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Magazine PROF n°3

 

Dossier L'intégration, une lame de fond

« Je rêve que tout l’ordinaire devienne du spécialisé »

Article publié le 01 / 09 / 2009.

La Ligue des droits de l’enfant (LDE) (1), présidée par Jean-Pierre Coenen, organise depuis les années ‘90 une plateforme sur l’intégration scolaire.

PROF : Que représente le handicap pour les parents ? 
Jean-Pierre Coenen
: Les parents de l’enfant handicapé passent par une série de deuils successifs : la normalité, le diplôme, la carrière,… On fuit. Jusqu’à ce que « handicap » soit inscrit en capitales sur un diagnostic. L’avenir de l’enfant dans une société accessible par l’emploi est remis en cause. Et les parents sont seuls, avec leur honte, leur peine pour affronter leurs deuils.

Quelle est leur place dans l’intégration ?
Beaucoup de parents ont peur de l’école. Elle a dressé nombre de barrières. Il faudra qu’elle rouvre ses portes aux parents : ils sont les premiers spécialistes de leur enfant. Et dans les expériences actuelles, on constate qu’en général, ils sont preneurs.

Des difficultés ?
Peu d’écoles ordinaires sont preneuses. Mais quand une l’est, cela se passe bien. Pour éviter un refus d’accueil, un travail sur les représentations du handicap est obligatoire : on n’intègre pas un handicap, mais un enfant qui, pour une raison ou une autre, a une difficulté d’apprentissage. Et c’est le métier de l’enseignant de mettre des choses en place pour favoriser celui-ci. L’école, c’est un droit des enfants, pas seulement un droit des professeurs. La conception philosophique de l’intégration rame à contrecourant de notre société, qui va plutôt vers l’individualisation. Ce n’est pas gagné d’avance dans une école du mérite. Au sein même de la Ligue, on retrouve ce débat. À côté de la plateforme sur l’intégration, on retrouve une plateforme de la réussite scolaire. Si la première comprend que l’intégration passe aussi par la réussite, la seconde ne prend pas encore en compte que l’intégration bénéficie à tous les élèves. Il faut prendre son bâton de pèlerin entre les deux. Par ailleurs, la remédiation s’externalise, l’école se décharge sur les parents. Les coachs, les professeurs particuliers, Échec à l’échec,… prennent aujourd’hui une place importante. La Ligue des droits de l’enfant est révoltée face à cet état de fait. L’école doit viser à la réussite de tous les enfants. C’est une mission de l’État.

Et l’avenir ?
Je rêve que tout l’ordinaire devienne du spécialisé, que tous les élèves en difficulté bénéficient de l’accompagnement d’un enfant à besoins spécifiques. Or, l’intégration fait peur à une série d’agents de PMS, de directions, de professeurs. Mais c’est une lame de fond : elle peut devenir un véritable tsunami scolaire et emporter les élèves vers une école de la réussite, vers une école équitable et pourquoi pas vers une société inclusive.

Pa. D.

(1) https://www.liguedroitsenfant.be/