Magazine PROF n°50
Focus
Lire seuls… comme des grands
Article publié le 17 / 06 / 2021.
Institutrice en 1re et 2e primaire, Liliane Mathieu pratique un quart d’heure de lecture silencieuse par jour avec ses élèves : un moyen parmi d’autres pour leur apprendre à bien lire.
À l’école communale fondamentale de Jauche, en Brabant wallon, les élèves se trouvent plongés dans un bain de lettres très tôt : un « jardin des mots » jouxte la cour de récréation ; les classes de début de primaire sont ornées d’un « mur de mots » ; certains de ces mots ont droit à prendre leurs « vacances » ; et chaque après-midi commence par 15 minutes de lecture personnelle et silencieuse !
Lecture silencieuse pour l’institutrice comme pour ses élèves d’ailleurs, Mme Mathieu considérant le rôle d’exemple joué par l’enseignant important. Cette férue de lecture a découvert la richesse de la littérature de jeunesse en Belgique francophone, dont elle exploite des textes en classe, à travers divers programmes développés par la Fédération Wallonie-Bruxelles, comme la Fureur de lire, la petite Fureur et La langue française en fête.
Tout le monde lit
En 2018, alors qu’elle avait une classe de P2 « énergique », Mme Mathieu s’est aussi intéressée à l’opération Tout le monde lit (1), menée les 23 avril à l’occasion de la Journée mondiale du livre par l’Association des Éditeurs belges (ADEB), avec divers partenaires et le soutien de la Fédération, pour inciter « tout un chacun à prendre 15 minutes de son temps pour lire ».
Elle décide d’y prendre part et réfléchit à la manière de procéder pour « canaliser et motiver » ses élèves.
Son quart d’heure Tout le monde lit, désormais bien rôdé, repose sur un rituel et intervient « après le repas de midi, pour recadrer et recentrer sur le travail mais de manière apaisante et gaie, puisque les élèves peuvent lire ce qu’ils veulent ».
« Je l’ouvre par le signal du son d’une boite à musique et fais couler un gros sablier pendant qu’il se déroule. Le sablier permet de fixer une notion de grandeur du temps, d’avoir un repère. Et pour l’ambiance générale, de la lumière tamisée, de la musique calme… »
« Certains élèves restent à leur place, d’autres s’installent au coin lecture, d’autres au coin mathématique… Ils lisent où ils veulent du moment qu’ils respectent les règles : le calme, le silence, pendant 15 minutes ». En leur passant ce message : « Quinze minutes, les amis, ce n’est pas beaucoup sur une journée ! »
Quand la météo le permet, tout le monde lit dehors, dans la cour ou au jardin des mots, espace étonnant créé par la classe de Mme Mathieu autour des mots retenus en 2019 par l’opération Dis-moi dix mots (2).
Ensuite, les élèves se rassemblent pour un moment de partage autour de ce qu’ils ont lu, que l’institutrice anime avec un système de cartes « pour qu’ils soient actifs et impliqués ». Chacun choisit une carte parmi sept, en fonction de ce qu’il prévoit de faire s’il était désigné pour parler de sa lecture à l’ensemble du groupe. Seuls un ou deux enfants sont appelés à s’exprimer par séance. Parmi les options possibles figurent la traditionnelle « C’est l’histoire de… », la plus complexe « Je n’ai pas fini le livre mais je pense que la suite sera… », ou encore « Aujourd’hui, je ne parle pas, je dessine à propos de ce que j’ai lu ».
« Ils ont un carnet de lecture où ils peuvent noter, écrire une phrase ou dessiner pour consigner leurs impressions de lecture », explique Mme Mathieu.
Former des lecteurs actifs
Cette activité fait partie d’un ensemble de pratiques et d’un environnement qui visent à faire de la lecture un principe naturel pour les élèves. La bibliothèque de la classe contient plus de 200 livres, rassemblés après participation à des concours, ou via des dons de parents, etc. Elle est classée par ordre alphabétique, comme la bibliothèque de Hannut, que les enfants ont pu visiter. Et comporte un rayon « auteurs belges » particulièrement fourni.
Les livres de certain-e-s d’entre eux sont travaillés de manière approfondie, en lecture collective, Mme Mathieu commandant alors le livre en exemplaires multiples au service itinérant de la bibliothèque de Nivelles (3).
« J’ai vu les élèves plus intéressés quand je les faisais lire dans un livre que quand je donnais un texte sur une feuille volante », souligne-t-elle, ajoutant ne plus enseigner comme à ses débuts. « Auparavant, par exemple, il fallait faire apprendre les sons à tel moment, de telle manière, avec des listes de mots. Aujourd’hui, je demande à mes élèves de pointer les sons (« on » comme dans « bonbon » etc.), chacun dans un livre différent. La mise en commun enrichit le vocabulaire et les élèves sont davantage impliqués et motivés. »
Et quel plaisir pour les enfants de recevoir en classe des auteur-e-s qu’ils ont lu-e-s, comme Catherine Pineur et sa série des Alfred, et bientôt – c’est prévu en juin – Noémie Favart, dont chacun possède la plaquette du récit de La course d’Odilon (éditée dans le cadre de la Fureur de lire 2019). « Ce sont des livres qui sont en prise avec leur quotidien, qui abordent des problèmes de société d’aujourd’hui et qu’ils peuvent rencontrer. »
C’est important que les élèves s’expriment par rapport aux questions soulevées par ces auteur-e-s ? « Oui, ils ont besoin – surtout dans ce contexte sanitaire – de parler de leurs émotions ».
Monica GLINEUR
(1) www.toutlemondelit.be (documents pour enseignants sous l’onglet « Boite à outils »).
(2) Opération menée dans le cadre de la Langue française en fête. Vidéo sur le jardin des mots via www.tvcom.be/video/info/sociye-tye-/un-jardin-des-mots-a-lecole-communale-de-jauche_23933_89.html
(3) www.bibliotheque-nivelles.be
Tous « nos » auteurs sur Objectif plumes
Le portail Objectif plumes constitue une porte d’entrée unique sur les littératures belges francophones et en langues régionales de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il propose des notices et contenus de référence sur les romans, essais, nouvelles, bandes dessinées, littératures de jeunesse, pièces de théâtre et recueils de poésie de plus de 5 000 auteur-e-s de Wallonie et de Bruxelles.
Sous l’onglet « Nos outils », les enseignants trouveront un rappel des services organisés par le Service général des Lettres et du Livre à leur intention.
On peut ainsi accéder aux plaquettes éditées par la Fureur de lire, en collaboration avec les services de l’enseignement, au fil des ans : courts albums illustrés, bandes dessinées, poésies ou nouvelles. On peut les télécharger ou encore commander des titres en version papier, pour chacun des élèves. Certains titres peuvent également s’écouter (via l’onglet « Ressources audio et vidéo »).
On trouve aussi les éléments utiles pour inviter un-e auteur-e ou un-e illustrateur-trice en classe (programme Auteurs en classe) et des dossiers pédagogiques téléchargeables par niveaux d’enseignement.
Tout le monde lit à Charleroi
L’Association des Éditeurs Belges et la Ville de Charleroi ont lancé, en janvier dernier, un projet-pilote Tout le monde lit, en collaboration avec les bibliothèques publiques et le soutien du Plan lecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Ce projet-pilote développe plusieurs initiatives pour amener les livres et la lecture dans 34 classes (de la maternelle à la fin du primaire) des écoles de la Ville, notamment l’aménagement de coins lectures dans les classes, avec mobilier adapté et livres que les enfants peuvent ramener à la maison. Ou un soutien aux projets d’accueil d’auteur-e-s, dans le cadre du programme Auteurs en classe. Ou encore la formation d’enseignants par Philippe Brasseur, auteur de 1001 activités autour du livre Raconter, explorer, jouer, créer (éd. Casterman, 2013).
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