Magazine PROF n°13
Coté psy
Éducation sexuelle à l’école : travailler la question du sens
Article publié le 01 / 03 / 2012.
Quelles sont les étapes du développement psychosexuel des élèves de 3 à 18 ans ? Et comment les rendre progressivement autonomes et responsables dans leur vie affective et sexuelle ?
L’éducation à la vie (relationnelle), affective et sexuelle à l’école est d’actualité (lire « Quatre écoles, deux formules »). Pour certains, elle concerne la sphère privée. D’autres considèrent l’école comme un lieu privilégié pour apporter aux élèves des informations (sur les transformations physiques de la puberté, la contraception,…) ; pour favoriser des échanges ; et pour analyser avec eux les messages concernant les rôles sexuels diffusés par les médias, la publicité ou la mode.
Vers la fin de sa deuxième année, l’enfant observe, interroge et intègre les différences de comportements, d’attitudes fondées sur l’identité sexuelle. Mais c’est entre 5 et 6 ans qu’il prend vraiment conscience de son identité sexuelle, avec ses attributs spécifiques propres. C’est l’heure des comparaisons. « Punir les jeux sexuels qui sont dans l’ordre des choses risque d’associer la sexualité à ce qui est mal ou interdit, explique Joëlle Devolder, psychologue au Centre pluraliste de Planning familial, à Tubize. Mais c’est important de s’assurer que dans ces jeux, il n’y a pas d’emprise d’un enfant par rapport à l’autre. Plus largement, on peut déjà les aider à exprimer leur ressenti corporel et émotionnel, à faire comprendre aux élèves que leur corps leur appartient et qu’ils sont seuls à savoir ce qui leur plait et ce qu’ils n’apprécient pas ».
Le calme, puis la tempête
Survient, entre 6 et 10-11 ans, une période de latence, qui voit les premiers émois sexuels canalisés : l’enfant se replie sur ses pairs du même sexe et se réapproprie les questions de la sexualité à travers une grande curiosité intellectuelle. Le calme avant la tempête. Car la fin des primaires coïncide avec les premiers changements pubertaires sur les plans anatomique, physiologique et psychologique.
« Partir de ce que les élèves savent permet d’évaluer ce qui les intéresse vraiment, ce qui les gêne, leur degré de connaissance et les éventuelles valeurs qui leur ont été inculquées dans le domaine. Cela permet aussi d’enregistrer les mots que l’enfant utilise et de choisir un vocabulaire adapté (compréhensible et respectueux de sa pudeur) pour répondre aux questions », écrit Dominique Werbrouck (1). Elle ajoute que le message transmis ne doit jamais être celui de la peur de la sexualité, mais celui de son importance et du plaisir qu’elle suscite. Et qu’il est important de considérer les enfants comme des êtres sexués, capables de prendre une décision, de réfléchir, de sentir, de penser, de juger.
Selon l’auteur, il est intéressant, aussi, de tenir les parents informés de séances d’animation ou projets pédagogiques organisés dans l’école à ce sujet. « En proposant une discussion, et donc un partage d’expériences, cela permet aux parents de voir leurs compétences valorisées ; de réfléchir aux ressources et difficultés de leur rôle d’éducateurs,… (2) » Cela permet aussi de les encourager à jouer leur rôle de garants de la sécurité de leurs enfants.
« C’est normal, ce qui m’arrive ? »
Entre 12 et 15 ans pour les garçons, 11 et 14 pour les filles, la puberté fait basculer les repères que l’enfant s’était construit, bouscule son image de soi. « Au 1er degré du secondaire, les garçons masquent parfois par des attitudes ou des paroles provocantes le décalage pubertaire par rapport aux filles. Les aborder séparément permet de passer à une phase de ressenti, poursuit Joëlle Devolder. Les questions récurrentes : Est-ce normal ce qui m’arrive ou ce qui ne m’arrive pas encore ? Les images à caractère pornographique, en particulier, suscitent un mélange de curiosité, d’angoisse et de gêne. C’est important d’introduire la parole dans l’information brute qui leur est assénée ».
Entre 15 et 18 ans pour les garçons, 14 et 18 pour les filles, la question de l’engagement du corps devient centrale. Beaucoup de questions portent sur les identités et les rôles sexuels, le plaisir, la fidélité, la violence, la jalousie normale ou excessive. Nicole Athéa, qui a travaillé dans le service de médecine pour adolescents de l’hôpital Bicêtre, à Paris, estime (3) que des informations claires et des messages de prévention concernant la contraception, les maladies sexuellement transmissibles, sont indispensables, mais ils ne suffisent pas. Les comportements à risque ne s’expliquent pas uniquement par une méconnaissance des outils de prévention. Il faut travailler la question du sens. Inviter les adolescents à réfléchir sur le pourquoi, le droit de dire oui ou non, la pression des pairs et la loyauté vis-à-vis des valeurs familiales, leur permet d’étayer leur identité et de se percevoir comme ayant suffisamment de valeur pour se protéger.
Catherine MOREAU
(1) WERBROUCK D., Comment bien traiter la sexualité des enfants? Dossier pédagogique, Yapaka, Coordination de l’aide aux victimes de matraitance, Collection Temps d’arrêt, 2001, p. 20. http://bit.ly/xShYLw
(2) Id., p. 14.
(3) ATHÉA N., « En parler avec les adolescents », dans Enfances & Psy 1/2002 (n° 17), p. 81-87. http://bit.ly/zwH6sw
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