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Magazine PROF n°8

 

Dossier De bonnes bases avant de choisir

Des racines et des fruits

Article publié le 01 / 12 / 2010.

Mener un maximum d’élèves aux compétences de base, les orienter de façon positive : voilà les objectifs de la dernière réforme du premier degré du secondaire. Loin d’être un météore apparu dans le ciel de l’enseignement, c’est le fruit d’un déjà long cheminement.

La sociologue de l’éducation Anne Van Haecht, professeure à l’ULB, l’a montré : l’histoire de l’enseignement en Belgique est jalonnée, depuis la fin du 19e siècle, de réformes destinées à le démocratiser en unifiant les filières (1).

L’accent est mis sur l’orientation positive, par le conseil de classe.
L’accent est mis sur l’orientation positive, par le conseil de classe.
© PROF/FWB/Olivier Stourme

Un temps fort : en 1971, une loi révolutionne l’organisation de l’enseignement secondaire, qui jusqu’alors était divisé en deux degrés, inférieur et supérieur. Les élèves étaient orientés après les primaires vers des sections générales, techniques ou professionnelles. Dès 1971, l’enseignement rénové s’organise en trois degrés de deux ans (2) : un premier degré d’observation permettant de faciliter l’orientation au deuxième degré, et enfin un troisième degré de détermination. Une circulaire (3) prévoit déjà que, sauf cas exceptionnel, tous les élèves passent de première en deuxième secondaire.

Une réforme dans l’air du temps, même si elle suscita des débats enflammés : il s’agissait, pour viser l’égalité des chances, de repousser de deux ans l’orientation dans une filière. Cela s’accompagne notamment de rattrapages pour apporter une aide spécifique à certains élèves, et de passerelles entre les filières.

De l’égalité des chances…

Ce rénové qui porte les germes de la réforme actuelle offre un bilan en demi-teintes. Il draine davantage d’élèves vers l’enseignement général, mais la démocratisation se révèle plus « quantitative » que « qualitative ». La réussite scolaire est inégale et les passerelles s’empruntent souvent en sens unique : du général vers le technique et le professionnel, notamment parce que dans l’autre sens, l’élève perd un an.

« Même dans ses visées initiales d’émancipation sociale, l’enseignement secondaire rénové n’a pas mis l’accent sur la nécessité de doter tous les citoyens d’un bagage commun de connaissances et de compétences, écrit Jacqueline Beckers, docteure en Sciences de l’Éducation et professeure à l’Université de Liège. La formation commune garantissait aux élèves les mêmes occasions d’apprendre ; mais le jeu des options, augmentant progressivement dans le cursus (dans certaines écoles, elles ont même été réintroduites dès la première), permettait des acquis très différents entre les  élèves » (4).

…à l’égalité des acquis

La volonté d’égalité des chances cède peu à peu la place à celle d’ égalité des acquis : donner des acquis de base à tous les élèves, mais en différenciant les temps et les moyens pédagogiques pour y arriver.

Le décret Missions, en 1997 (5), va également dans ce sens, organisant un continuum pédagogique allant de l’enseignement fondamental au premier degré secondaire en trois étapes et en cinq cycles. Il s’agit de faire acquérir à chaque élève, selon son rythme, les compétences requises à 14 ans. Cela suppose l’évaluation formative et des pratiques de différenciation des apprentissages. Le premier degré constitue la troisième étape, organisé en un cycle de deux ans. Après la 2e année, les élèves ayant besoin d’un délai supplémentaire et d’un accompagnement plus spécialisé peuvent bénéficier d’une année complémentaire, qui ne constitue pas un redoublement.

Cet accompagnement est jugé trop tardif, si bien qu’à partir de 2001 (6), l’année complémentaire peut s’effectuer soit après la première, soit après la deuxième année. Et un conseil de guidance est chargé d’évaluer la maîtrise des socles de compétences, de diagnostiquer les difficultés, de proposer des remédiations, d’élaborer et de suivre un plan individuel d’apprentissage des élèves orientés vers cette année complémentaire.

L’article 4 (5) du décret Missions évoquait déjà un « parcours pédagogique différencié » préfigurant le degré différencié qui ne verra le jour que dix ans plus tard.

Années communes, complémentaires ou différenciées

La dernière réforme, mise en œuvre depuis la rentrée 2008, s'inscrit dans cette évolution et dans l’objectif rappelé encore par le Contrat pour l’école, adopté en 2005 par le Gouvernement de la Communauté française (7) : amener tous les élèves au certificat d’études de base (CEB) d’ici 2013.

Deux décrets la balisent : l’un (8) modifie l’organisation du premier degré en y renforçant la formation commune (une heure de plus en français et en math) et en autorisant une à deux heures de remédiation supplémentaire en français, en math ou en langues. L’autre (9) organise la différenciation structurelle au sein du premier degré, qui, outre des années communes et si besoin complémentaires, compte désormais des années différenciées, qui accueillent les élèves arrivant en secondaire sans le CEB.

Cet enseignement, en tronc commun, n'est pas une exception : il existe, sous des formes diverses, notamment en Angleterre et dans plusieurs pays nordiques. Des enquêtes comparatives menées par l’association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire (IEA) et par l’OCDE (les différentes études PISA) l’ont montré : dans des systèmes optant pour une sélection précoce des élèves dans l’enseignement secondaire, on observe une plus grande dispersion des résultats, une variance plus élevée entre les écoles et une relation plus étroite entre l’origine socioéconomique des élèves et leurs performances. Inversément, des systèmes retardant l’orientation des élèves obtiennent des résultats meilleurs : un moindre pourcentage d’élèves en retard ou à rendement faible, une moins grande liaison entre l’école et l’origine socio-économique,…

Bien entendu, les choses sont plus complexes et il ne suffit pas d’importer un modèle « venu d’ailleurs », comme l’indiquent notamment Vincent Dupriez et Xavier Dumay, chercheurs au Groupe interfacultaire de recherche sur les systèmes d’éducation et de formation (Girsef) selon qui « un travail parallèle, mais autrement plus complexe » est nécessaire, qui consiste à « travailler avec l’ensemble des acteurs scolaires la signification d’un tel changement et la transformation des pratiques socio-pédagogiques qui doit l’accompagner » (10).

Le 1er degré secondaire doit permettre à un maximum d’élèves d’arriver à la maitrise des compétences 14 ans. Pas forcément tous en même temps.
Le 1er degré secondaire doit permettre à un maximum d’élèves d’arriver à la maitrise des compétences 14 ans. Pas forcément tous en même temps.
© PROF/FWB/Olivier Papegnies

Une réforme ambitieuse

Mener un maximum d’élèves aux compétences de base, orienter de façon positive… Objectif ambitieux qui suppose des remises en question. Notamment au premier degré secondaire, car sa nouvelle architecture diversifie les parcours des élèves. Des voix s’élèvent d’ailleurs contre sa complexité.

Outre les parcours à l’intérieur du degré, ses conditions d’accès ont changé par rapport à ce qui prévalait au temps des 1re accueil et 2e professionnelle. Les grilles-horaires et finalités des années communes sont claires et l’objectif premier du degré différencié est l’obtention du CEB (tout en visant aussi le CE1D). Par contre, comme on le lira ("En toute complémentarité"), c’est la souplesse qui caractérise les années complémentaires. Souplesse que les équipes éducatives peuvent investir, pour élaborer des projets et pratiques très diversifiés.

Par ailleurs, l’accent mis sur l’orientation positive a des impacts sur le travail du conseil de classe, auteur des rapports de compétences des élèves. C’est encore plus évident à propos des plans individuels d’apprentissage (PIA) que doivent mettre au point les conseils de guidance pour accompagner les élèves en difficultés. On lira par ailleurs comment les services de conseil pédagogique des réseaux ont réagi pour accompagner les équipes dans l’appropriation de ces PIA. Comme c’est le cas à Soignies où le lycée provincial en établit un pour chaque élève du degré.

La dernière réforme est trop récente pour qu’on puisse en tirer des conclusions définitives. Mais il y a des signes. Le taux de réussite des élèves de 1D au CEB est passé de 16,7 à 31,1%. Tout ça pour ça ?, diront ses détracteurs… Par ailleurs, des enseignants du différencié expriment leur difficulté à poursuivre en quelque sorte deux objectifs : la réussite au CEB puis, dans la foulée, l’acquisition des compétences 14 ans.

Il apparait également que les publics des degrés différenciés varient parfois très fort d’une école à l’autre, en fonction de l’environnement de chacune d’elles. Telle classe accueillera un grand nombre d’élèves issus du primaire spécialisé, telle autre sera peuplée d’élèves en difficultés scolaires uniquement, tandis qu’une troisième réunira une majorité d’élèves en rupture. Dans tous les cas, la question centrale, pour l’équipe, sera de gérer cette hétérogénéité.

« Une révolution copernicienne, résume Pierre Ercolini, qui en fut l’un des artisans, actuellement responsable du service des relations avec les écoles organisées par la Communauté française. « Pour la mener à bien, il faut que les directions, les inspecteurs, les conseillers pédagogiques endossent les habits de facilitateurs ». Et d’ajouter que « Cette réforme est une étape-clé avant d’autres chantiers en cours (comme la réforme du qualifiant) et à venir, comme l’élaboration des PIA dans les 2e et 3e degrés du secondaire, pour que l’évolution de l’élève soit prise en compte pendant toute la durée de l’enseignement obligatoire ».

Catherine MOREAU

(1) Van Haecht (A.), L’Enseignement rénové, de l’origine à l’éclipse, éd. de l’ULB, 1985.
(2) Loi du 19 juillet 1971. Consultable sur http://www.enseignement.be/index.php?page=25230
(3) Beckers (J.), Enseignants en Communauté française de Belgique. Bruxelles, éd. De Boeck, 2008, p.121.
(4) Décret Missions, consultable sur http://www.enseignement.be/index.php?page=25230
(5) La version initiale de l’article 4 §4 du décret Missions précise : « Afin de permettre un parcours pédagogique différencié et mieux adapté aux besoins de certains élèves, les deux premières années de l'enseignement secondaire peuvent également être organisées de manière différenciée ».
(6) Décret du 19 juillet 2001, consultable sur https://www.etaamb.be/fr/decret-du-19-juillet-2001_n2001029330.html
(7) Contrat pour l’école, consultable sur http://www.enseignement.be/index.php?page=23827&do_id=8087&do_check=
(8) Décret du 30/6/2006 consultable sur http://www.enseignement.be/index.php?page=25230
(9) Décret du 7 décembre 2007 consultable sur https://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/32760_000.pdf
(10) Dupriez V. et Dumay X., « L'égalité dans les systèmes scolaires : effet école ou effet société ? » dans Les Cahiers du GIRSEF, octobre 2004, n°31, consultable sur https://uclouvain.be/fr/chercher/girsef/les-cahiers-du-girsef.html