logo infos coronavirus
logo infos Ukraine
logo du site Mon Espace
logo du pacte d'excellence
logo FAQ+
logo des annuaires scolaires
logo espace enseignant
logo des communiques de presse
logo du magazine PROF
 

Magazine PROF n°29

 

Coté psy 

Isabelle Roskam : « J’agis précocement sur les troubles de l’enfant »

Article publié le 01 / 03 / 2016.

Depuis 2004, le programme de recherche H2M s’intéresse à l’accompagnement thérapeutique de l’enfant « difficile ».

Isabelle Roskam est professeure de psychologie à l’UCL et mère de cinq enfants. Elle enseigne dans le domaine du développement du jeune et notamment de l’enfant « difficile ». C’est le sujet du programme de recherche H2M entamé en 2004, poursuivi en 2009, sur plus de 800 enfants.

Isabelle Roskam : « Selon notre étude, si un enfant est difficile à 3 ans et qu’on n’agit pas, il le reste à 8, même s’il y a des changements  ».
Isabelle Roskam : « Selon notre étude, si un enfant est difficile à 3 ans et qu’on n’agit pas, il le reste à 8, même s’il y a des changements ».
© UCL

PROF : Que représente l’étude H2M ?
Isabelle Roskam :
Le programme de recherche H2M Children (Hard-t(w)o-Manage Children) s’intéresse aux troubles de comportement tels que l’agitation, le manque d’obéissance, les colères, l’impulsivité et l’agressivité chez les 2 à 7 ans. Par une approche multidisciplinaire alliant la psychologie du langage, la neuropsychologie, la psychologie de l’éducation et la psychologie clinique, il tente de déterminer quels sont les facteurs de risque associés à ces troubles. Enfin, il pose la question de l’aide précoce à apporter à ces enfants, à leur famille… et aux enseignants (1).

Comment est née cette étude ?
Avant d’enseigner, j’ai travaillé dix ans en clinique comme psychologue. J’y ai fait face à de nombreux parents dont les jeunes enfants avaient des comportements « difficiles » chez eux et/ou à l’école : « Je ne parviens plus à faire les courses avec mon enfant, l’école se plaint et ses grands-parents aussi ». Fallait-il les rassurer en espérant que l’enfant évolue ou agir tôt, - et comment ? -, au risque de donner à l’enfant une étiquette qu’il pouvait garder longtemps ?

En 2004, la science n’avait pas de réponses à ces questions. Un jour, j’ai lancé en boutade : « Pourquoi ne pas faire une étude sur tous ces patients ? » Je me suis prise au mot. Et j’ai lancé une première recherche. Mon équipe a suivi cent-vingt enfants, avec leurs parents… et leurs enseignants. En effet, les uns étaient difficiles spécifiquement au domicile, d’autres à l’école, d’autres encore peu importe le contexte. Et nous avons élargi l’étude à trois-cents autres enfants répartis dans six écoles partenaires, de façon à avoir un échantillon représentatif.

Difficile à 3 ans,difficile tout le temps ?

Quels résultats avez-vous obtenus ?
Certains enfants ne sont difficiles que dans un milieu spécifique. Leurs compétences sont transposables. Ils ont le plus de chances d’évoluer positivement.

Ensuite, si un enfant est difficile à 3 ans et qu’on n’agit pas, il le reste à 8, même s’il y a des changements. Il ne court plus, par exemple, autour de la table du salon, mais il assis, il ne maitrise pas un sautillement de son genou.

Le comportement difficile, c’est la pointe de l’iceberg. Qu’y a-t-il en dessous ?
Nous avons découvert quatre types de facteurs de risque. Primo, le cadre éducatif en classe et à domicile est très important. Sans consignes claires, précises, adaptées, l’enfant, c’est une balle magique qui part dans tous les sens. Secundo, il évolue mieux aussi s’il se sent en sécurité, dans un milieu où on lui donne de l’affection. Ensuite, c’est entre 2 et 7 ans que se développe la zone frontale du cerveau : elle permet d’être attentif, d’inhiber un comportement inadéquat, de lutter contre l’impulsivité, de retenir des consignes. Enfin, l’apprentissage du langage se réalise également dans cette période : il permet de comprendre des consignes, de négocier pour tempérer une frustration. Sans cette capacité, l’enfant pique vite une colère.

Le diagnostic cible une direction d’action. Il est d’autant plus important à un âge où l’enfant évolue encore. Le gain sur la compréhension des consignes et sur le langage est plus important et plus rapide à 5 ans qu’à 15.

Une action précoce

Votre recherche a connu une 2e phase ?
Depuis 2009, nous avons essayé d’agir sur les facteurs de risque et travaillé sur des modalités de traitement pour quatre-cents autres enfants et leurs parents. On peut aider l’enfant à s’entrainer. On peut aussi sensibiliser les parents à devenir de vrais « thérapeutes » au quotidien.

Les deux volets sont aussi efficaces. Cela nous a surpris. C’est positif. Dans certains cas, les enfants, en opposition, sont peu prêts à être aidés. Dans d’autres, certains parents collaborent moins car ils sont hostiles à la thérapie ou ont un boulot prenant.

En quoi consistent ces volets ?
Pour l’enfant, on travaille sur l’inhibition, les stops mentaux, la mémoire des consignes, la résolution de conflit. Si je reçois sur la tête un ballon dans une cour de récré, j’observe autour de moi et j’analyse l’information sociale du lanceur, avant de donner une réponse adaptée. S’il est incapable de faire cette observation, l’enfant traverse de suite la cour et se venge. Pour les parents, on revoit par exemple la façon de donner les consignes. On travaille le sentiment de compétence parentale, pour répondre à la sensation d’être nul ou d’être jugé. Et, d’un côté ou de l’autre, on voit des résultats en huit semaines.

Ces comportements chez le jeune enfant expliquent le décrochage scolaire…
C’est un des facteurs du décrochage. Investir dans le fondamental permet de le combattre. Si on n’agit pas, les adultes s’habituent à ne voir chez l’enfant que du négatif. Celui-ci s’habitue aux punitions et aux remarques, se fabrique une image de soi négative non-motivante à changer.

D’autres bénéfices ?
L’étude s’est faite avec des groupes « à risque » et des groupes « sains ». Cela permet de se rendre compte par exemple, qu’à cet âge, tous les enfants sont très actifs. C’est l’intensité et la fréquence qui gêne l’adaptation.

Un autre aspect est le suivi longitudinal prospectif. D’autres études s’intéressent aux ados en difficultés en posant un regard rétrospectif sur leur enfance. Elles laissent s’échapper ceux qui s’en sont bien sortis.

Pour conclure…
Les enfants difficiles font partie du quotidien des professionnels de l’éducation. Parfois, ces derniers se sentent dépassés. Mais ces élèves ont ce comportement plus parce qu’ils ne peuvent faire autrement que par volonté. En prendre conscience, c’est le premier pas pour repasser de la posture de « victime » à celle de pédagogue.

Propos recueillis par
Patrick DELMÉE

(1) https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/ipsy/h2m

Des outils pour l’école

L’étude H2M (lire « J'agis précocement sur les troubles de l'enfant ») a pour objet les jeunes enfants difficiles. Dans ses différentes étapes, elle concernait leurs enseignants. À chaque fois, leurs observations ont constitué une aide. Et les chercheurs leur ont fourni un feed-back. Cela a débouché notamment sur une plaquette de bonnes pratiques (1).

Avec l’école fondamentale Martin V (Louvain-la-Neuve), les chercheurs sont allés plus loin. « Lorsqu’ils rencontrent un enfant difficile, les enseignants sont souvent démunis et gèrent l’urgence, expliquent la promotrice, Isabelle Roskam. Certains veulent s’investir, d’autres moins. Cette école a établi un protocole de douze étapes à suivre dans l’ordre. Par exemple, la communication aux parents doit s’appuyer sur un travail d’observation, se faire dans un cadre structuré comme un formulaire avec des propositions constructives, au lieu d’attraper les parents de façon impromptue à la sortie des classes » (2).

De plus, Le Cercle psy (mars-mai 2016) consacre un dossier aux enfants difficiles. Dans « L'enfant difficile à l'école, ou le mammouth impuissant », Anne-Claire Therizols y évoque notamment la difficulté des enseignants face à ces enfants (3).

(1) DEGROOTE J., ROSKAM I., STIEVENAERT M., Chouette, encore une punition ! Comment gérer les enfants difficiles en classes de maternelle et début de l'enseignement primaire ? http://bit.ly/208JhXn
(2) « Accompagner les enfants difficiles en milieu scolaire », dans Revue de Psychoéducation, n° 44(2), novembre 2015, pp. 351-381. Site de la revue : http://bit.ly/1PgGSF6
(3) THERIZOLS A.-Cl., « L'enfant difficile à l'école, ou le mammouth impuissant », dans « L'enfant difficile » dans Le Cercle psy, n°20, mars-avril-mai 2016, http://bit.ly/1pvgyRF

Moteur de recherche

La dernière édition

Toutes les éditions

Retrouvez toutes les éditions de PROF.

Tous les dossiers

Retrouvez également tous les dossiers de PROF regroupés en une seule page !