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Magazine PROF n°18

 

Focus 

Exploiter les potentialités créatives du corps

Article publié le 01 / 06 / 2013.

Pas peu fiers, Jérémie, Dayana, Marine, Jeremy, Sauvane et Ayanleh au terme du spectacle chorégraphique qu’ils ont présenté mi-mai sur la scène des Écuries de Charleroi Danse. Le fruit du travail mené depuis cinq mois à l’École secondaire d’enseignement spécialisé Jean Bosco, à Chastre.

En duos, les élèves se massent bras, jambes, mains, orteils,… Ensuite, réunis en cercle, ils se frappent successivement la jambe droite, la gauche, les doigts, les mains, avant que l’un d’eux rompe le rythme en levant les bras, imité par les autres. Bientôt, tous traversent par deux la salle qui accueille les répétitions du jeudi après-midi, guidés chacun par une partie du corps choisie : coude, nez, menton, genou, talon,… Plus tard encore, un des jeunes danseurs improvisera une pose ; ses partenaires le rejoindront pour compléter la forme puis se disperseront, le bras initiant le mouvement.

Colinne Zimmer : « Mon objectif pour ces élèves : les reconnecter avec leur corps, leur espace, leur faire prendre conscience de l’espace et du corps des autres ».
Colinne Zimmer : « Mon objectif pour ces élèves : les reconnecter avec leur corps, leur espace, leur faire prendre conscience de l’espace et du corps des autres ».
© PROF/FWB

Voilà dix ans que l’École secondaire Jean Bosco, qui organise différentes formes d’enseignement pour des élèves de type 3 (troubles caractériels) répond aux appels à projets lancés par la Cellule Culture-Enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Celle-ci finance chaque année des projets menés durant un semestre ou une année scolaire entre une école et un opérateur culturel.

Le partenariat avec le Centre dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse (CDWEJ) permet à l’école de bénéficier de la présence d’un artiste en classe durant dix demi-journées. « Nous avons travaillé avec différents danseurs (Nono Battesti, Javier Perez Suarez, Laurence Chevallier, la Compagnie Tö,…) et visité différents styles », explique Érik Vandenbussche, professeur d’arts plastiques qui participe à l’atelier avec sa collègue, Nany Portois.

« À la différence de ce qui se pratique dans d’autres établissements, nous avons choisi d’ouvrir l’atelier à des élèves de toute l’école, précisent ces deux enseignants. Nous déterminons, entre adultes, un ensemble d’élèves pour lesquels l’atelier danse serait bénéfique sur le plan de l’épanouissement personnel, des relations avec les autres et des apprentissages. Puis nous les invitons à y participer. Certains acceptent, d’autres refusent ».

Accepter leurs limites et celles des autres

Car ce projet poursuit, à l’École Jean Bosco, des objectifs multiples. Il s’agit de créer avec ces adolescents un spectacle chorégraphique présenté dans le cadre d’un festival, à l’extérieur à l’école. « C’est l’occasion pour eux de travailler ensemble et, pour chacun, de se construire une place propre dans la chorégraphie, précise M. Vandenbussche. C’est inédit pour la plupart de ces élèves. D’une part parce que cela les bouscule dans leurs habitudes et leurs rapports aux autres. Et d’autre part parce que cela leur donne l’opportunité de s’insérer dans un processus de création. Un fameux défi à relever pour ces jeunes de niveaux différents, souffrant à des degrés variés de troubles du comportement et/ou de la personnalité. Réussir quelque chose ensemble les oblige à fournir un travail rigoureux, à s’accrocher, à accepter leurs limites et celles des autres ».

Cette année, les élèves ont travaillé avec la danseuse comédienne Coline Zimmer. « Mon objectif : les reconnecter avec leur corps, leur espace, leur faire prendre conscience de l’espace et du corps des autres, détaille-t-elle. Ce n’est pas de l’expression corporelle à proprement parler : nous ne travaillons pas sur les émotions, mais sur les potentialités créatives du corps. Il me semble important que l’on propose aux élèves des initiatives pour leur faire prendre conscience de l'importance du corps, souvent désincarné et peu investi à l’école ».

Au fil des séances hebdomadaires, les élèves se connaissent mieux. Des repères, des habitudes se créent. Cela aboutit, lors des traditionnelles Rencontres Danse à l’école organisées durant la semaine Art à l’école du CDWEJ, à un spectacle présenté comme un chantier en cours et non comme un produit fini. Un spectacle qui alterne solos, duos sur fonds musicaux variés et culminant dans une séquence rythmique collective.

« Nous entretenons les acquis, nous retravaillons, nous refaisons les exercices en classe, explique Nany Portois, professeure de cours généraux (français, maths, sciences,…) et titulaire d’une classe réunissant des élèves de 14 à 17 ans. Lors de journées de formation, des danseurs du CDWEJ nous mettent dans la situation d’apprenants, ce qui nous donne des pistes pour travailler avec nos élèves ».

Et M. Vandenbussche d’ajouter : « Au fil des années, la collaboration avec l’artiste en résidence dans notre école s’est bien installée. Au départ, il arrivait parfois que la danse prenne trop de place. Nous avons établi des limites claires : la chorégraphe assure la partie artistique ; les enseignants participent à l’atelier, encadrent le groupe et, connaissant bien les capacités et les difficultés de chaque élève, encouragent, tempèrent, … Cela demande une adaptation constante. Nous avons un débriefing après chaque séance pour ajuster objectifs et méthodologie, ce qui permet de rectifier le tir si nécessaire ».

Pendant dix demi-journées, des élèves ont construit un spectacle avec la danseuse-comédienne Coline Zimmer.
Pendant dix demi-journées, des élèves ont construit un spectacle avec la danseuse-comédienne Coline Zimmer.
© PROF/FWB

Sortir de notre bulle-école

Quelle évolution chez ces élèves? « Je sens que de quelque chose s’est créé entre les élèves, au sein du groupe. Les regards portés les uns sur les autres ont changé, explique Mme Zimmer. À certains, qui l’expriment souvent spontanément, l’atelier fait du bien : ils arrivent à se toucher, à collaborer. Ce n'est pas toujours facile de gérer le groupe en entier car chacun a des troubles, des niveaux de compréhension et d'attention. Chaque séance apporte son lot d’imprévus. Il arrive qu’un ou deux élèves aient décidé de ne rien faire et ne fassent rien ».

« Ils entrent plus volontiers… dans la danse quant ils perçoivent concrètement l’objectif poursuivi. Ce que je leur propose ne correspond pas nécessairement à leur vision de la danse – certains imaginaient plutôt que l’atelier ressemblerait à un videoclip sur MTV. Et certains ont besoin de plus de temps que d’autres pour s’impliquer dans l’activité ».

« Participer à cet atelier danse peut influencer les comportements et, par ricochets les performances scolaires des élèves », enchaine M. Vandenbussche. Et d’évoquer le cas de cet élève très motivé mais envahi par le stress à l’idée de mal faire. « Réaliser des choses bien cadrées, répétées, avec des contraintes progressives, sans lien avec les points, dans une atmosphère différente de celle du groupe-classe, tout cela le rassure. L’an dernier déjà, il a participé au spectacle et lorsqu’un autre élève, perturbé sans doute par la présence du public, a décroché sur scène, il l’a spontanément remplacé ». Pour une autre élève, la difficulté majeure consiste à canaliser son énergie, à l’utiliser à bon escient. « Au début des séances, elle rebondissait sans cesse sur place, se souvient l’enseignant. Ses efforts de concentration sont sensibles ».

Mme Portois, elle, cite cet élève qui accepte mal les déficiences visibles des autres. « L’atelier danse lui a permis de sortir de son rôle de caïd, de se rendre compte de capacités qu’il n’avait pas perçues chez ses pairs et de mettre les siennes au service du groupe pour épauler les adultes ».

Et les deux enseignants d’ajouter : « Ce projet est aussi valorisant pour nous. Il nous permet de côtoyer d’autres enseignants d’autres écoles, d’autres niveaux, lors des formations et des spectacles. De sortir de notre bulle-école. Et puis le spectacle lui-même exerce un effet évident sur le moral. Les applaudissements du public, nous les prenons aussi pour nous ».

Catherine MOREAU

 

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