrance, dialogue entre école et parents, sanctions pour les harceleurs...

Résultats ? Mitigés. La situation s’est améliorée mais un de ces élèves harcelés a quitté l’école en cours d’année. « Cela restait décevant par rapport au temps et à l’énergie investis, commente la directrice. Et puis surtout, nous n’avions pas démonté le mécanisme d’une situation plus complexe que l’image du vilain harceleur et de la pauvre victime. Bref, en sanctionnant, nous avions plutôt posé un couvercle sur une casserole qui risquait vite de redéborder ».

Un appel à projets de la Fédération Wallonie-Bruxelles adressé en 2014-2015 aux équipes éducatives désireuses de mieux gérer le harcèlement a fourni l’occasion du changement. « Ce qui était intéressant, c’est qu’il ne fallait pas trouver une idée de génie mais bien susciter l’adhésion de nombreux enseignants et décider un certain nombre d’entre eux à se former », précise encore Mme Maljean.

Gagné : sur les quelque 140 enseignants de l’école, plus de 90 % ont marqué leur accord et vingt-et-un professeurs et éducateurs ont suivi quatre journées de formation organisée par l’Université de Paix.

Cette formation comportait deux axes. D’abord, le vivre-ensemble dans lequel les animateurs ont mis en avant la coopération, la solidarité, l’étiquetage. Cela passait par le vécu avec des jeux de rôles, des mises en situation. Lolita Lassine, éducatrice au 1er degré : « Nous pouvions mieux comprendre comment fonctionnent les protagonistes dans un cas de harcèlement. On se rend compte avec un peu d’effroi que nous sommes tous potentiellement des harceleurs, que nous pouvons y trouver du plaisir ! » Ensuite, les participants ont été formés à la méthode No blame (pas de sanction).

Éviter que le soufflé retombe

Et après ? « Nous nous sommes rendu compte qu’il fallait à la fois éviter que le soufflé retombe et prendre le temps de bien ancrer le projet, répond Caroline Leroy, psychologue et enseignante. Riches des liens tissés entre nous, nous avons réfléchi pour régler des questions pratiques : comment nommer notre projet, réceptionner les demandes, informer tous nos collègues, nous rendre bien visibles… ? »

Un cas identifié de harcèlement a permis à l’équipe de mettre en pratique la méthode No blame. « Nous avons expliqué à la victime le contenu de notre formation ; elle a accepté d’être notre cobaye, explique Nathalie Renouprez, éducatrice aux 2e et 3degrés de l’enseignement professionnel. Nous avons été vraiment satisfaits quand, quelques semaines plus tard, l’un de ses professeurs nous a dit : Jai vu cette élève arriver tout sourire et je me suis demandé ce qui se passait. Nous avons encore revu régulièrement cette jeune fille. Par des regards, par des signes discrets, elle nous faisait savoir que la situation avait changé. Et à la fin de l’année, elle est passée dans l’année supérieure ».

Mais l’équipe axe aussi son travail sur la prévention, le vivre-ensemble. « Sans imposer les choses, nous réfléchissons avec les titulaires à deux périodes d’animation au début de l’année », explique Caroline Leroy.

Pour se faire connaitre, la jeune équipe a réuni tous les enseignants en septembre 2015 lors d’une journée pédagogique. Elle les a initiés à des activités pour apprendre à faire connaissance et utiliser ensuite ces techniques en classe. Par le biais de jeux de rôle, l’équipe éducative a aussi découvert la méthode No Blame (1). Ensuite, une conférence sur le projet a été proposée aux parents, aux élèves et à toute personne intéressée. L’étape suivante sera de créer des échanges entre des écoles qui ont mené des projets semblables.

Tout le monde est en apprentissage

« Nos atouts, c’est la force d’une équipe à la fois fournie et perméable : beaucoup d’enseignants sont impliqués et les interventions, en cas de harcèlement, se font très rapidement, explique Pascale Maljean. Chaque fois, un membre de la cellule accompagne le titulaire de la classe. Cela donne à l’élève une garantie de sérieux et de neutralité. L’équipe pilote est devenue un outil commun à toute l’équipe éducative. Mais elle ne va pas tout régler ».

Cela ne gomme pas certaines difficultés : pas toujours simple de faire circuler les infos entre vingt-et-une personnes et de distribuer les compétences. Certains se sentent mieux à l’aise dans les entretiens, d’autres dans les animations.

De quoi rendre le projet transposable ? « Oui, répond Mme Maljean. À condition de s’assurer de l’adhésion massive du personnel, de prendre le temps de la formation, de construire le projet étape après étape, le laisser murir sans brusquer les choses. Et veiller à ce que les membres de la cellule soient nombreux dans tous les degrés, options et filières de l’école ».

Catherine MOREAU

(1) Cette méthode est au programme (parmi d’autres) de la formation Harcèlement entre élèves : comprendre, identifier, agir, organisée par l’IFC (code 40200) – http://www.ifc.cfwb.be.

Le pari de No blame

Juliette*, en 3professionnelle, « vide son sac » dans le bureau des éducateurs : colère, découragement, mal-être. Nathalie Renouprez et Lolita Lassine, éducatrices formées à la méthode No blame, l’écoutent, puis lui demandent de choisir huit élèves de sa classe : des jeunes avec lesquels elle s’entend bien, d’autres avec lesquels elle n’a pas d’atomes crochus et d’autres encore qui lui causent des soucis.

Une semaine plus tard, ces élèves sont réunis en l’absence de Juliette. « Nous nous faisons du souci pour elle et nous pensons que vous pourrez nous aider », expliquent les éducatrices. Chaque élève est invité, librement, à réaliser une action pour Juliette, durant une semaine. « Spontanément, ils choisissent des choses simples, de bon sens (manger avec elle, l’aider pour un cours…) », explique Mme Lassine. Une semaine plus tard, les adultes interrogent chaque élève : « As-tu tenu ton engagement ? Veux-tu continuer ? » 

Pour la cellule Écout’Émoi, l’atout de cette méthode (où personne n’est pointé du doigt comme harceleur, victime ou témoin), c’est que les élèves mettent en place eux-mêmes des actions qui les responsabilisent et les valorisent. Il arrive que le(s) harceleur(s) refuse(nt) toute participation. Mais No blame fait le pari qu’une petite dizaine d’élèves dans une classe suffiront pour faire basculer positivement la posture du groupe. Cela peut court-circuiter le harcèlement et permettre à l’élève en souffrance de retrouver sa place.

* Prénom d’emprunt

Créer un climat serein

« Grâce aux animations de cette cellule, je suis plus attentive à créer un climat serein dans mes classes, témoigne Valérie Jordens, qui enseigne dans le qualifiant. Avec un groupe où je dois gérer des situations relationnelles difficiles, j’ai prévu durant l’année des activités ponctuelles pour que les élèves se connaissent mieux. Cela peut être simplement des jeux de rôle, ou un travail en duos ou en trios d’élèves dont l’habitation porte le même numéro ».

Nathalie Renouprez, éducatrice : « Devant les difficultés à contrer le harcèlement, il fallait tester, découvrir, se former à de nouvelles procédures. Cela permet de rendre à un élève le gout de venir à l’école. Et d’inciter les témoins à ne pas rester silencieux ».

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