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Magazine PROF n°58

 

Dossier Les mutilations génitales féminines

Halimata Fofana : "J'ai sur le corps la trace de l'ignorance"

Article publié le 16 / 06 / 2023.

Réalisatrice et autrice engagée, Halimata Fofana est la marraine de la campagne nationale de prévention de l’excision avant les départs en vacances.

Alors qu’une semaine marathon dans notre petit pays l’attend, Halimata Fofana nous accueille chaleureusement dans les bureaux du GAMS (lire Mutilations génitales féminines, mariages forcés : informer, détecter sans stigmatiser ). Pendant une semaine, elle va rencontrer des politiques, des journalistes, des personnels de la santé, de la petite enfance, de l’éducation et des élèves.

Une semaine où elle parlera de son dernier livre À l’ombre de la cité Rimbaud et où elle reviendra encore et encore sur l’excision qu’elle et d’autres milliers de petites filles et femmes subissent chaque année à travers le monde. Un rôle de marraine qu’elle prend à bras le cœur. Le combat d’une vie.

La rédaction de PROF l’a rencontrée. Nous aurions pu ne traiter que de l’excision, mais ce serait négliger la richesse de son dernier roman… Car s’il traite de l’excision, il traite surtout de l’instruction, de l’école et des difficultés à enseigner aujourd’hui.

« Le savoir, la connaissance c’est la liberté. »

Il soulève toute une série de réalités actuelles auxquelles les enseignants sont confrontés au quotidien comme l’institution scolaire qui ne fait pas sens pour certaines familles. Le poids de la communauté au sein de la cité. L’obligation de faire comme les autres au nom des traditions culturelles, du poids de la religion, le repli identitaire, la vie des filles dans les cités.

Quand on lui demande comment elle est sortie d’un destin tout tracé par la communauté et comment elle a pu se construire son identité sans renier ses racines, Halimata répond : « L’instruction est ce qui m’a permis d’être libre. L’école est le lieu où j’ai fait des rencontres essentielles. Des profs qui croyaient en moi, en nous. Qui avaient de l’ambition pour nous. »

« Ce qui m’a sauvée c’est que j’ai compris très tôt, dès la maternelle, que le moyen de sortir de ce carcan c’était l’école. J’aimais lire et lorsque j’ai découvert la bibliothèque municipale, j’ai découvert le monde. J’avais une prof de français qui a mis une petite graine en moi qui a pu se développer. »

« L’école c’est aussi ce qui m’a ouvert à la beauté. Le beau cela s’apprend. Et dans les cités, on ne peut pas dire que le beau nous entoure. Le beau c’est ce qui extrait du quotidien. Ce sont des enseignants qui m’ont appris le beau. Le savoir, la connaissance c’est la liberté. Je me souviens des métaphores que ma prof de français, nous disait : Vous imaginez que vous êtes un chien, vous avez une laisse autour de vous et vous êtes accroché à un arbre. Plus votre savoir s'accroit et plus vous gagnez de la liberté. »

« En fait, j’ai sur le corps la trace de l’ignorance. Et le but de ma vie est d’aller vers la lumière du savoir. D’ailleurs, quand les femmes ont été à l’école, qu’elles savent lire, écrire, penser, l’excision recule. »

La question du rôle des enseignants dans la prévention de ces violences que sont les mariages forcés, les mutilations viennent spontanément. Comment peuvent agir les enseignants ? « En fait, pour beaucoup d’enseignants, ils ne pensent même pas qu’il soit possible qu’ils aient devant eux des filles qui ont subi ces mutilations. On pense toujours que c’est loin. Alors que cela arrive à des petites filles qui sont de nationalités belge, française, canadienne. Ce n’est pas un problème d’ailleurs, c’est un problème d’ici que les politiques doivent prendre à bras le corps. »

« Les enseignants savent que des jeunes filles partent en vacances pour ne pas revenir. Pour être mariées de force, d’autres pour subir des mutilations. Mais comme c’est loin, on fait comme si cela n’existait pas. Puis, il est faux de croire que cela ne se passe qu’à des milliers de kilomètres. Cela se passe dans nos cités, nos immeubles, chez nous. »

« Un conseil que je donnerais aux enseignants est de casser l’univers clos des mamans, de ne pas fermer les yeux. De voir quand il y a un enfant qui change d’attitude, de se dire Partir pour 15 jours au Mali, sans les parents, en pleine année scolaire, ce n’est pas normal. Il faut casser le tabou et briser le silence. En mettant des mots sur les choses, on fait déjà beaucoup. »

À l’ombre de la cité Rimbaud est un roman permettant justement de briser le silence, d’ouvrir le débat avec vos élèves, accessible dès la deuxième secondaire. Nous aurions pu encore échanger pendant des heures tant il y a à dire. Quand on lit Halimata Fofana, qu’on regarde son documentaire, qu’on écoute ses interventions, trois mots viennent à l’esprit : force, sagesse et beauté.

Propos recueillis par Hedwige D’HOINE

FOFANA H., Mariama, l’écorchée vive, éditions Karthala 2015

FOFANA H., A l’ombre de la cité Rimbaud, éditions du Rocher 2022

Documentaire, A nos corps excisés, Réalisé par Anne Richard - Écrit par Halimata Fofana, Anne Richard France - 2022 - 57 minutes

Campagne nationale d'information et de prévention

C’est dans ce contexte de veille des départs en vacances que cette campagne nationale d’information et de prévention des mutilations génitales est organisée car c’est la période la plus à risque. Des filles nées en Belgique peuvent être excisées lors d’un séjour dans leur famille au pays d’origine. Cela peut se faire l’insu des parents, une grand-mère ou une tante peut prendre l’initiative de le faire sans demander l’autorisation aux parents.

Cette campagne a pour objectifs la mise en lumière de cette réalité en augmentation en Belgique, l’information aux familles, aux filles et aux garçons tant sur les aspects légaux que sur les conséquences de ces mutilations, sur les lieux où elles peuvent trouver soutien, écoute, conseils, voire une réparation chirurgicale.

Elle a aussi pour objectif d’informer toutes celles et ceux qui sont confrontés à ces réalités comme les associations accueillant les familles de migrants, les médecins, les personnels de la protection de jeunesse, les responsables ONE et Opgroeien au sein de leurs consultations, les membres des personnels de l’enseignement, les spécialistes en animations EVRAS…

Depuis 2001, les mutilations sexuelles féminines font l’objet d’une incrimination spécifique en droit belge.

L’article 409 du Code pénal (entré en vigueur le 27 mars 2001) prévoit une peine de 3 à 5 ans de prison pour « quiconque aura pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d’une personne de sexe féminin, ou tenté de le faire, avec ou sans consentement de celle-ci. La tentative sera punie d’un emprisonnement de huit jours à un an.  (…)».

De nombreux pays répriment et interdisent les MGF tant en Europe qu’en Afrique et ont ratifié différentes conventions internationales.

 

 

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