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Magazine PROF n°35

 

Focus 

La culture en gratin

Article publié le 01 / 09 / 2017.

Chaque année, le Centre d’éducation et de formation en alternance d’Anderlecht ajoute une couche à son Gratin de cultures, projet d'ateliers artistiques convergeant vers un spectacle des élèves baptisé Festivaleke.

Cela se passe un mardi de mars au CÉFA d’Anderlecht, où se rendent deux jours par semaine quelque trois-cents élèves des sections construction et bâtiment, industrie, horeca, services aux personnes et économie (les trois autres jours sont consacrés à la formation professionnelle rémunérée en entreprise).

Chaque année, les créations artistiques des élèves sont présentées lors d’un Festivaleke clôturant le Gratin de cultures.
Chaque année, les créations artistiques des élèves sont présentées lors d’un Festivaleke clôturant le Gratin de cultures.
© PROF/FWB

Le chanteur compositeur Hughes Maréchal propose à un groupe d’élèves de 3e-4e « encodeurs de données » d’improviser des rythmes en frappant dans les mains. Bientôt, les pieds entrent en scène et retentissent des mélodies simples, accompagnées à la guitare. « On va chanter ? C’est pour le spectacle en mars ? », demande Chania, mi-curieuse, mi-inquiète. L’artiste rassure : « Pour le moment, c’est entre nous. On crée. On verra à quoi on  arrivera. Si c’est bien, on le jouera ». Deux heures plus tard, les plus réticents en redemanderont : Monica, Logan, Kaly, Rainia, Chaima et les autres auront créé des textes empreints de romantisme à partir de titres de films ou de chansons.

Quelques semaines plus tôt, une dizaine d’élèves de 5e professionnelle vente et restauration testaient sur scène leurs créations, réalisées à l’atelier d’écriture slam. « Laisse des silences, crée du suspense, du crescendo, utilise différentes voix », conseillait la chorégraphe Viola Di Lauro à Florentina, qui débitait son texte. À un autre élève, le comédien jongleur Gaspard  Herblot suggérait : « Distribue ta parole par le regard ; pose les mains sur le dossier d'une chaise pour montrer que tu as quelque chose à dire ».

Chansons, créations slam, et bien d’autres projets ont été présentés aux élèves, aux enseignants, aux parents, aux amis lors du Festivaleke clôturant le projet Gratin de cultures, fin mars.

Susciter la participation des élèves

Professeur de français, Dominique Ranwez est le coordinateur de Gratin de cultures. « Depuis neuf ans, nous proposons aux classes des ateliers artistiques multidisciplinaires divers : chanson française, slam, breakdance, création de film, de documentaire… Durant deux à dix semaines, les enseignants qui le souhaitent accueillent des animateurs extérieurs pour mener ces activités ou animent eux-mêmes des ateliers ».

Au départ du projet, le Gratin comportait deux couches façonnées par deux sections. Toutes y participent désormais, encadrées par une vingtaine d’enseignants et de nombreux partenaires, notamment dans le cadre de projets subsidiés par le décret Culture-École de la Fédération Wallonie-Bruxelles et le projet La culture a de la classe, initié à Bruxelles par la Commission communautaire francophone. S'ajoutent des partenaires réguliers, notamment la Boutique culturelle d'Anderlecht, un espace de rencontre et de création situé dans le quartier de Cureghem. D'autres projets sont réalisés sur fonds propres: jardinage, roman photo, cuisine...

« L'objectif, c'était de trouver une stratégie pour susciter la participation des élèves, pour lutter contre l’absentéisme et le décrochage, en particulier à une période de l'année un peu morose, poursuit le coordinateur. Nous avons misé sur la culture pour favoriser la créativité individuelle et collective, faciliter l’expression et ouvrir nos élèves à un domaine auquel ils n’ont pas souvent accès ».

Une source d’estime de soi

Pour M. Ranwez, les atouts du Gratin sont nombreux pour les élèves, les artistes et les enseignants. Les activités proposées s’articulent aux compétences des programmes de formation générale et/ou professionnelle. Mais ils ouvrent sur bien des changements. « Les élèves vivent des expériences qui débouchent sur des savoirs ouverts, complexes, non donnés et encore moins arrêtés. La place est aussi accordée à d’autres types d’intelligence ».

Il y a bien plus. « Le projet permet l’irruption du plaisir, des émotions, de l’expérimentation, de la recherche, de l’essai-erreur. Et la nouveauté bouscule tout le monde ». Le regard porté les uns sur les autres évolue ; les jeunes apprécient l’implication des enseignants et des animateurs extérieurs ; les comportements changent.

« Un élève compliqué, qui ne fait rien en classe, est reconnu pour une compétence. C'est une réponse autre au décrochage et à la mésestime de soi », explique M. Ranwez. « On voit les élèves sous un autre angle, enchaine Manel Khetir, professeure de français. Au cours, à partir des textes créés à l’atelier chanson française, je fais des liens avec des poètes existants. Cela relance la motivation ». La relation avec l’école peut évoluer chez ces jeunes au parcours scolaire souvent marqué par un cumul d’accidents (réorientations, changements d’école et décrochage).

Cela ne gomme pas les difficultés. M. Ranwez : « Le projet est chronophage et ce n’est pas simple de rompre le carcan de la grille horaire, du cloisonnement des matières ; de faire admettre que des pratiques culturelles soient pensées comme élément essentiel de la formation plutôt que comme loisir ou activité d'occupation pour les fins de semaine ou les jours blancs ».

Et puis, la perspective du passage sur scène lors du Festivaleke stimule certains élèves mais en angoisse d’autres. La pression oblige à gérer son stress et ses émotions, à se confronter aux regards des pairs. « Certains sont réticents, certains se bloquent au dernier moment. Je me souviens que j’ai dû tenir la main d’une élève sur scène », confie Manel Khetir.

Après le spectacle, les enseignants prennent le temps d’un débriefing avec les différents partenaires du projet et avec chaque élève. « L’impression générale, c’est « nous y sommes arrivés ! », conclut M. Ranwez. Gratin de cultures, c’est une expérience de création collective qui favorise la participation de chacun et le dépassement de soi. C'est beaucoup de trac. Des fous rires. De l’émotion. De belles choses à voir, à écouter, à déguster. On se dit que c'était la dernière fois... Et on recommence l'année d'après ».

Catherine MOREAU

« Je ne savais pas que j’avais de l’imagination »

Fidèle animateur des Gratins de cultures, Hughes Maréchal, compositeur et interprète de chansons, l’assure : « En tant qu’artiste, c’est important de rester en contact avec des jeunes sur le terrain. Ici, lorsque des jeunes que la vie a souvent fracassés recommencent à être créatifs, ils se sentent exister, valorisés. Il faut aller les chercher là où ils sont et les amener vers quelque chose. On découvre alors des talents insoupçonnés. C’est indispensable de travailler par projet. Même si rien n’est jamais acquis et qu’il faut tout refaire à chaque séance ».

« Au début, Gaspard Herblot nous a donné des consignes pour l’écriture : il fallait inventer une petite annonce, un discours ou un texte poétique, explique William, en 5e professionnelle vente et restauration. On pouvait, par exemple, personnifier une chose, faire des rimes, répéter un mot ou une phrase… Pour l’orthographe, on retient mieux car on écrit nous-mêmes. C’est plus amusant».

Et Nassim, en 4e encodage de données, d’enchainer : « Je ne savais pas que j’avais de l’imagination. Lors de cet atelier chanson française, j’ai appris beaucoup de choses sur moi ! »

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