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Magazine PROF n°24

 

Coté psy 

Les fractions, un saut parfois périlleux

Article publié le 01 / 12 / 2014.

Pourquoi l’apprentissage des fractions et des nombres décimaux peut-il constituer une pierre d’achoppement dans le parcours scolaire des élèves ?

Deux tiers et trois quarts, cela fait cinq septièmes. Trois dixièmes, c’est plus grand que deux tiers… Caramba, c’est raté !

Pas simple, les fractions, morceau de choix des apprentissages mathématiques. Ne permettent-elles pas d’acquérir des procédures et des techniques de calcul ? Réduire au même dénominateur, simplifier, mettre un nombre décimal en écriture fractionnaire,… Mais aussi d’exprimer les sous-unités de mesure (un décilitre, c’est un dixième de litre), les pourcentages ou l’échelle d’une carte ?

Quels mécanismes mentaux, concepts, représentations, savoir-faire interviennent chez un élève qui apprend les fractions ? Et comment surmonter ou éviter les difficultés ? Voici quelques éléments de réponse à des questions complexes. Anne Defrance, mathématicienne, membre de l’Unité de recherche pour l’enseignement des maths (ULB), débute par un clin d’oeil.

« Chez les Sumériens, deux sacs de blé et deux moutons, cela ne s’écrivait pas de la même manière à l’origine. Il a fallu quelques siècles pour qu’ils mettent une même notation pour écrire ’2’ moutons ou ’2’ sacs. Autrement dit, pour passer de la notion de quantité au concept de nombre naturel. Nos élèves l’apprennent en quelques années, voire en quelques mois, puis on leur apprend ce qu’est une fraction ! » Un passage délicat qui peut amener des difficultés importantes et qui perdurent jusque dans le secondaire.

« L’enjeu, poursuit Mme Defrance, c’est d’amener l’enfant à comprendre que les rationnels sont une nouvelle sorte de nombres avec leurs propriétés ; que l’on peut comparer, additionner, soustraire, multiplier et diviser grâce à des règles spécifiques, différentes de celles des nombres naturels ».

Dans les années ‘90, le psychologue Stanislas Dehaene suggérait que le cerveau serait équipé de détecteurs numériques pour les nombres naturels et que les quantités numériques y auraient une forme de représentation (1). Les nombres rationnels, par contre, seraient tout à fait artificiels. Cela pourrait expliquer que le passage ne se fait pas toujours sans mal.

Un exemple : des élèves de quatrième ou de cinquième primaire doivent agrandir un puzzle constitué de formes géométriques disposées dans un carré de 11 cm de côté. Le puzzle agrandi devra contenir les mêmes formes mais le côté de l’une d’elles devra mesurer 7 cm au lieu de 4. La plupart des élèves vont ajouter 3 cm à chaque mesure avant de se rendre compte que les contours ne se raccordent plus et qu’ils ne peuvent plus reproduire les mêmes formes. Ils comprendront progressivement qu’il faut respecter une proportionnalité, dimension caractéristique du monde des fractions (2).

Une partie d’un tout

Une autre difficulté, c’est que l’élève considère naturellement une fraction comme une partie d’un tout. Il y associe – quoi d’étonnant ? – la collation partagée de manière équitable ou la tarte d’anniversaire divisée en parts égales. Cela peut aboutir à une vision réductrice : une fraction, c’est toujours une partie plus petite que l’unité. Cette conception-là peut l’empêcher de développer d’autres interprétations des fractions et de se les représenter comme des nombres (comment pourrait-on multiplier une partie par une partie ?).

© PROF/FWB

Pour aider les élèves, il semble donc important de montrer qu’une unité peut être un objet entier ou une collection ; qu’elle peut être une partie d’objet qui est ensuite partagée ; qu’elle peut être reconstruite à partir des différentes parties. Le mathématicien Nicolas Rouche proposait de faire découvrir les fractions dans des situations très diversifiées, en partant du concret pour aller vers l’abstrait (3).

D’abord, en partageant en parts égales des objets différents – un fil, une barre de chocolat, le contenu d’une boite de biscuits,… – considérés du point de vue de leur longueur, de leur volume, de leur poids, de leur nombre. Puis on peut fractionner en parts égales des objets : boules de plasticine pour les objets pesants, bâtonnets pour les longueurs, jetons pour les collections. L’étape suivante consiste à partager en parts égales des représentations dessinées (des segments pour les longueurs, les durées ; des figures géométriques pour les aires,…). Et enfin, de partager en parts égales des mesures d’objets en opérant sur des nombres.

Un autre pas vers l’abstraction

Mme Defrance souligne un autre écueil : quand on additionne des quarts par exemple, on vérifie sur des objets et des dessins (tarte, disque, rectangle,…) en obtenant une preuve. L’affaire se corse, au début du secondaire, voire en fin de primaire, quand il s’agit d’additionner des 47es et des 67es. « Quand un couteau et un regard expert ne suffisent plus, l’on se rend compte de la nécessité d’avoir une règle précise qui permettra de généraliser ce genre d’opérations », explique-t-elle.

« Cette règle est proposée par convention. Cela n’empêche pas qu’elle ne soit pas arbitraire car pour des fractions plus faciles, elle doit rester valable. Il y a là une nuance pas facile à concevoir. D’une part, il faut se montrer rigoureux et ne pas hésiter à dire aux élèves que c’est une convention qu’on ne peut pas vérifier sur le plan scientifique. D’autre part, les enseignants ont généralement à coeur de rattacher leur enseignement à des évènements et à des objets de la vie quotidienne, que les élèves connaissent afin qu’ils puissent se représenter ce qu’on leur fait apprendre. Mais dans ce cas-ci, ce n’est plus tout à fait possible. On passe vers quelque chose de véritablement scientifique. Et c’est inhabituel à ce niveau ».

Catherine MOREAU

(1) DEHAENE S., La bosse des math, Paris, Odile Jacob, 1997.
(2) BROUSSEAU G., Théorie des situations didactiques, Grenoble, La pensée sauvage, 1998.
(3) ROUCHE N., L’esprit des sciences. Pourquoi ont-ils inventé les fractions ?, Paris, Ellipses, 1998.

Pour en savoir plus

• Une partie de la recherche Articulation entre l’enseignement fondamental et l’enseignement secondaire. Sciences et mathématiques, réalisée par l’ASBL Hypothèse (en partenariat avec trois départements pédagogiques liégeois) porte sur l’enseignement des rationnels. Il contient une partie théorique et des exemples d’activités. http://www.enseignement.be/index.php?page=26044&id_fiche=4996&dummy=[id_page]

• Une autre recherche Étude de l’apprentissage des nombres rationnels et des fractions dans une approche par compétences à l’école primaire, réalisée par une équipe de l’ULB, propose un outil pédagogique et didactique aux enseignants. http://www.ulb.ac.be/facs/sse/img/fractions.pdf

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