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Magazine PROF n°34

 

Coté psy 

Contrer le tabagisme des jeunes :
l’affaire de professionnels !

Article publié le 01 / 06 / 2017.

Qu’est-ce qui amène un adolescent à fumer ? Que peuvent faire l’enseignant et l’école pour prévenir et soigner les assuétudes ? Martial Bodo, tabacologue et psychologue, n’y va pas par quatre chemins !

Marcel Bodo travaille au Centre d'Aide aux Fumeurs de l'Institut Bordet, à Bruxelles. C’est lui qui a créé un programme de sevrage au Collège technique des Aumôniers de travail, à Charleroi, élargi aujourd’hui à d’autres écoles  (lire ci-contre).

PROF : Qu'est-ce qui incite un jeune à fumer ?
Martial Bodo
 : Je vois plusieurs incitants qui peuvent pousser un adolescent vers le tabac (le plus souvent) et, en proportion bien moindre, vers d’autres substances. Le principal, c’est l’influence des pairs, des copains. Si le jeune fréquente un groupe où il y a plusieurs fumeurs, le risque est grand de suivre le mouvement.

Martial Bodo : « L’école peut apprendre aux élèves à vivre en bonne santé, sans être dépendants, y compris sur les plans physique et psychologique ».
Martial Bodo : « L’école peut apprendre aux élèves à vivre en bonne santé, sans être dépendants, y compris sur les plans physique et psychologique ».
© Fotolia/Prudkov

Et puis, il y a les  conditions de vie, l’empreinte de la famille : des parents fumeurs induisent un certain style de vie, de manière directe ou indirecte. Il y a souvent, chez eux, une proximité physique plus grande avec un paquet de cigarettes qu’avec un  kiwi !  Difficile pour eux de faire de la prévention ou d’interdire dans ce domaine : le discours serait ambigu, caduc. Bien sûr, il peut y avoir chez l’adolescent la volonté d’adopter l’attitude contraire pour marquer sa différence : « Jai tant vu mes parents fumer que cela ma dégoûté ! » entend-on parfois. Mais cela reste marginal.

Je ne souhaite pas culpabiliser les parents ! Juste être réaliste en leur disant qu’ils « porteront » en partie les conséquences  de l’usage du tabac sur la santé de leur enfant.

Les loisirs exercent un rôle : souvent, un jeune qui se passionne pour un hobby actif ne s’encombrera pas du tabac. S’il glande, s’il est désœuvré, il risque bien de considérer la cigarette comme un moyen de combler le vide, qui lui donne l’illusion du plaisir.

Enfin, il y a des phénomènes extérieurs. Certes, depuis le 1er janvier 1999, la pub pour le tabac est interdite. Mais les cigarettiers ont trouvé la parade, en misant sur le ludique, par exemple : cigarettes aromatisées aux gouts plus sucrés… Ou en diversifiant les produits : une célèbre marque américaine vend des vêtements…. Une manière de fidéliser le consommateur. S’étonnera-t-on alors que, malgré la connaissance des risques pour la santé, les campagnes de prévention, le prix du produit et la législation, l’usage du tabac touche encore 20 % des 14-22 ans ?

Une prévention peut-elle se faire à l’école primaire ? Sous quelle forme ?
C’est difficile à dire. Les spécialistes ne sont pas unanimes. Certains disent qu’à force de parler de l’usage du tabac, on risque d’attiser la curiosité. Mais plus largement, cela peut entrer dans le cadre d’une animation où l’on apprend aux pré-ados à dire « non » sans se sentir ridicules aux yeux des autres. Il faut, bien sûr, adapter le langage à l’âge, au milieu socioculturel. Et à l’évolution de l’enfant en faisant des piqûres de rappel. Bref, du sur-mesure.

Comment s'installe le processus de dépendance ?
La nicotine, substance psychoactive, agit sur le cerveau par le biais des neurones et des neurotransmetteurs. Ceux-ci produisent alors de la dopamine, une hormone procurant de la satisfaction. Il ne faut pas  longtemps pour que le cerveau s’habitue à la présence de cette substance. Et qu’apparaisse une sensation de malaise quand le corps est en manque de nicotine. Il faudra donc injecter une dose toutes les deux heures environ.

La dépendance physique se double donc d’une dépendance psychologique et comportementale : fumer va devenir la réponse automatique à des états émotionnels tels que le stress, la tristesse, l’ennui,  l’énervement…

Que dire à un jeune qui minimise ?
Je pense qu’il faut lui faire comprendre que la nicotine fait partie des drogues dures, selon le classement de l’Organisation Mondiale de la Santé. Ne l’oublions pas : le tabac  demeure la première cause de mortalité évitable en Belgique. Mais le cancer du poumon, c’est une projection lointaine. Par contre, il y a des effets bien plus rapides : toux, essoufflement, manque de résistance à l’effort, fatigue, troubles du sommeil… Les jeunes peuvent les observer.

Et à celui qui rétorque que « fumer, c'est ma liberté » ?
Sans doute lui demander s’il exerce réellement son libre-arbitre quand il suit les autres, au risque de perdre son autonomie. Quand il se laisse téléguider par les cigarettiers qui pompent son argent de poche. Lui dire qu’au contraire, ils installent en lui une dépendance qui l’obligera à fumer toutes les deux heures, la plupart du temps dehors, debout, en vitesse et, souvent seul. On met en avant le côté « cool », « partage » de la cigarette. Dans la pratique, c’est tout le contraire.

Est-ce à l’école de prendre ce problème en charge ?
Je le pense. L’école peut apprendre aux élèves à vivre en bonne santé, sans être dépendants, y compris sur les plans physique et psychologique. Elle peut leur montrer que ce n’est pas « normal ».

On trahit le jeune en feignant que le problème n’existe pas. Quand ils sortiront de l’école, les élèves auront appris à ne pas fumer ou à arrêter. Pourquoi pas un diplôme du non-fumeur ? Et un responsable du « non fumage » et du « défumage » dans chaque école secondaire ? Dans tous les cas, il faut que la prévention soit assurée par de vrais professionnels : psychologue, tabacologue, pédagogue.

Propos recueillis par
Catherine MOREAU

Le projet PSM a fait tache d’huile

Depuis 2011, au sein du Collège technique des Aumôniers du Travail, à Charleroi, Frédéric Hublet lutte contre les assuétudes des élèves. Avec des partenaires externes, cet éducateur spécialisé a mis en œuvre la méthodologie « Prévention, sensibilisation et mobilisation », centrée d’abord sur le tabac puis, les années suivantes, sur l’alcool et sur le cannabis (1).

Chaque classe bénéficie de huit ateliers de cinquante minutes sur l’année, d’un débat autour d’un DVD introductif, de rencontres avec des patients victimes du tabac, avec un sportif de haut niveau, avec des ASBL ressources… En outre, le tabacologue Martial Bodo (lire son interview ci-contre) a créé un groupe de sevrage dans l’école : les élèves y tentent une aventure de six mois, à raison d’un premier entretien individuel et d’une séance en groupe par semaine.

Des résultats positifs ont amené la Fédération Wallonie-Bruxelles à pérenniser et à étendre le projet dans d’autres écoles, en interéseaux. Trois éducateurs supplémentaires, dispatchés dans huit écoles (2), renforcent la Cellule d’aide aux assuétudes.

À l’heure actuelle, l’équipe a rencontré et sensibilisé 177 classes et 2 221 élèves du secondaire supérieur. Au premier trimestre 2016-2017, 168 élèves motivés ont souhaité s’inscrire dans une dynamique de sevrage (tabac et cannabis). Le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a accordé une subvention de 52.000€ à l’Institut Bordet, pour renforcer le nombre de programmes de sevrage au sein des écoles. D’autres écoles pourront donc rejoindre le projet-pilote, dès que la liste d’attente sera résorbée.

Pour la suite, l’Avis n°3 du Groupe Central du Pacte pour un Enseignement dexcellence préconise de permettre « aux élèves de lenseignement secondaire de bénéficier de programmes darrêt du tabac/cannabis (accompagnement médical et psychologique) pendant le temps scolaire », avec une mise en œuvre dès la rentrée 2018.

C. M.

(1) Lire « Des moyens pour assumer l’interdiction de fumer, sinon… » dans notre numéro de décembre 2013 (PROF 20) et « Je suis accro au projet PSM : mon fils a arrêté le cannabis » dans notre numéro de septembre 2015 (PROF 27), http://www.enseignement.be/prof
(2) Institut Sainte-Marie (Châtelineau), Institut provincial La Samaritaine (Montignies-sur-Sambre) ; Institut Jean Jaurès, CECS La Garenne et Collège des Aumôniers du Travail (Charleroi) ; Centre scolaire Sainte-Marie La Sagesse (Schaerbeek) et École européenne (Woluwe-Saint-Lambert).

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