Magazine PROF n°20
Souvenirs d'école
Yaël Nazé : « À dix ans, j’ai décidé : je serais astronome »
Article publié le 01 / 12 / 2013.
À l’âge où les fillettes se rêvent coiffeuse, chanteuse ou hôtesse de l’air, Yaël Nazé, regardait les étoiles. Aujourd’hui, elle est chercheuse qualifiée FNRS au sein du groupe d’Astrophysique des hautes énergies (GAPHE) de l’Institut d’Astrophysique et de Géophysique de l’Université de Liège.
PROF : L’école a-t-elle joué un rôle dans cette attirance précoce ?
Yaël Nazé : J’en ignore l’origine exacte. Mes parents n’étaient pas des universitaires, ne s’intéressaient pas spécialement aux sciences mais ils ont toujours soutenu mes rêves d'enfants. Après l’École maternelle de Moranfayt, à Dour ce fut l’Athénée royal, à Dour, jusqu’à la rhéto.
Des années primaires me reviennent les souvenirs d’enseignants ne se confinant pas au programme des cours. En 1re, le professeur de morale, M. Bouffioulx, nous a parlé d’Europe, une des lunes de Jupiter qui possèderait un océan souterrain. Et en 6e, il nous a fait monter sur les planches pour jouer Le Petit Prince. En 5e, l’instituteur, M. Dieu, nous a montré un cadran solaire appelé « anneau de paysan ». Lorsque j’en ai vu un, l’année suivante, mes explications ont épaté ma mère et j’ai vidé ma tirelire pour l’acheter.
Ces enseignants nous ouvraient de nouveaux horizons, développaient notre langage et nous faisaient sortir de notre milieu. Je trouve très important de pousser les élèves à aller le plus loin possible dans les domaines où ils ont des capacités.
En secondaire, vous avez donc choisi des sciences à forte dose ?
Oui, dès la 3e. Mais avant cela, je garde le souvenir du professeur de latin, M. Materne, qui nous faisait travailler à un train d’enfer à l’école et à domicile. Il devait avoir un truc car nous ne nous en rendions pas compte. Il est parvenu ainsi à remonter le niveau de tous les élèves, y compris celui d’un garçon en échec dans toutes les autres branches.
En sciences, je lisais beaucoup et je posais mille questions. Un jour, ma professeure de 2e que j’interrogeais sur la fusion nucléaire m’a renvoyée vers celui de 4e. En 6e, j’ai fait le forcing auprès de ma prof de physique pour participer aux Olympiades. Sélectionnée, j’ai participé à la finale à Pékin en 1994. L’équipe belge n’a pas fait le poids face à des élèves d’autres pays qui pratiquent un véritable bachotage, mais cela m’a permis de rencontrer beaucoup de jeunes partageant les mêmes centres d’intérêt.
Un souvenir encore : le prof de maths du secondaire supérieur enseignait sans se préoccuper si on faisait les devoirs ou s'intéressait aux leçons, laissant cela à notre appréciation. Cela nous a appris à prendre nos responsabilités et il n'y a pas eu de mauvaise surprise en 1re année du supérieur…
Vous vous y êtes vite orientée vers l’astronomie ?
Durant la dernière année de formation d’ingénieur civil électricien à la Faculté polytechnique de Mons, j’ai voulu effectuer mon stage et mon mémoire au Centre spatial de Liège. Actuellement, au sein du GAPHE, j’étudie les étoiles massives, rares, plus chaudes, plus lumineuses que le soleil, ce qui explique leur faible durée de vie (quelques millions d’années) pour tenter de comprendre leur formation, leur évolution, leurs interactions. J’enseigne notamment l’astrophysique, l’histoire de l’astronomie, la communication scientifique,…
Et vous partagez votre passion du ciel par le biais d’animations, de conférences, d’articles de vulgarisation, de livres,… pour des publics très larges.
J’ai toujours voulu écrire et expliquer aux autres. Je tiens peut-être cela de ma mère, régente en maths, soucieuse de faire progresser ses élèves de l’enseignement spécialisé. J’ai réalisé trois cahiers (Exploration du ciel, Mesurer l’univers et La Cuisine du cosmos) pour Réjouisciences, la cellule Diffusion des sciences de l’Université de Liège, pour donner aux enseignants des informations exactes et les aider dans des domaines qui ne leur sont pas nécessairement familiers. Si cela peut permettre un contact avec la culture scientifique, voire attirer davantage de jeunes vers des études et des carrières scientifiques, c’est tant mieux. Aimant aussi sortir des sentiers battus, j’ai notamment réalisé, avec l’artiste Jacques Charlier, La planète rêvée, une installation dans le parcours permanent du Musée de la Vie wallonne, à Liège.
L’un de vos huit livres aborde L’astronomie au féminin. Un plaidoyer ?
Oui et non. Passionnée d’histoire, je suis tombée sur une liste de femmes astronomes. Je n’en connaissais aucune. J’ai fait des recherches et cela a fini par un livre. Lors de conférences sur ce sujet, je préfère transmettre le message sur le mode de l’humour que sur celui de la revendication. Cela passe mieux…
Propos recueillis par
Catherine MOREAU
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