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Magazine PROF n°5

 

L'info 

« Pour l’alternance, il faut être plus motivé qu’ailleurs »

Article publié le 01 / 03 / 2010.

Nous ouvrons une série de reportages sur des formes moins classiques d’enseignement, ou des lieux périphériques à l’école. On commence par l’enseignement en alternance…

Dans le hall du Céfa de Court-Saint-Étienne, des grappes de jeunes discutent, GSM en main. Pas d’éclats de voix, pas de cour de récré. Une maman attend son heure avec son grand ado. Hier encore, un jeune a débarqué. Au Céfa, on s’inscrit toute l’année…

Cours, ateliers, travail : l’alternance impose d’avoir une vue globale de ses élèves.
Cours, ateliers, travail : l’alternance impose d’avoir une vue globale de ses élèves.
© PROF/FWB

« Le plus souvent, on nous demande d’abord quelques informations par téléphone », explique Fabienne Tinant, coordinatrice depuis deux ans d’un Céfa ouvert il y a plus de vingt ans. « On propose un premier entretien. Si le jeune sait où s’orienter, il voit le chef d’atelier et l’accompagnateur qui fait le lien entre formation générale et patrons ». Contrairement à une idée reçue, « les jeunes qui nous contactent ne sont pas toujours en rupture »,ajoute Annie Fourmeaux, responsable de la section horeca. Même si, pour pas mal d’entre eux, « nous devons faire un travail de réparation. Ils ont vécu une orientation par défaut et ont perdu confiance en eux ».

Des cours, des ateliers et un contrat de travail

Commence alors un plan d’admission. « Pendant 15 jours, il va prendre la mesure de ce qu’est l’alternance : des cours, des ateliers, et un contrat en entreprise. Pour l’alternance, il faut être plus motivé qu’ailleurs », tranche Mme Tinant. « Le jeune qui arrive peut très bien se rendre compte de la difficulté à concilier les exigences du travail et de l’école, continue sa collègue. Un Céfa tourne 365 jours sur 365 ! Les jeunes peuvent être au travail pendant que leurs copains sont en congé… »

Beaucoup abandonnent. Surtout au 2e degré : un jeune sur quatre ou cinq, contre un sur vingt en 5, 6 ou 7e. Ils concernent surtout des jeunes atteignant 18 ans. « Certains croient que l’alternance, c’est deux jours d’école et puis c’est tout… » Alain Moreaux, responsable de la section menuiserie, confirme : « Sur vingt jeunes entrant au 2e degré, une quinzaine sortent, aptes à travailler. On leur a mis un pied dans le monde du travail et ils sont prêts à mettre le deuxième ».

Un regard global sur les jeunes

Parfois vue comme solution pour des jeunes qui « ne tiennent pas en place », l’alternance cumule en réalité les contraintes de l’école et du boulot ! À Court, l’équipe a créé un service social. « Quand un jeune est absent, on va parfois carrément le chercher chez lui. Le responsable de la section est averti, et téléphone directement au jeune. Le cas échéant, le service social est appelé à intervenir ». Ici, le jeune est vu dans sa globalité, ce qui implique aussi de la disponibilité, week-ends et congés compris.

Au secrétariat, Marc Van Brabant insiste sur la valorisation des jeunes. « Si on veut cataloguer, on a deux grands groupes : des jeunes au parcours scolaire relativement ordinaire, et une majorité ayant un trajet chaotique et une situation sociale difficile. Toute personne travaillant ici recadrera forcément son travail dans cet axe… »

Le regard global s’impose par la double réalité de l’alternance : un pied dans l’enseignement, l’autre dans le monde du travail. Sur le plan administratif, l’alternance est soumise aux mêmes règles que le plein exercice, même si les réalités diffèrent. Inscriptions ou qualifications, par exemple, ont lieu toute l’année. L’équipe administrative doit aussi jongler avec la législation sociale : allocations familiales, chômage, conventions ou contrats de travail, aides à l’emploi, conventions sectorielles... « Même si le travail est partagé entre collègues du secrétariat et avec les responsables des sections, nous sommes tenus de travailler en cohérence ». Avec, en point de mire, l’autonomie : « Quand on démarche, c’est presque un boulot de secrétariat social. On fait le maximum pour informer les jeunes et leurs familles, mais ils restent responsables de leurs décisions… »

Didier CATTEAU

À chacun sa route

Arrivé en janvier, Jonathan, 18 ans et CESS en poche, veut décrocher sa qualification en menuiserie dans deux ans, pour reprendre l’entreprise familiale. Après ses secondaires en option commerciale, il a testé le marketing en haute école. Un vrai choix : « Je voulais trouver une bonne place en tant que cadre. Je me suis rendu compte qu’être en col et manchettes toute ma vie, ce n’est pas mon style, et que rester des journées entières à écouter et à écrire n’était pas dans mon caractère… » Au CEFA, même s’il ne doit plus suivre les cours généraux, il vient « rattraper des choses que je n’ai pas apprises en secondaire… » Vous avez dit école de la dernière chance ?

Gilles, 19 ans, refait sa 5e menuiserie en alternance. Il avait déjà redoublé sa 4e, quittant Bruxelles pour Namur et une section artistique pour la menuiserie, en plein exercice. Avec le patron, ça roule, même si parfois il lui demande de « passer la 2e vitesse… ». Mais il regrette souvent de quitter la petite équipe le mercredi soir pour venir aux cours jeudi et vendredi. Conscient d’un parcours déjà un peu tortueux, Gilles est aujourd’hui très décidé : ce sera la 7e l’an prochain, pour décrocher le CESS et avoir cette corde à son arc « si je sens que ça ne va plus… »

D. C.

On donne surtout gout au métier

« Je leur dis toujours que ma plus grosse bêtise est d’avoir arrêté ma 7e avant le CESS », lâche Ludovic Jaumotte, professeur de pratique professionnelle depuis 2003. L’entreprise où il effectuait ses stages de 7e recrutait… Onze ans plus tard, le CEFA l’a approché. « On ne trouvait personne », embraie son collègue Marc Demeester, pointant le manque à gagner pour un ouvrier qualifié devenant enseignant, sans ancienneté.

« Il y avait des perspectives d’avenir, et la qualité de vie est importante quand on vient d’un secteur où on a vingt jours de congés annuels et où on travaille six jours sur sept », argumente M. Jaumotte. Pour autant, le passage ne s’est pas fait sans craintes. « Je pensais que les gens pleuraient pour venir dans l’enseignement. Quand j’ai su qu’ils ne trouvaient personne, je me suis dit que c’était peut-être à cause du type d’élèves… » La réalité le démentira vite. Il craignait aussi de ne pas être à la hauteur ! « La première chose que j’ai faite, c’est acheter un Petit Larousse. Moi, à l’école, mon but n’était pas de devenir écrivain, alors l’orthographe… Et si j’étais bon en escaliers, je ne connaissais rien en châssis ! »

Aujourd’hui, Ludovic Jaumotte ne voudrait pas enseigner ailleurs. « On donne cours, oui, mais on donne surtout gout au métier ». Même à des jeunes qui n’en veulent pas ? « C’est notre job d’essayer de leur y faire prendre gout… »

« Il a fallu refaire tous les cours »

Anne Lefèbvre, elle, enseigne le français. Elle a vécu les débuts du CEFA stéphanois, puis son « alignement » sur l’enseignement ordinaire. « Ensemble, on a construit un cours basé sur le programme officiel du temps plein, et sur les compétences à atteindre. Puis on a tremblé en attendant l’inspection… »

« Ici, on travaille en équipe. Je ne suis jamais toute seule à me demander si le cours est bon. L’inspection a validé le niveau, et on essaie de maintenir le cap, ensemble. Nous sommes cinq à construire le cours. C’est logique, par rapport aux compétences : en 5e, on leur demande de rechercher un document, en 6e d’élaborer une fiche-document, et en 7e d’établir un plan. Cette cohésion d’équipe nous permet de travailler dans la cohérence… »

L’atout de l’enseignant en alternance ? Sa souplesse. « En 7e, j’ai des soudeurs et des menuisiers. Leur travail de fin d’étude est lié à leur secteur ». Souplesse surtout dans le rythme. « On travaille par modules, puisque les jeunes peuvent arriver n’importe quand dans l’année. Vous pouvez avoir un élève qui arrive en 5e travaux de bureau sans connaitre le clavier. Le prof lui donne cours de clavier pendant qu’il explique Excel à un autre parce que son patron le lui a demandé, et Word à un troisième élève ! »

« Ce n'est pas un truc classique »

S’ajoute la disponibilité, surtout quand on est responsable de section. Mais la fierté aussi de « voir les jeunes tout au long de leur formation, de les voir évoluer », complète Alain Moreaux, responsable des menuisiers. « L’alternance, ce n’est vraiment pas un truc classique… », conclut Mme Lefèbvre, songeuse…

D. C.

Pour en savoir plus sur l’alternance : http://www.enseignement.be/index.php?page=23820&navi=1619

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