Magazine PROF n°53
Dossier Educateurs en milieu scolaire
Un sas pour souffler et se poser
Article publié le 17 / 03 / 2022.
Aider les élèves à renouer des liens avec l’école et à reprendre confiance en eux : voilà les missions de Thierry Colard, éducateur à l'Institut Saint-Joseph de Ciney.
Si des services externes à l’école existent, certains établissements scolaires mettent en place en leur sein des projets afin de lutter contre le décrochage scolaire et de renouer les liens entre les jeunes et l’école. C’est ce projet que mène Thierry Colard depuis 6 ans à l'Institut Saint-Joseph, à Ciney.
L’Institut Saint-Joseph est un établissement secondaire général et technique comptant environ 1800 élèves. L’équipe d’éducateurs compte onze personnes, dont Thierry Colard, qui s’occupe à temps plein de ce projet d’accrochage scolaire.
Pendant près de 20 ans, il a été instituteur maternel, mais aussi animateur et auteur de pièces de théâtre. Un changement de cap professionnel lui fait intégrer l’équipe du Service d’accrochage scolaire Émergences, de Libramont. C’est là qu’il découvre les dispositifs d’accrochage scolaire.
En 2016, il quitte l’ASBL Émergences et intègre l’équipe d’éducateurs de l’Institut Saint-Joseph. Peu à peu, il met en place le projet d’accrochage scolaire au sein de l’établissement, avec l’appui de sa direction et de son Pouvoir organisateur. Même s’il est le responsable principal de ce projet, il travaille en étroite collaboration avec les équipes pédagogiques de l’école.
PROF : Pourquoi avez-vous mis en place ce projet ? Thierry Colard : Sur nos 1800 élèves, on sait que 10 % d’entre eux sont susceptibles d’être en difficultés, plus ou moins grandes, au cours de leur scolarité. C’est pour cela, pour faire face aux diverses difficultés que ces jeunes rencontrent, que la direction de l’école m’a peu à peu détaché des tâches spécifiques aux éducateurs pour que je coordonne, à temps plein, ce service offert aux jeunes, à l’équipe pédagogique, aux services externes et aux parents.
C’est un service. Il n’y a donc aucune obligation de s’y rendre. Mais avec la crise sanitaire, nous avons été plus qu’utile ! En 2019‑2020, entre septembre et le 13 mars 2020, date où le coronavirus a bouleversé la fin d’année, 101 dossiers ont été ouverts pour des élèves de l’enseignement technique et 133 pour ceux du général. Les demandes concernaient essentiellement le stress, la motivation et la confiance en soi et en l’avenir.
Il faut savoir que le suivi régulier habituel représente plus ou moins 80 dossiers. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2017‑2018, nous avions ouvert 117 dossiers de suivi. En 2018‑2019, 178. En 2019‑2020, 234 !
Pour l’année 2020‑2021 : ce sont essentiellement trois thématiques qui ont été développées : stress, motivation et estime de soi. Des animations de classe ont été aussi mises en place.
Pour cette année scolaire, 131 dossiers sont ouverts pour l’enseignement général et 56 pour l’enseignement technique, soit 187 au total, et nous ne sommes qu’en janvier ! Nous essayons d’être un vrai sas de décompression où l’élève en difficulté peut souffler, se poser, réfléchir et être accompagné dans son parcours. Le but est de garder les élèves à l’école. Pas forcément en classe, mais à l’école !
Nous essayons d’éviter le décrochage. Ainsi, nous avons beaucoup de jeunes qui sont sur la piste du décrochage à cause de l’allongement du tronc commun. Nous essayons de les motiver, de les garder à l’école, de penser avec eux leur parcours de formation. Ce n’est pas simple.
Nous travaillons aussi avec des partenaires externes parfois comme le projet Chacun sa yourte de l’AMO Le Cercle, à Ciney, qui offre un moment de pause, de réflexion au jeune dans une période où il n’est pas bien. Nous faisons beaucoup de prévention dès le 1er degré ; nous créons des moments de rencontres afin de souder la classe, gérer des conflits…
Ce projet s’inscrit-il dans les plans de pilotage ?
Nous sommes en pleine élaboration de notre plan de pilotage et donc du futur contrat d’objectifs. Ce projet s’inscrit dans le cadre du bien-être à l’école. Non seulement il s’agit de prévention au décrochage scolaire, à la violence, mais le travail effectué est aussi utile d’un point de vue pédagogique.
Je suis présent lors des conseils de classe et je peux apporter un éclairage différent sur les aspirations du jeune, sur le projet d’orientation mis en place. C’est très utile à tous.
Comment est-ce organisé ?
Un local spécifique est prévu au sein de l’école. Il est organisé avec un coin administratif plus formel et puis un coin plus intime qui permet les discussions. Le local est assez grand, car si je reçois les élèves en tête à tête, il arrive que je reçoive des groupes, sans oublier les parents.
Les parents sont toujours avertis de la rencontre. Ils en reçoivent un compte-rendu, les enseignants et la direction également. Mais en respectant un code de déontologie et ce qui relève du secret professionnel, il y a des choses qui restent entre l’élève et moi.
Les élèves viennent d’eux-mêmes, surtout les plus grands. Parfois, la demande émane des enseignants, des parents. Pour les élèves, une rencontre c’est important. Ils savent qu’il y a toujours quelqu’un de présent pour eux, pour les écouter, sur qui ils peuvent compter. Je suis un repère stable dans l’école.
Comment le CPMS a-t-il pris la création de ce service ?
Nous ne sommes pas concurrents, mais complémentaires. Nous sommes là au quotidien, pour les urgences je dirais. Les élèves savent que je suis à l’écoute et accessible. Mes collègues éducateurs également. Il faut savoir que beaucoup d’élèves et de parents refusent encore de se rendre au CPMS. Le CPMS garde ses rôles et missions comme les tests d’orientation, le suivi des dossiers particuliers avec le SAJ et le SPJ.
Comment vous préservez-vous ?
Je me donne du temps pour moi et une fois à la maison, je ferme la porte du travail. Je n’ouvre plus mes mails. Je me préserve. Je partage mon expérience également avec mes collègues et je donne des formations au Cecafoc. Il faut reconnaitre que l’accrochage scolaire, les signes qui indiquent que l’élève est en décrochage, les questions d’aide à l’orientation manquent dans la formation initiale des éducateurs et des enseignants.
Je rêve que ce projet perdure après mon départ à la pension. Et que dans toutes les écoles, les élèves puissent avoir un lieu où se poser, où souffler en dehors de la classe.
Service d’accrochage scolaire
La Fédération Wallonie-Bruxelles a institué les services d’accrochage scolaire (SAS) dont les objectifs sont de lutter contre le décrochage et la violence en milieu scolaire. Ces services sont externes à l’école et sont souvent organisés en ASBL. Ils travaillent d’abord en étroite collaboration avec le jeune en souffrance (décrochage, phobie scolaire, violence…), avec l’école (éducateurs et enseignants) et avec la famille.
Les SAS sont issus d’un accord de coopération entre l’Aide à la Jeunesse et l’Enseignement au sein de la FW-B. Mais des services d’aide aux établissements scolaires dépendent de la Direction générale de l’Enseignement obligatoire (DGEO). Ils aident les membres des personnels du terrain à adopter et mettre en place des stratégies de lutte contre le décrochage scolaire.
Toutes leurs interventions sont gratuites. Chaque SAS développe ses spécificités et ses modalités d’action selon le contexte spécifique à sa région, son public.
www.accrochaje.cfwb.be
Avec « AJE » pour Aide à la Jeunesse et Enseignement : ce site destiné aux personnels de l’enseignement et de l’aide à la jeunesse leur permet de trouver des informations et ressources utiles pour mener à bien des projets bien-être à l’école, accrochage scolaire, prévention de la violence, accompagnement dans les démarches d’orientation.
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