logo infos coronavirus
logo infos Ukraine
logo du site Mon Espace
logo du pacte d'excellence
logo FAQ+
logo des annuaires scolaires
logo espace enseignant
logo des communiques de presse
logo du magazine PROF
 

Magazine PROF n°40

 

Dossier Pilotage & contrat d'objectifs

Pilotage & contrat d'objectifs

Article publié le 07 / 12 / 2018.

D’ici 2020-2021, tous les établissements scolaires élaboreront un plan de pilotage destiné à devenir leur contrat d’objectifs pour six ans. Un tiers des écoles ont entamé l’exercice. Voici les grandes lignes de ce nouveau mode de gouvernance dont les maitres-mots sont participation, autonomisation et responsabilisation des directions et de leurs équipes éducatives. Suivies par des reportages dans cinq écoles en pleine réflexion (1).

Les travaux du Pacte pour un Enseignement d’excellence, dont PROF a régulièrement rendu compte depuis leur lancement en janvier 2015, ont d’emblée accordé une place importante à la question de la gouvernance du système éducatif et des écoles (2).

En 2018-2019, 903 établissements réalisent des plans de pilotage.
En 2018-2019, 903 établissements réalisent des plans de pilotage.
© PROF/FWB

La notion de contrat d’objectifs apparait dès la première synthèse des travaux. L’Avis n°1 du Groupe central (3) préconise « un renforcement de la part d’autonomie et de responsabilisation des pouvoirs organisateurs, des associations de pouvoirs organisateurs et des établissements, sur la base d’un cadre mettant l’accent sur l’évaluation et les outils de pilotage, et réalisé par l’intermédiaire de la contractualisation ».

Les futurs contrats devront s’articuler autour d’« objectifs clairs, mesurables et communs à tous les établissements de la Fédération Wallonie-Bruxelles […] sur lesquels tous les partenaires se sont mis d’accord [et] assortis d’indicateurs, formellement définis et évalués par l’autorité publique de régulation ».

Et l’Avis de conclure à ce sujet que « c’est au final à un réexamen approfondi des relations entre l’autorité publique et les opérateurs qu’il convient de s’atteler ».

Selon la chercheure Caroline Letor, cette gouvernance débouchera sur des actions ayant un impact concret sur les plans local, intermédiaire et global du système éducatif (lire « Le plan de pilotage décloisonne » en page 17).

Les grands principes du pilotage

Les modalités de ce pilotage ont été formalisées dans un décret portant sur diverses mesures du 4 février 2016 et dans un décret Cadre du pilotage du 13 septembre 2018 (4) : elles modifient le décret Missions.

Le second détermine sept objectifs d’amélioration à atteindre par l’ensemble du système éducatif (lire « 7 objectifs » en page 15). Pour chacun, il fixe un/des indicateur(s) et des valeurs de référence. Ainsi, pour l’objectif consistant à augmenter la part des jeunes de 20 à 24 ans diplômés du secondaire supérieur, qui est de 79% actuellement, la valeur de référence est d’atteindre 85 % en 2030, l’objectif fixé au niveau européen. Le Gouvernement évaluera chaque année la situation au regard de ces objectifs d’amélioration.

Les plans de pilotage élaborés dans 903 premiers établissements s’inscrivent dans cette logique de pilotage par objectifs (lire en pages 18 à 27).

Soutien et accompagnement

Pour accompagner les écoles dans le nouveau processus, les réseaux ont pu recruter des conseillers pédagogiques supplémentaires pendant trois années scolaires (un maximum de 80 pour 2017-2018). Par ailleurs, des formations et des outils ont été proposés en réseaux, par les Services ou Cellules de conseil et de soutien pédagogique, et en inter-réseaux, par l’Institut de la Formation en cours de Carrière (IFC). Cet encadrement accompagnera aussi les écoles qui établiront leur plan de pilotage en 2019-2020 et 2020-2021 (lire notre infographie sur « Les étapes du plan de pilotage »).

À partir du 1er janvier 2019, les 903 écoles de cette « première vague » mettront la dernière main aux plans de pilotage via l’application informatique Pilotage. Développée par l’Administration, elle permet aux directions de consigner leur plan puis, avec leurs équipes pédagogiques et éducatives – et leur CPMS le cas échéant – avant son approbation par le Pouvoir organisateur (PO).

L’application permettra aussi aux directions, aux PO et aux équipes de suivre l’évolution de leur contrat d’objectifs (nom donné au plan de pilotage dès qu’il a été approuvé et signe). Depuis septembre, l’IFC propose des formations à cet outil de planification.

Les étapes de l’élaboration
d’un plan de pilotage

Depuis septembre également (et c’est le schéma que suivront aussi les écoles impliquées dans les deuxième et troisième « vagues »), les équipes établissent un diagnostic collectif de l’établissement, reprenant ses forces et ses faiblesses par rapport aux objectifs d’amélioration, ainsi que leurs causes.

Ce diagnostic s’appuie sur une liste d’indicateurs propres à l’établissement, en regard de ceux d’établissements comparables. Ces chiffres sont transmis à la direction et au PO par l’Administration.

Indicateurs et diagnostic, confidentiels, sont exclusivement réservés à l’école, hormis les éléments nécessaires à la présentation du plan de pilotage au Conseil de participation. L’établissement peut utiliser des éléments supplémentaires pour établir son diagnostic.

En fonction de cette analyse, l’équipe pédagogique choisit les objectifs spécifiques (il est recommandé d’en définir trois à cinq) qu’elle se propose de poursuivre pour contribuer aux objectifs d’amélioration de l’ensemble du système éducatif. En regard de ses objectifs, elle définit des valeurs de référence chiffrées annuelles et pluriannuelles, elles aussi confidentielles.

Ensuite, l’équipe établit des stratégies/plan d’actions à mettre en œuvre pour atteindre ses objectifs : nouvelles initiatives ou actions à poursuivre dans quinze thématiques telles que l’accrochage scolaire, l’orientation, les aménagements raisonnables, etc (5). L’établissement présente également ses modalités de travail collaboratif, son plan de formation et les modalités de mise en œuvre du tronc commun.

Le décret le précise : l’ensemble du plan est établi par la direction, en collaboration avec l’équipe pédagogique et éducative, et le cas échéant en concertation avec le CPMS et les représentants des parents. En fonction, bien évidemment, des réalités et des ressources de l’établissement. S’agissant d’un travail d’ensemble important, les établissements s’appuient sur l’aide d’un groupe intermédiaire constitué en leur sein (une équipe porteuse du dispositif de pilotage – lire « Des équipes porteuses, plus ou moins larges » en page 25).

Le contrat d’objectifs

Avant de devenir un « contrat d’objectifs », le plan de pilotage doit recueillir l’accord du PO, les avis des organes de concertation sociale et du Conseil de participation. Il doit ensuite passer par les délégués au contrat d’objectifs (DCO)l et les directeurs de zone (DZ).

Les DCO (sous la supervision des DZ) analysent l’adéquation du plan de pilotage au regard de la situation de l’école et des objectifs d’amélioration, et sa conformité avec le décret. Si le plan de pilotage est conforme aux objectifs et au décret, il est signé par le DZ et le représentant du PO, contresigné par le DCO et la direction, et devient contrat d’objectifs. si le DCO relève des erreurs d’appréciation, il fait part de ses recommandations motivées pour une adaptation du plan. L’établissement dispose alors de 40 jours scolaires pour déposer un plan de pilotage adapté et le DCO de 21 jours calendrier pour l’analyser et le contresigner.

Le travail d’analyse par le DCO d’un plan de pilotage s’effectue dans un cadre de dialogue constructif et de négociation. C’est seulement dans le cas de deux analyses négatives successives que le décret prévoit la mise de l’établissement concerné sous encadrement (processus dit de « suivi rapproché »).

Chaque année, l’établissement évalue en interne, collectivement, la réalisation de son contrat d’objectifs afin d’introduire d’éventuelles actions correctives. Cette autoévaluation ne doit pas être communiquée au DCO, ce qui n’empêche toutefois pas un dialogue régulier entre la direction et le DCO. Celui-ci fait une évaluation intermédiaire après trois ans, et définitive au terme des six ans du contrat – toujours en dialogue avec l’école.

En réponse à l’évaluation intermédiaire et à l’examen des résultats, une modification des objectifs spécifiques peut être envisagée. En effet, le contrat d’objectifs n’impose pas aux établissements une obligation de résultats, mais bien une obligation de moyens.

Un préalable important

Même si le travail a déjà été entamé sur le terrain, on précisera que l’application du décret « Cadre de Pilotage » suppose l’adoption de deux autres textes : l’un doit définir la charge du travail enseignant (pour y introduire le travail collaboratif) et l’autre sépare les rôles de pouvoir régulateur et de pouvoir organisateur (du réseau W-B E) joués actuellement par la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Quoi qu’il en soit, les écoles ne relégueront certainement pas leur travail aux oubliettes. À l’Athénée de Nivelles, par exemple, les membres du groupe porteur l’affirment : « On n’a pas fait tout ce travail pour améliorer notre école pour rien. On l’appliquera, quoi qu’il en soit… »

Monica GLINEUR

(1) Les indicateurs permettant aux établissements d’enseignement spécialisé d’entrer dans la dynamique « plan de pilotage » étant en cours de finalisation, la rédaction n’a pas eu l’occasion d’y suivre le processus.
(2) Lire notamment notre dossier paru en mars 2017 (« Pacte pour un enseignement d'excellence », n° 33) http://www.enseignement.be/index.php?page=27203&id=2054,
nos articles parus
en mars 2016 (« Un plan de pilotage par établissement », n°29)
http://www.enseignement.be/index.php?page=27203&id=1386,
en septembre 2016 (« Pacte pour un enseignement d'excellence. Des décisions cet automne et un enjeu: susciter l'adhésion », n° 31)
http://www.enseignement.be/index.php?page=27203&id=1895,
en septembre 2017 (« Fondamental : l’aide aux directionss’accompagne du plan de pilotage », n° 35)
http://www.enseignement.be/index.php?page=27203&id=2191,
en juin 2018 (« Pacte : des avancées dans des dossiers-clés », n° 38)
http://www.enseignement.be/index.php?page=27203&id=2446.
(3) Synthèse des travaux de la première phase du Pacte, 1er juillet 2015, pp. 42-55,
http://www.pactedexcellence.be/index.php/documents-officiels (> documents de la 1re phase).
(4) http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_01.php?ncda=42156&referant=l01
et http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_00.php?ncda=45594&referant=l00
(5) L’énumération des quinze thématiques est à lire à l’article 15, §4, 7 du décret.
http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_00.php?ncda=45594&referant=l00

Les étapes du plan de pilotage

Septembre 2017

• Choix d’un 1er groupe d’écoles qui réalisent leur plan de pilotage

De septembre 2017 à septembre 2018
Préparation

• Formation de la direction

• Mise en place et formation de l’équipe porteuse

• Information du personnel

• Travaux de recherches : questionnaires…

De septembre 2018 à avril 2019
Plan de pilotage

• Travaux collectifs en journées pédagogiques

• Diagnostic sur base d’indicateurs et des résultats de l’enquête « miroir »

• Définition des objectifs spécifiques et des stratégies/actions pour y parvenir

• Formation de membres de l’équipe porteuse au suivi du plan via l’application Pilotage

D’avril 2019 à juin 2019
Contrat d’objectifs

• Analyse du plan de pilotage par le Délégué au contrat d’objectifs (DCO)

• Le Contrat d’objectifs est signé par le Directeur de zone et le représentant du PO et contresigné par le DCO et le directeur

De septembre 2019 à juin 2019
Mise en oeuvre

• À partir du 1er septembre 2019 si le plan a été signé fin juin 2019

• À partir du 1er janvier 2020 si le plan a été adapté et signé fin octobre 2019

N.B. 2e et 3e phases

• Les écoles devraient savoir début 2019 si elles sont dans la 2e ou la 3e vague. Le décret « Cadre de pilotage » (1) prévoit que les écoles de la 2e vague pourront encoder leur plan à partir du 1er septembre 2019 et devront le transmettre au DCO

(1) http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_00.php?ncda=45594&referant=l00

7 objectifs

Les contrats d’objectifs doivent permettre d’atteindre sept objectifs d’amélioration de notre système éducatif, fixés par le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

1. Améliorer significativement les savoirs et les compétences des élèves.

2. Augmenter la part des jeunes diplômés du secondaire supérieur.

3. Réduire les différences entre les résultats des élèves les plus et les moins favorisés d’un point de vue socio-économique.

4. Réduire progressivement redoublement et décrochage.

5. Réduire les changements d’école au sein du tronc commun.

6. Augmenter progressivement l’inclusion des élèves à besoins spécifiques dans l’ordinaire.

7. Accroitre les indices du bien-être à l’école et l’amélioration du climat scolaire.

DCO & DZ : premiers recrutements

On l’a lu dans les pages précédentes : en vertu de la nouvelle gouvernance de notre système éducatif, voulue par le Pacte pour un Enseignement d’excellence, les plans de pilotage élaborés au sein des établissements scolaires par les équipes éducatives sont amenés à devenir des contrats d’objectifs.

Cette contractualisation nécessite la création de deux nouvelles fonctions au sein de l’Administration générale de l’Enseignement : les Directeurs de zone (DZ) et les Délégués au contrat d’objectifs (DCO), rattachés à un nouveau Service général de pilotage des écoles et centres PMS créé par décret (http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_01.php?ncda=45593&referant=l02&bck_ncda=45593&bck_referant=l00).

À terme, ils seront 9 DZ et 88 DCO, mais dans un premier temps, il est procédé au recrutement de 4 DZ et de 53 DCO. Les appels publics à candidatures ont eu lieu fin novembre.

Outre la candidature, l’épreuve d’admission au stage (de deux ans) dans ces emplois de fonctions de promotion comprend une épreuve écrite (prévue le samedi 15 décembre 2018), une épreuve orale et deux formations.

Les premiers DCO et DZ devraient analyser les plans de pilotage « de la première vague » de fin avril à fin juin. Plus d’infos sur ces nouvelles fonctions via http://www.gallilex.cfwb.be/fr/leg_res_01.php?ncda=45593&referant=l02&bck_ncda=45593&bck_referant=l00.

D. C.

Le plan de pilotage décloisonne

Chercheure, Caroline Letor s’intéresse en particulier au travail collaboratif et aux organisations apprenantes. Selon elle, le plan de pilotage peut avoir un impact positif, de l’école au système scolaire, à certaines conditions.

© PROF/FWB

PROF : Quelles circonstances ont amené le plan de pilotage ?
Caroline Letor :
Depuis le décret Missions (1997), le système scolaire vise à réformer les pratiques et les mentalités dont celles qui contribuent aux inégalités scolaires. Mais cette régulation vient d’en haut et reste « light », sans orientation claire ni évaluation des actions.

Les enseignants adhèrent aux principes de ces réformes. Mais jugent leur mise en pratique difficile par manque de ressources. Aussi n’ont-elles pas donné les changements attendus.

C’est d’abord lié au cadre délimitant le travail de l’enseignant. Le travail collaboratif n’y apparait pas, sauf dans le fondamental. À part les tuyaux de chauffage, rien ne relie les classes. Dans les écoles, seuls ou en équipe, les enseignants innovent beaucoup mais l’impact reste local. Chacun agit dans son aquarium avec peu de vision globale.

Au-delà des aspects administratifs, le plan de pilotage mobilise des logiques professionnelle et collaborative. Il vise des résultats réformants, à l’aide d’outils de régulation et d’accompagnement (formation, conseil pédagogique...). Le défi est de créer une dynamique participative locale et de coordonner les acteurs intermédiaires pour faire bouger le système global.

À quelles conditions ?
Tout d’abord que les acteurs s’en approprient. Pour cela, il faut remettre de la confiance dans le système éducatif. C’est possible en développant un sentiment de compétence des équipes et un soutien institutionnel dans les écoles. Tout dépend de la légitimité et de la fiabilité à long terme des acteurs : collègues, direction, PO, DCO/DZ, inspection, conseillers, administration, ministre...

Un côté du plan de pilotage fait peur : l’évaluation par les pairs. Or, elle est déjà omniprésente, de façon implicite. Ici, les règles du jeu sont explicites. Cela devrait plutôt réengager la confiance. Attention, à Chicago (USA) et en Angleterre, les équipes sont soumises à une évaluation forte et à des sanctions directes. Le risque humain de déprofessionnaliser est important. Évaluer, c’est avant tout faire le point pour ajuster les actions et les valoriser.

Partir d’indicateurs objectivables pour aboutir à une planification d’actions concrètes pour l’école ne se réduit pas à remplir des formulaires ni à appliquer des recettes. Un système canadien de gouvernance du même type a abouti à l’appel à des consultants privés qui contournent les services scolaires. Le risque ? La perte de sens.

Enfin, il faut l’adhésion des enseignants. Ils sont très sensibles à ce qui marche et ce qui est bon pour l’élève. Moins au côté institutionnel. Ainsi, ils adhèrent peut-être plus au plan de pilotage qu’au Pacte.

Propos recueillis par
Patrick DELMÉE