Magazine PROF n°50
Dossier L’instruction à domicile en Belgique
Quelles sont les motivations de ces familles?
Article publié le 17 / 06 / 2021.
Souvent, lorsqu’on parle des motivations des familles ayant fait le choix de l’enseignement à domicile, des images mentales pointent le bout du nez. Réalité ou cliché ?
La littérature européenne concerne essentiellement les aspects pratiques et légaux de l’EAD ou du homeschooling (terme employé dans les pays anglophones) et très peu les motivations parentales. Les études américaines peuvent être une base de réflexion, mais ne sont pas transposables à l’Europe au vu des divergences politico-socio-économiques.
Dans le cadre de son mémoire de recherche, Alice Tilman, doctorante FNRS à l’UCLouvain, traite essentiellement de la question de la motivation des parents pour ce choix d’instruction (1).
Ce travail dégage deux catégories de motivations : pédagogiques et idéologiques. Les premières concernent le cadre scolaire, qui n’offre pas de méthodes adaptées aux conceptions pédagogiques des parents : soit un cadre scolaire jugé trop formaté, strict ; soit un cadre trop laxiste et pas assez élitiste ; soit un cadre ne correspondant pas aux attendus en termes de méthodes d’apprentissage.
Pour les familles qui évoquent des motivations idéologiques, l’instruction à domicile s’inscrit dans un projet global de vie de la famille en lien avec la conception de la parentalité, des choix de vie en termes d’alimentation, de médecine, d’implication sociétale, de conviction philosophique, etc.
Il arrive parfois qu’un ou des éléments catalyseurs interviennent, et les familles, qui étaient en réflexion, passent le pas de l’EAD : harcèlement, divergences avec les autorités scolaires, enfant HP, dys, maladie, etc.)
Alice Tilman relève également des éléments concernant l’organisation des apprentissages, aussi multiple qu’il y a de familles. On ne peut établir une liste rigide des pratiques, même si on peut en tirer trois catégories que nous résumons ainsi :
- Les familles « strictes et structurées » : elles organisent les temps d’apprentissage selon un horaire précis, des évaluations, l’obligation de participer à des activités sportives, socio-culturelles.
- Les familles « souples » : les enfants sont encadrés, un rythme est donné, mais une grande latitude est laissée aux enfants dans l’organisation de leurs apprentissages.
- Les familles « instinctives » : les aspirations des enfants sont les moteurs des apprentissages. Il n’y a pas de rythme fixe. L’épanouissement personnel est l’objectif principal.
Trois piliers pour grandir
Spécialiste des sciences de l’éducation, Philippe Meirieu émet pour sa part l’hypothèse du consumérisme scolaire pour expliquer l’augmentation du nombre de familles recourant à l’instruction à domicile. C’est-à-dire une crise de confiance des citoyens envers les institutions en général et l’école en particulier, ou autrement dit la recherche par les familles « du meilleur rapport
qualité/prix » (2).
Pour lui, un enfant, pour s’épanouir doit s’appuyer sur trois piliers : une famille aimante et sécurisante, une école structurante et un tissu social riche où il peut se découvrir et se construire selon ses aspirations. Ces trois piliers doivent être distincts et ne peuvent se confondre dans l’esprit de l’enfant. Il doit pouvoir construire avec chacun d’eux un rapport de confiance, de respect et identifier ce qui est spécifique à chacune des sphères. Pour Philippe Meirieu, il est indispensable d’être vigilant et ne pas laisser ce phénomène se développer, car il mène au séparatisme et à l’individualisme.
Les motivations selon l’Administration
Si les parents peuvent compléter le champ concernant leur motivation lors de la complétion du formulaire d’inscription de leur(s) enfant(s) à l’EAD, il s’agit d’une possibilité et non une obligation. Il n’existe donc pas, au sein de l’Administration de statistiques ou d’indicateurs concernant les profils des familles et/ou leurs motivations.
H. D'H.
(1) TILMAN A., L’enseignement à domicile en Belgique francophone - Exploration des motivations parentales, Université catholique de Louvain, Année académique 2016-2017.
https://dial.uclouvain.be/memoire/ucl/en/object/thesis%3A10460/datastream/PDF_01/view
(2) Philippe Meirieu intervenait dans le cadre de la présentation du livre Et si l’école… 22 chroniques pour changer l’éducation (éd. Chronique sociale), par les CEMEA (Centres d’Entrainement aux Méthodes d’Éducation Active). La présentation du livre est à écouter via https://www.cemea.be/RE-ECOUTER-Philippe-Meirieu-les-CEMEA
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