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Magazine PROF n°48

 

 

Enseigner en période de coronavirus. Innover peu pour innover bien.

Article publié le 03 / 12 / 2020.

Daniel Faulx, professeur à l’Université de Liège (Faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’Éducation), plaide pour des innovations pédagogiques limitées, dans le contexte incertain de cette fin 2020, avant une réflexion plus profonde lorsqu’un climat plus propice sera revenu.

À l’aube d’une éventuelle nouvelle fermeture des écoles - fut-elle partielle - et du code orange décrété pour l’enseignement supérieur (NDLR: ce texte a été écrit en octobre 2020), se pose à nouveau la question des innovations pédagogiques à promouvoir dans l’enseignement. 

Comment faire en sorte qu’elles soutiennent les enseignants plutôt que les mettre davantage en difficulté dans cette période difficile ? Notre proposition : dans un premier temps, mettre en œuvre des innovations les plus limitées possibles, par la suite, des changements de plus grande ampleur.

Pourquoi  des innovations limitées aujourd’hui ?

Il est tentant de « profiter » de la situation actuelle pour appeler à de grands changements des pratiques pédagogiques. C’est pourtant à nos yeux une fausse bonne idée. En effet, pour bien innover et assumer les risques inhérents au changement, une personne ou un groupe social a besoin de sécurité et de stabilité.

Or, dans le contexte incertain et volatil actuel, les enseignants et les enseignantes se voient contraints de changer, d’adapter leurs pratiques, notamment par la mise à distance de leurs cours. Ajouter à cela des modifications de méthodologie ou des ajustements de contenu pourrait paradoxalement décourager les initiatives. Et finalement risquer de faire pire que bien.

En effet, dans le contexte de bouleversement que nous connaissons aujourd’hui, notre conviction est qu’il faut ne pas (trop) changer. Au contraire, l’idée, en tant qu’ enseignant(e), est de proposer à distance justement ce que l’on savait déjà bien faire en présence. Persister là où on se sent le plus à l’aise et ainsi cultiver ses zones d’excellence pédagogique. Le fait même de devoir organiser son enseignement à distance sera un défi déjà suffisant. 

C’est pourquoi, du côté des cadres de l’enseignement (formateurs, inspecteurs, directions, conseillers pédagogiques, pédagogues, pouvoir politique), il s’agira de soutenir les enseignants dans tout ce qui fait leur talent singulier. Ainsi, pour celui ou celle qui adore faire des exposés captivants, qu’on l’encourage à poursuivre dans cette voie en cherchant des manières d’exercer cette compétence à travers un écran.

À celle ou celui qui préfère animer des débats collectifs, lui permettre d’exploiter l’interactivité des plateformes pour déployer les échanges. À celui ou celle qui active son génie en construisant des tâches stimulantes pour les apprenants, l’aider à imaginer des tâches créatives à réaliser à domicile. À l’enseignant et l’enseignante qui ont l’art de dénicher des supports originaux pour leurs cours, voir comment les proposer pour un visionnage et une exploitation à domicile.

En rappelant à l’occasion cet élément fondamental : l’enseignement n’est pas seulement un lieu de transmission, les enjeux de l’École ne sont pas uniquement liés à l’apprentissage des matières. Même à distance, les enseignant(e)s agissent aussi pour la socialisation, le développement de l’identité, la réflexion sur soi des élèves. Soutenons et cultivons tout ce qui fait l’École. 

Et demain ?

Lorsqu’un climat plus propice sera revenu, il faudra réfléchir aux évolutions plus profondes de l'École que l’on souhaite voir advenir dans le futur. Car évidemment, la majorité des enseignants et enseignantes convient du besoin de faire évoluer le mode d’organisation scolaire actuel. J’en retiendrai deux ici.

La première se tourne vers un enseignement davantage ouvert aux différences, grâce à des pratiques pédagogiques diversifiées et qui ne favorisent pas systématiquement les mêmes élèves.

La seconde concerne un enseignement plus en prise avec le monde de demain et qui prépare davantage à la résilience. Cela peut s’envisager en répondant à la question suivante : quels savoirs, quelles compétences sociales et manuelles, quelles attitudes développer en anticipant la société complexe et instable de demain ? Ou comment préparer à présent au monde du futur, à ses défis culturels, économiques, sociaux, psychologiques, écologiques. 

Mais ça, c’est pour demain. Cela nécessitera débat, contradiction, discussion, inventivité, créativité, audace intellectuelle, prise de risque… autant de dynamiques qui ne pourront avoir lieu que dans un contexte plus stable.

Pérenniser les premières adaptations vécues, celles qui auront été stimulées par la crise sanitaire, sera le début du chemin. Comme le dit Lao-Tseu, un voyage de mille kilomètres commence toujours par un premier pas.

Les petites innovations sont poussées par les circonstances. C’est pour aujourd’hui. Les grands changements sont tirés par l’idéal. C’est pour après. 


 

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