logo infos coronavirus
logo infos Ukraine
logo du site Mon Espace
logo du pacte d'excellence
logo FAQ+
logo des annuaires scolaires
logo espace enseignant
logo des communiques de presse
logo du magazine PROF
 

Magazine PROF n°15

 

 

Eustory, ou une vision incarnée de l’histoire

Article publié le 01 / 09 / 2012.

À Lessines, une professeure d’histoire axe son cours sur Eustory, un concours de recherche historique. Cela lui permet d’enseigner autrement, tout en respectant les compétences de son programme. PROF a rencontré Alexandra Leroy.

Cette professeure d’histoire à l’Athénée royal de Lessines a eu, cette année, 13 élèves en 5e et 6e option Histoire réunies. Son cours d’histoire à 4 heures (qui s’ajoute aux 2 heures de cours commun), elle le base depuis cinq ans sur Eustory (1). « Ce concours est initié par la Commission européenne, explique Alexandra Leroy. Il amène les élèves à des valeurs européennes en les invitant à découvrir leur propre histoire par le biais d’une recherche historique sur le thème de la migration et à la replacer dans un contexte » (lire «Un concours européen d'histoire»).

Alexandra Leroy : « Eustory m’a permis d’envisager une autre façon de faire de l’histoire, plus ancrée dans la vie et le projet du jeune ».
Alexandra Leroy : « Eustory m’a permis d’envisager une autre façon de faire de l’histoire, plus ancrée dans la vie et le projet du jeune ».
© PROF/FWB

Une autre histoire

Depuis 1999, Mme Leroy enseigne aux élèves de 4e, 5e et 6e, de transition, de qualification et du professionnel. « Il y a cinq ans, j’étais satisfaite des compétences développées chez mes élèves. Mais je les sentais malgré tout un peu trop formatés. L’annonce d’Eustory m’a permis d’envisager une autre façon de faire de l’histoire, plus ancrée dans la vie et le projet du jeune. À côté du cours d’histoire avec un grand H, qui vise les concepts, les grands évènements ou personnages, ce concours les amena à construire une histoire incarnée – leur histoire ou celle de leur famille –, avec des faits et des personnages moins visibles, en alliant rigueur et subjectivité ».

Selon Mme Leroy, « ce travail offre une adéquation parfaite avec le programme, davantage que les situations amenées par le prof ». Pour « Rechercher, élaborer une problématique », les élèves recueillent des informations et des témoignages sur la thématique ; ensuite, ils se posent des questions, approfondissent les plus banales, rectifient le tir en fonction de leur travail de critique historique et essaient de trouver la question qui fait sens. Pour « Critiquer », ils confrontent les témoignages recueillis avec des documents validés. Pour « Synthétiser », ils trient leur matériau et organisent un texte d’une vingtaine de pages maximum. Enfin, pour « Communiquer », le recueil de témoignages les amène à écouter et à dialoguer ; chaque mois, ils font le point sur leur travail face aux autres élèves de la classe ; leur synthèse finale est lue par l’enseignant et le jury du concours ; de plus, certains la présentent également oralement.

Un enseignant différent

Le statut de l’enseignant change. « Sur le plan des recherches, je suis plus une égale, commente Mme Leroy. Et lorsque nous travaillons sur Eustory en classe, la plupart du temps, je suis plutôt une accompagnatrice. Je n’impose pas la problématique. J’aide les élèves à en élaborer une qui soit à la fois historique et porteuse de sens pour chacun. Parfois, je marche sur des oeufs parce qu’ils découvrent des non-dits, soulèvent des tabous familiaux ou constatent que la réalité des documents administratifs ne correspond pas au vécu relaté ». Par exemple, une élève, travaillant sur un ancêtre lointain, décrit par son grand-père comme un noble juif russe ayant fui la révolution de 1917 et enfermé à Breendonck en 1940, découvrit son absence des registres du fort, et sa présence sur ceux de la caserne Dossin à Malines. Une recherche aux Archives générales du Royaume l’amena à consulter sa demande de naturalisation et à découvrir que c’était en fait un marxiste qui avait fui la révolution russe de 1905.

Des objectifs

L’enseignante a plusieurs objectifs. « Pour les ados, l’histoire, c’est souvent une affaire de vieux. Ce travail d’apprenti historien offre un autre rapport à la matière ». Ils comprennent que l’histoire, c’est eux. Ils se sentent acteurs de la société. Et ils en affinent leur perception : « Alors que la logique de l’enseignement appelle à trouver des solutions à des problèmes, en histoire, parfois, on cherche sans trouver, ou on se trouve angoissé, devant une page blanche, à faire des hypothèses avec humilité ». Cela participe aussi de leur construction identitaire, facteur motivant pour certains. Un des Lessinois, moins motivé par sa scolarité – il a une grosse session en septembre – est néanmoins lauréat : il est devenu dépositaire de l’histoire de sa famille alors que ses grands-parents vieillissent.

« Par ailleurs, poursuit l’historienne, ce travail exigeant contribue à transformer une option qui était souvent une filière de relégation accueillant des élèves cabossés, moins forts dans d’autres branches en une véritable option littéraire forte ». Certains, en 4e, y réfléchissent à deux fois avant de choisir l’option. D’autres constatent mieux qu’avant s’ils sont faits ou non pour être historiens. De plus, cette recherche sur un sujet inédit, spécifique et individuel, rend le copier-coller impossible. Un réel avantage.

Les élèves rendent le travail autant de fois qu’ils le veulent. Seule la dernière évaluation compte. Mme Leroy, considère celle-ci davantage formative que certificative. Toutefois, elle reste un des éléments de l’évaluation finale de l’année sans qu’un échec puisse venir pénaliser un élève ayant réussi les autres épreuves certificatives.

Des moyens

Dès septembre, les élèves recherchent un sujet. Les consignes viennent vers le 15 octobre « Sinon, commente-t-elle, souriante, j’effraie ceux qui ne sont pas sûrs de leur choix d’option ». Les élèves disposent d’ouvrages de référence. « Je les complète en achetant des livres liés au thème ». Trois ordinateurs, en classe, ne sont pas encore connectés à internet. L’historienne, qui a aussi une spécialisation en technologie de l’éducation et de l’information, apporte au cours son portable pour faire des recherches sur le web et utilise parfois une plate forme numérique pour stocker des ressources. La plupart des élèves amènent aussi leur portable ou leur clé USB pour travailler sur leur dossier, leur walkman pour écouter les témoignages.

La démarche est chronophage. Elle prend environ 25 % du cours. Et les élèves continuent leur travail de recherche en-dehors des cours, en bibliothèque à Bruxelles, dans diverses institutions en divers endroits du pays. Pour cela, il faut de la motivation. « Elle est présente grâce au concours et à un relatif élitisme qui les oblige à se dépasser, conclut l’enseignante. Sans cela, je n’aurais pas de travaux aussi aboutis » (2).

Patrick DELMÉE

(1) http://www.kbs-frb.be/call.aspx?id=217404&LangType=2060. Ce lien ne fonctionne plus. La version belge d'Eustory n'existe plus.
(2) Alexandra Leroy anime aussi un blog, vitrine de l'otion histoire où elle évoque cette expérience: http://optionhistoirelessines.wordpress.com

Un concours européen d'histoire

En 2012-2013, le réseau européen Eustory organise un concours d’histoire dans 22 pays européens pour la 6e fois. Dans notre pays, il se fait grâce à la Fondation Roi Baudouin, via le Musée BELvue.

Le thème ? L'histoire dans une valise. Le public ? Les élèves du 3e degré du secondaire, de toutes sections, individuellement ou en groupe. Ils interrogent un (ou plusieurs) acteur(s) ou témoin(s) de migrations, replacent ces récits dans leur contexte, exercent leur esprit critique, présentent un dossier

Après présélection, un jury apprécie les travaux et interviewe les candidats pour déterminer les lauréats. La proclamation a lieu fin juin 2013. Des prix de 500 et de 1000 euros les récompensent. Des lauréats ont également la possibilité de participer, durant l'été, à un atelier européen avec d’autres lauréats du concours.

http://www.belvue.be/fr/eustory-concours-dhistoire
N.B. La version belge d'Eustory n'est plus organisée depuis plusieurs années.
 

« J’ai creusé un tabou familial »

Victor Chauvon est en 5e option histoire/latin à l’Athénée royal de Lessines : « Dans notre cours d’histoire 4 heures, nous sommes davantage tournés vers la recherche que dans le cours commun de 2 heures. Grâce à Eustory, j’ai creusé le tabou de l’histoire familiale ». Son arrière-grand-père italien est venu travailler dans les charbonnages belges après la guerre 1940–1945. Il a emmené ses cinq enfants. Ils ont mal vécu l’intégration.

Aujourd’hui, un demi-siècle plus tard, ses grand-tantes étaient heureuses d’en parler. « J’ai conservé une certaine distance : mon travail était d’abord une recherche historique et la famille un outil pour y arriver. C’était utile pour démêler les évolutions des différents témoignages. En guise de bilan, je vois aujourd’hui le travail d’historien différemment, l’ayant pratiqué sur le terrain, avec une certaine ampleur. Si je passe en 6e, j’envisage un autre travail sur la branche de la famille qui a émigré vers les USA ».

Pa. D.

Moteur de recherche

La dernière édition

Toutes les éditions

Retrouvez toutes les éditions de PROF.

Tous les dossiers

Retrouvez également tous les dossiers de PROF regroupés en une seule page !